Édition du vendredi 28 juin 2019
Sécurité des ponts : le sénateur Hervé Maurey en appelle à la « solidarité nationale »
Un « plan Marshall » sur dix ans pour « éviter un drame » : les mots sont lâchés. Rendues publiques hier, les conclusions du rapport sénatorial sur l’état « très préoccupant » des ponts en France – dont 90 % appartiennent aux collectivités – sont effectivement alarmantes. Lancée après l’effondrement du pont Morandi à Gênes il y a près d’un an, la mission d’information présidée par le sénateur de l’Eure Hervé Maurey (lire Maire info du 31 janvier 2019) a pu établir, dans le cadre de ses travaux – auditions, tables-rondes, déplacements et consultation des élus locaux –, qu’ « au moins 25 000 ponts sont en mauvais état structurel et posent des problèmes de sécurité et de disponibilité pour les usagers » – dont, « probablement », 18 à 20 % côté bloc communal.
À la source de ces « lacunes de la politique de surveillance et d’entretien des ponts », un constat « surprenant » : nul ne connaît le nombre exact des ponts en France. Une méconnaissance qui peut s’expliquer par les différentes vagues de décentralisation – amplifiées par le regroupement des intercommunalités porté par la loi Notre de 2015 – ayant provoqué la perte de nombreuses archives liés aux ponts. Les résultats de la consultation en ligne de janvier dernier sont tout aussi édifiants : sur 1 200 réponses d’élus du bloc communal, 37 % affirment ne pas avoir connaissance de l’état des ponts de leur collectivité et 73 % disent ne disposer d’aucune base de données de recensement de leurs ouvrages d’art.
Des ouvrages « en fin de vie » … et un « sous-investissement chronique »
Autres éléments de ce constat accablant, relevés par le sénateur du Pas-de-Calais et co-rapporteur Michel Dagbert : le vieillissement du patrimoine (un quart des ponts de l’État sont en « fin de vie » ), aggravé par le réchauffement climatique et l’utilisation de GPS orientant le trafic sur des ouvrages inadaptés en termes de tonnage. Le rapport sénatorial pointe aussi un « sous-investissement chronique dans l’entretien du patrimoine », épinglant au passage les « insuffisances de l’action publique ». La méthode d’évaluation de l’état des ouvrages – l’inspection visuelle – est notamment remise en cause. Trois mois avant Gênes, l’accident du viaduc de Gennevilliers – dont un mur de soutènement s’est affaissé, peu après son inspection ayant conclu à l’absence de « risque apparent de dégradation de la structure » – en est une illustration.
Sur le plan budgétaire, alors que la remise en état de l’ensemble des ponts gérés par les collectivités est estimée à 5 milliards d’euros (un simple audit d’un pont coûtant 5 000 euros), les dépenses de voirie des collectivités ont chuté de 30 % entre 2013 et 2017. L’OCDE recommande pourtant de consacrer chaque année 1,5 % de la valeur à neuf des ouvrages en maintenance. Même du côté de l’État, le compte n’y est pas : en moyenne, ces budgets ont représenté entre 0,15 et 0,2 % de la valeur à neuf du parc.
Les inquiétudes les plus vives se concentrent sur les ouvrages gérés par le bloc communal : les dernières données consolidées datent de 2008, et sont issues de l’assistance technique de l’État pour raison de solidarité et d’aménagement du territoire (Atesat)… supprimée en 2014. Ajoutés à la dégradation des finances locales, ces chiffres suscitent de « fortes craintes » : la mission sénatoriale estime ainsi que 18 à 20 % des ponts communaux présenteraient aujourd’hui une « structure altérée ou gravement altérée ».
Sortir de la politique de l’urgence
Première proposition du rapport : mettre en œuvre un « plan Marshall », avec, côté collectivités, la création d’un fonds d’aide doté de 138 millions d’euros par an pendant dix ans – soit 1,3 milliard d’euros au total –, en pérennisant notamment l’enveloppe dédiée à la sécurité des tunnels, créée après la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc en 1999. Objectifs : établir un diagnostic de l’ensemble des ponts du bloc communal d’ici cinq ans, et remettre en état les plus dégradés en une décennie.
Au-delà de ce plan, le rapport sénatorial préconise aussi une réforme structurelle pour « sortir d’une culture de l’urgence au profit d’une gestion patrimoniale », avec trois leviers essentiels : la mise en place d’un système d’information géographique (SIG) national pour référencer tous les ouvrages d’art ; un « carnet de santé » pour chaque pont ; et enfin, la prise en compte de leur amortissement dans les outils de comptabilité publique. Les rapporteurs souhaitent en ce sens qu’une concertation soit lancée, afin que les dépenses de maintenance des collectivités figurent dans la section « investissements » de leur budget, leur permettant de récupérer la TVA.
Mutualiser l’expertise et les moyens
Pour Patrick Chaize, sénateur de l’Ain et co-rapporteur de la mission d’information,
« un pont est un ouvrage qui se partage ». Il s’agit donc d’« encourager la mutualisation de la gestion des ponts au niveau départemental ou intercommunal ». Autres préconisations : créer un schéma départemental afin d’identifier les ponts routiers pouvant faire l’objet d’un cofinancement ; réinstaurer une offre d’ingénierie dans les territoires, via le Cerema, et la future Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT). En ce sens, la mission sénatoriale plaide pour que l’ANCT devienne un guichet unique en matière d’ingénierie technique et financière, et qu’elle soit ainsi dotée « de moyens humains et financiers suffisants ». Le président de la mission, Hervé Maurey, en appelle donc à la « solidarité nationale » pour soutenir les collectivités, « exsangues » après de nombreuses années de baisse des dotations. Sans laisser de place au doute : « Je ne vois pas quel gouvernement ignorerait un tel état d’urgence ».
