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Édition du lundi 22 janvier 2024
Sexisme

Inégalités dans l'éducation, réflexes sexistes persistants : le sexisme ne recule toujours pas en France

Si la société française est de plus en plus consciente des inégalités entre les femmes et les hommes, les stéréotypes continuent de forger les mentalités et les comportements des plus jeunes. La famille, l'école et le numérique sont les trois sphères où s'ancre durablement le sexisme, selon le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Par Lucile Bonnin

Le sixième état des lieux sur l’état du sexisme en France réalisé pour le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) « dresse le constat d’une société française de plus en plus consciente des inégalités entre les genres mais souligne que le sexisme ne recule pas ».

Les chiffres s’aggravent sur l’état du sexisme en France : les stéréotypes liés au genre se renforcent et les femmes racontent toujours vivre des situations inacceptables à cause de leur genre. C’est pourquoi cette année, le HCE a cherché à connaitre les raisons de la persistance du sexisme, afin de « le combattre là où il naît ». L’éducation familiale mais aussi scolaire joue un rôle déterminant dans la reproduction des schémas sexistes. Le numérique est aussi identifié comme « un engrenage »  qui l'alimente.

Sexisme tenace et retour aux valeurs traditionnelles 

Si 92 % des Français considèrent que les femmes et les hommes ne sont pas traités de la même manière dans au moins une des sphères de la société, les inégalités sont loin de s’effacer pour autant. Les stéréotypes semblent en effet avoir la peau dure. Par exemple, 70 % des hommes pensent qu’un homme doit prendre soin financièrement de sa famille pour être respecté dans la société (63 % des femmes le pensent). Du côté des femmes, 78 % d’entre elles pensent qu’on attend d’elles qu’elles soient sérieuses (70 % des hommes le pensent) et 52 % qu’elles aient des enfants (41 % des hommes).

Certaines idées désignées comme des « clichés »  progressent même en 2023. 42 % des Français considèrent « qu’il est plus difficile pour les hommes de pleurer que pour les femmes »  alors qu’ils étaient 39 % l’année dernière. De même, l’idée que « les femmes sont naturellement plus douces que les hommes »  progresse de 3 points (53 %) par rapport à l’année dernière. 

L’étude met en lumière un retour des idées « conservatrices ». Les hommes de 65 ans et plus sont 51 % à estimer que les femmes doivent s’arrêter de travailler pour s’occuper de leurs enfants. Enfin, plus inquiétant encore, « on observe chez les hommes plus jeunes, notamment la tranche des 25-34 ans, davantage d’adhésion aux clichés masculinistes, qui semblent perçus comme une valorisation de leur genre au détriment des femmes » . Les jeunes hommes estiment par exemple qu'ils sont davantage faits pour être patrons (28 %) et qu’ils sont plus performants dans les carrières liées aux sciences (29 %). Ce type de mentalité mène indirectement un quart des jeunes hommes à penser « qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter » . Un chiffre accablant. 

Enfin, lorsque l’on s’intéresse aux principales victimes du sexisme, on remarque que 54 % des femmes ressentent une injonction à la maternité. En plus des injonctions, des menaces pèsent sur les femmes. Ainsi, 37 % des femmes déclarent avoir vécu au moins une situation de non-consentement, alors que seulement 23 % des hommes reconnaissent avoir été l’auteur d’au moins une situation de non-consentement. « Un décalage qui évoque toujours un manque de prise de conscience notable de la part des hommes », indiquent les auteurs de l’étude. 

Ces inégalités ont encore poussé les femmes à mettre en place « des stratégies de renoncement ou d’évitement »  pour ne pas être en danger. Ainsi, 58 % des femmes déclarent qu’elles ont déjà renoncé à sortir faire des activités seules (+ 3 points) ; 44 % qu’elles ont fait attention à ne pas hausser le ton (+ 3 points) ; et 43 % qu’elles ont censuré leurs propos par crainte de la réaction des hommes (+ 3 points).

