Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 31 janvier 2014
Interview

Anicet Le Pors : « il faut permettre une amélioration de la situation matérielle et morale des fonctionnaires »

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© D.R.
Le Centre national de la fonction publique territoriale et le groupement de recherche sur l’administration locale organisent aujourd’hui au Sénat un colloque à l’occasion des trente ans de la fonction publique territoriale. Alors que le gouvernement réfléchit à une nouvelle réforme de la fonction publique, dans la continuité du rapport Pêcheur remis en novembre dernier au Premier ministre, cette initiative sera l’occasion de faire le point sur les évolutions à venir. Intervenant lors de ce colloque, Anicet Le Pors, ministre de la Fonction publique et des Réformes administratives de 1981 à 1984, principal auteur de la réforme de la fonction publique de 1983-1984, revient pour Maire Info sur les acquis de ce statut et les défis que doit aujourd’hui relever la fonction publique.

Trente ans après, quel regard portez-vous sur la loi du 26 janvier 1984 qui a créé le statut de la fonction publique territoriale ?
Avec la loi du 26 janvier 1984, les fonctionnaires territoriaux ont pu bénéficier de tous les acquis du statut général des fonctionnaires. Cette construction statutaire est toujours debout. Elle a cependant été profondément dénaturée, notamment par la loi Galland du 13 juillet 1987. Ce texte a modifié le statut érigé en 1986 en réintroduisant la liste d’aptitude et le système des « reçus-collés »  pour les recrutements. La loi Galland a aussi élargi les possibilités de recours aux agents contractuels qui représentent aujourd’hui 17 % des effectifs de la fonction publique territoriale.
Plus généralement, le statut de la fonction publique a subi 210 modifications législatives et plus de 300 modifications réglementaires. La fonction publique territoriale a été la plus touchée avec 78 modifications. Aujourd’hui, l’« idéologie managériale »  imprégne la gestion des collectivités territoriales. Mais, ces dernières constituent aussi un contrepouvoir face aux politiques d’austérité et jouent un rôle d’« amortisseur social »  face à la crise économique.

Jean-Marc Ayrault a déclaré, lors de ses vœux aux agents publics le 23 janvier dernier, que leur statut était la condition de la réforme de l’État et des collectivités. Partagez-vous cette position?
Le Premier ministre a fortement affirmé son soutien à la conception française du service public et du statut général des fonctionnaires. Il faut en prendre acte très positivement. Cette position tranche avec les déclarations des gouvernants du quinquennat précédent, qui visaient une refonte totale du statut.
Toutefois, il faut dépasser les déclarations de principe. La situation doit être assainie en revenant sur les dénaturations du statut de ces trente dernières années. Des chantiers structurels doivent également être engagés afin de permettre une réelle modernisation de la fonction publique et une amélioration de la situation matérielle et morale des fonctionnaires. J’espère que la concertation engagée avec les organisations syndicales y parviendra.

Quels sont, selon vous, les défis que devra relever la fonction publique territoriale dans les trente prochaines années ?
Beaucoup de ces défis sont communs aux trois fonctions publiques. Ils tiennent à l’évolution des besoins, des technologies, au contexte politique national et international. J’ai la conviction que le XXIème siècle peut et doit être l’ « âge d’or »  du service public. Plus concrètement, il faudrait mettre en place à moyen et long terme plusieurs réformes comme une gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences, donner une traduction juridique plus satisfaisante à la garantie fondamentale de mobilité, favoriser les multi-carrières, encourager l’égal accès des femmes et des hommes aux emplois supérieurs ... Dans ce mouvement d’ensemble, aucune fonction publique ne peut prétendre être « l’avant-garde »  des autres. Mais, la fonction publique territoriale, grâce à sa diversité, ses potentiels, son pragmatisme, la proximité qu’elle entretient avec les besoins des populations, peut apporter une contribution d’une grande richesse.
Propos recueillis par Elsa Dimicoli

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