À la source de ces « lacunes de la politique de surveillance et d’entretien des ponts », un constat « surprenant » : nul ne connaît le nombre exact des ponts en France. Une méconnaissance qui peut s’expliquer par les différentes vagues de décentralisation – amplifiées par le regroupement des intercommunalités porté par la loi Notre de 2015 – ayant provoqué la perte de nombreuses archives liés aux ponts. Les résultats de la consultation en ligne de janvier dernier sont tout aussi édifiants : sur 1 200 réponses d’élus du bloc communal, 37 % affirment ne pas avoir connaissance de l’état des ponts de leur collectivité et 73 % disent ne disposer d’aucune base de données de recensement de leurs ouvrages d’art.
Des ouvrages « en fin de vie » … et un « sous-investissement chronique »
Autres éléments de ce constat accablant, relevés par le sénateur du Pas-de-Calais et co-rapporteur Michel Dagbert : le vieillissement du patrimoine (un quart des ponts de l’État sont en « fin de vie » ), aggravé par le réchauffement climatique et l’utilisation de GPS orientant le trafic sur des ouvrages inadaptés en termes de tonnage. Le rapport sénatorial pointe aussi un « sous-investissement chronique dans l’entretien du patrimoine », épinglant au passage les « insuffisances de l’action publique ». La méthode d’évaluation de l’état des ouvrages – l’inspection visuelle – est notamment remise en cause. Trois mois avant Gênes, l’accident du viaduc de Gennevilliers – dont un mur de soutènement s’est affaissé, peu après son inspection ayant conclu à l’absence de « risque apparent de dégradation de la structure » – en est une illustration.
Sur le plan budgétaire, alors que la remise en état de l’ensemble des ponts gérés par les collectivités est estimée à 5 milliards d’euros (un simple audit d’un pont coûtant 5 000 euros), les dépenses de voirie des collectivités ont chuté de 30 % entre 2013 et 2017. L’OCDE recommande pourtant de consacrer chaque année 1,5 % de la valeur à neuf des ouvrages en maintenance. Même du côté de l’État, le compte n’y est pas : en moyenne, ces budgets ont représenté entre 0,15 et 0,2 % de la valeur à neuf du parc.
Les inquiétudes les plus vives se concentrent sur les ouvrages gérés par le bloc communal : les dernières données consolidées datent de 2008, et sont issues de l’assistance technique de l’État pour raison de solidarité et d’aménagement du territoire (Atesat)… supprimée en 2014. Ajoutés à la dégradation des finances locales, ces chiffres suscitent de « fortes craintes » : la mission sénatoriale estime ainsi que 18 à 20 % des ponts communaux présenteraient aujourd’hui une « structure altérée ou gravement altérée ».
Sortir de la politique de l’urgence
Première proposition du rapport : mettre en œuvre un « plan Marshall », avec, côté collectivités, la création d’un fonds d’aide doté de 138 millions d’euros par an pendant dix ans – soit 1,3 milliard d’euros au total –, en pérennisant notamment l’enveloppe dédiée à la sécurité des tunnels, créée après la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc en 1999. Objectifs : établir un diagnostic de l’ensemble des ponts du bloc communal d’ici cinq ans, et remettre en état les plus dégradés en une décennie.
Au-delà de ce plan, le rapport sénatorial préconise aussi une réforme structurelle pour « sortir d’une culture de l’urgence au profit d’une gestion patrimoniale », avec trois leviers essentiels : la mise en place d’un système d’information géographique (SIG) national pour référencer tous les ouvrages d’art ; un « carnet de santé » pour chaque pont ; et enfin, la prise en compte de leur amortissement dans les outils de comptabilité publique. Les rapporteurs souhaitent en ce sens qu’une concertation soit lancée, afin que les dépenses de maintenance des collectivités figurent dans la section « investissements » de leur budget, leur permettant de récupérer la TVA.
Mutualiser l’expertise et les moyens
Pour Patrick Chaize, sénateur de l’Ain et co-rapporteur de la mission d’information,
« un pont est un ouvrage qui se partage ». Il s’agit donc d’« encourager la mutualisation de la gestion des ponts au niveau départemental ou intercommunal ». Autres préconisations : créer un schéma départemental afin d’identifier les ponts routiers pouvant faire l’objet d’un cofinancement ; réinstaurer une offre d’ingénierie dans les territoires, via le Cerema, et la future Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT). En ce sens, la mission sénatoriale plaide pour que l’ANCT devienne un guichet unique en matière d’ingénierie technique et financière, et qu’elle soit ainsi dotée « de moyens humains et financiers suffisants ». Le président de la mission, Hervé Maurey, en appelle donc à la « solidarité nationale » pour soutenir les collectivités, « exsangues » après de nombreuses années de baisse des dotations. Sans laisser de place au doute : « Je ne vois pas quel gouvernement ignorerait un tel état d’urgence ».
Caroline St-André
Télécharger le rapport.Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
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