« Éducation au sexisme » 

« L’édition 2024 du baromètre sexisme a choisi d’étudier le terreau du sexisme, les ''incubateurs du sexisme'' que sont la famille, l’école et les contenus numériques, pour montrer qu’il existe une véritable ''éducation" au sexisme ». 

Dans le cercle familial, les parents ont le sentiment d’avoir éduqué leurs enfants de sexe opposé de façon identique. Pourtant, les Français qui ont grandi avec un enfant du sexe opposé sont plus nombreux que leurs parents à constater des différences. Par exemple, seulement 54 % d’entre eux estiment avoir reçu une éducation identique sur le partage des tâches ménagères et 64 % sur le choix vestimentaire et l’apparence physique. Enfin, « les jouets reçus et offerts continuent de refléter et de perpétuer les stéréotypes de genre » : « Seulement 3 % des hommes ont reçu des poupées et 4 % des femmes des jouets voiture dans leur enfance. » 

Du côté de l’école, le HCEfh estime que des schémas sexistes sont reproduits inconsciemment, qui ont « des conséquences directes sur l’orientation » : « 74 % des femmes n’ont jamais envisagé de carrière dans les domaines scientifiques ou techniques » . Ces inégalités de genre à l’école vont de pair avec « des carences dans l’éducation à l’égalité » . 2 français sur 10 déclarent que les situations sexistes sont condamnées par les professeurs. Autre mauvais signal : 62 % des Français n’ont jamais suivi une seule séance d’éducation sexuelle et affective. « Des signes positifs sont toutefois perceptibles dans les jeunes générations puisque le sentiment que les inégalités sont prises en charge par le personnel scolaire comme la part de ceux qui ont suivi une séance d’éducation sexuelle et affective augmentent » , peut-on lire dans le rapport.

De nombreux enjeux se trouvent également dans les sphères audiovisuelle et numérique. Les réseaux sociaux apparaissent de plus en plus comme une vitrine pour les injonctions conservatrices. Très récemment par exemple, on observe l’émergence de la tendance #tradwife (épouse traditionnelle en français). Ces contenus valorisent un « mode de vie de femme mariée, "soumise" aux désirs et à la carrière de son mari, sans emploi et entièrement dédiée à son foyer » . Sur TikTok, le réseau social le plus plébiscité par les jeunes générations, « les vidéos dites humoristiques sont dominées par des représentations dégradantes et humiliantes des femmes (42,5 %) » , mettant en avant souvent de jeunes hommes affublés d’une perruque aux cheveux longs, singeant les mimiques considérées comme étant propres aux femmes. 

Sans surprise, Internet n’est pas le seul média véhiculant des représentations dégradantes pour les femmes. 55 % des Français constatent que les femmes sont sexualisées dans une majorité de films et séries et encore plus dans les publicités. Dans les faits, les personnages féminins principaux sont encore souvent cantonnés au foyers (45 %). Les contenus pornographiques sont également un catalyseur des violences sexistes et sexuelles : « Les vidéos pornographiques diffusent des contenus misogynes d’une rare violence que 64 % des hommes de 25-34 ans disent imiter dans leurs relations sexuelles » 

Pour un réveil des consciences 

Le sexisme, s’il fait depuis quelques années la Une de l’actualité (notamment depuis le mouvement #MeToo) , reste cependant nié par de nombreux Français en tant que fait social ou ignoré par d'autres du fait d'une absence de prise de conscience. Ainsi, le HCE alerte sur la nécessité « d’une prise de conscience collective de la part de la société, des parents, de l’école, qui ne conscientisent pas et diffusent les stéréotypes ».

« Des attentes très fortes s’expriment donc à l’égard des pouvoirs publics pour une prise en charge de la prévention et la lutte contre le sexisme : 84 % des Français estiment qu’elle doit être prioritaire dans l’agenda des pouvoirs publics, d’autant plus que le sentiment d’impunité des actes et propos sexistes stagne toujours à un niveau élevé (75 %) » .

Consulter le rapport. 
 

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