Interview d'Emmanuel Macron : la décentralisation, ce ne sera pas pour cette fois
Ceux qui attendaient de l’interview télévisée du chef de l’État, hier, des grandes annonces sur la décentralisation, en auront été pour leurs frais. Le président de la République n’a même pas prononcé le mot lors de cet entretien d’un peu plus d’une heure. En revanche, quelques annonces ont été faites sur le terrain de l’économie, de l’écologie, de la lutte contre le covid-19… et de la taxe d’habitation.
Les « territoires » absents
L’acte III de la décentralisation n’est visiblement par pour tout de suite. Alors que le Sénat a livré la semaine dernière 50 propositions pour la décentralisation, alors que les associations nationales représentant les trois niveaux de collectivités, réunies sous la bannière de Territoires unis, ont appelé le 8 juillet à une « nouvelle étape » vers plus d’autonomie… ni le gouvernement ni le chef de l’État, hier, ne semblent pressés. Le très attendu projet de loi « 3D » se fait attendre ; le seul texte produit à cette heure par le ministère de Jacqueline Gourault – qui est examiné par le Conseil d’État – ne contient que de très modestes mesures relatives à l’expérimentation. Et dans l’interview télévisée du chef de l’État, hier, les « territoires », si chers à Jean Castex, étaient totalement absents. Rien sur la décentralisation, rien sur l’autonomie fiscale et financière des collectivités, rien sur d’éventuelles nouvelles répartitions de compétences entre l’État et les collectivités… Les mots « communes », « régions », « départements », « maires », n’ont pas été prononcés dans les réponses du président de la République. Pas plus que n’a été évoquée une éventuelle nouvelle conférence des territoires, dont Emmanuel Macron a pourtant parlé quelques jours auparavant.
Taxe d’habitation
La relance et la problématique du chômage ont en revanche été largement évoquées dans cet entretien. Le chef de l’État a reconnu qu’il fallait craindre, dans les mois à venir, « entre 800 000 et un million de chômeurs de plus » : « Nous allons avoir des plans sociaux, ils ont déjà commencé, nous allons avoir une augmentation du chômage massive », a prévenu Emmanuel Macron, qui a appelé la société à « se préparer collectivement ». Il a essentiellement mis l’accent sur « la formation » – là encore sans même citer les régions, pourtant chargées de cette compétence –, estimant que les salariés doivent se former pour pouvoir aller « vers des secteurs où il y a des opportunités » comme la rénovation thermique des bâtiments ou « la filière hydrogène ». « 300 000 contrats et projets d’insertion » vont être créés pour « aller chercher les jeunes qui sont les plus loin de l’emploi » et un nouveau dispositif d’exonération de cotisations sociales va être créé pour « un à deux ans », sur les salaires des jeunes embauchés « jusqu’à 1,6 smic ».
Pour financer le coût de ces mesures – sans compter celles qui ont déjà été décidées depuis le début de l’épidémie et se chiffrent en centaines de milliards – le chef de l’État s’est une nouvelle fois engager à ne pas augmenter les impôts. Il a en revanche évoqué une « option possible » : le décalage dans le temps de la dernière phase de la réforme de la taxe d’habitation. Selon les plans initiaux du gouvernement, c’est en 2023 que les derniers 20 % des ménages – les plus aisés – devraient à leur tour voir la TH disparaître. « Décaler un peu pour les plus fortunés d’entre nous, la suppression de la taxe d’habitation, (…) est peut-être en période de crise quelque chose de légitime », a affirmé hier le chef de l’État, qui a ajouté : « L’esprit de justice pourrait être de dire : ‘’Ceux qui payent aujourd’hui la taxe d’habitation pour lesquels on n’avait pas encore baissé, on peut peut-être attendre un peu plus d’années pour le faire’’ », estimant qu’il s’agit « au fond de bon sens ».
Petites lignes
Interrogé sur son action en matière d’écologie, le chef de l’État a annoncé un plan de rénovation « massive » des bâtiments. À commencer par « un grand programme de rénovation de nos écoles et de nos Ehpad, en lien avec les collectivités publiques qui sont derrière ces bâtiments ». Aucun chiffre n’a toutefois été donné sur le financement de ce plan.
Par ailleurs, le président de la République a appelé à « aller beaucoup plus vite et fort sur la réduction du trafic dans les zones à fortes émissions » – ce qui va concerner directement les maires, mais sans donner d’autres précisions.
Il s’est en revanche montré un peu plus précis sur la question des transports, répétant que les lignes aériennes intérieures entre des villes qui sont à « deux heures de TGV » ne se justifient plus. En revanche, il n’est pas question de supprimer les lignes aériennes pour des villes qui sont à « 3, 4, 5, 6 heures de train » : « On a besoin d’aller à Brive », à illustré le chef de l’État. Au détour d’une phrase, Emmanuel Macron a annoncé une décision que l’on attend, à présent, de voir précisée : « On va redévelopper les trains de nuit, (…) on va redévelopper les petites lignes de trains. »
Masques obligatoires dans les lieux publics clos
Parmi les autres annonces, le chef de l’État a reconnu à demi-mot que la réforme constitutionnelle (dont l’introduction d’une part de proportionnelle aux élections législatives) était pour l’instant abandonnée : « (C’était) un de mes engagements, mais il y a un chemin que la Constitution impose et pour lequel les données politiques, les contraintes politiques ne me permettent pas de le faire. »
Il a en revanche annoncé vouloir « s’attaquer avec beaucoup de force » à la question des discriminations liées à la couleur de la peau : « Il y a encore de la discrimination dans notre pays. Il y en a pour les diplômes, il y en a pour l'accès à la haute fonction publique, pour la représentation, pour les contrôles. » Sur ce dernier sujet, le président de la République a annoncé « la généralisation » des caméras piéton « avant la fin du quinquennat ».
Enfin, sur la question de la lutte contre l’épidémie, reconnaissant que celle-ci « repart quand même » et « se réaccélère », Emmanuel Macron a annoncé que le gouvernement allait « se mettre en situation » de rendre le port du masque « totalement obligatoire » dans « tous les lieux publics clos » à partir du 1er août.
Les chiffres publiés ce week-end par Santé publique France sont en effet inquiétants : le taux de reproduction du virus (« R effectif » ) augmente de nouveau dans plusieurs régions. Il est nettement supérieur à 1 dans des régions jusque-là relativement moins touchées que d’autres, en particulier les régions Nouvelle-Aquitaine, Pays-de-la-Loire et Paca.
Franck Lemarc
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