Maire-info
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Édition du jeudi 14 avril 2022
Aménagement

Indemnisation et réparation des dommages miniers : le gouvernement a-t-il réellement renforcé le dispositif ?

Dans une ordonnance parue ce matin, le gouvernement a souhaité « renforcer » le dispositif d'indemnisation et de réparation des dommages miniers. Pas vraiment l'avis du Collectif de défense des bassins miniers qui estime que l'exécutif cherche surtout à « exonérer de leurs responsabilités les exploitants et l'État ».

Par A.W.

Le gouvernement aura donc préféré recourir aux ordonnances plutôt que de passer par un projet de loi ordinaire pour traiter la réforme du Code minier. Dans le cadre de l’application de la loi Climat et résilience, le ministère de la Transition écologique a publié, ce matin, plusieurs ordonnances consacrées à ce sujet et dont l’une a pour objectif de renforcer le dispositif d'indemnisation et de réparation des dommages miniers en élargissant cette dernière notion. 

Une ordonnance qui a entraîné la colère du Collectif de défense des bassins miniers, qui se bat depuis les années 1990 pour faire valoir les intérêts des communes sinistrées par l’exploitation minière et de leurs habitants, notamment en ce qui concerne l’affaissement des terrains en Lorraine.

Extension aux dommages environnementaux et sanitaires

Le Collectif estime ainsi, dans un texte publié sur son site internet le 24 mars, que le gouvernement cherche surtout « à exonérer de leurs responsabilités les exploitants et l’Etat […] sous prétexte de lutte contre le dérèglement climatique et de renforcement de la résilience face à ses effets ».

Que dit cette ordonnance ? Afin de poser une « définition précise », inexistante jusqu’à présent, du dommage minier, elle définit celui-ci comme un dommage ayant pour « cause déterminante »  l'ancienne activité minière et l’étend aux dommages « environnementaux et sanitaires ». 

Elle souligne également « la responsabilité »  de l'explorateur ou de l'exploitant qui « n'est limitée ni au périmètre du titre minier, ni à sa durée de validité ». Il peut, toutefois, s'exonérer de sa responsabilité en apportant « la preuve d'une cause étrangère »  au dommage, ou bien également la réduire ou la supprimer lorsque le dommage est causé « conjointement par l'activité minière et par la faute de la victime, consistant, notamment, en une abstention de prise en compte par cette dernière des recommandations émises par les autorités sanitaires ». 

Le texte confirme, par ailleurs, que l'État est garant de la réparation des dommages miniers causés par les activités de l’exploitant « en cas de défaillance ou de disparition »  de ce dernier et peut faire effectuer des travaux d'office à ses frais pour prévenir la « survenance imminente d'un dommage grave ».

Reste que « seul [sera] réparable le préjudice actuel, direct et certain résultant d'un dommage »  minier. Le texte prévoit également que l'indemnisation des dommages miniers peut être gérée « pour le compte de l'Etat par le fonds de garantie des assurances obligatoires et précise que ce fonds de garantie percevra une rémunération à hauteur des dépenses exposées par cette activité ».

Exclusion des dégâts passés et présents

Cependant, ces dispositions s'appliqueront uniquement à « tout dommage découvert après la date de publication de la présente ordonnance », indique l’ordonnance dans son deuxième article.

Une restriction du champ d’application qui exclut tout simplement, et « de manière scandaleuse », « tous les dégâts miniers passés et présents de tous les bassins miniers », a fulminé le Collectif de défense des bassins miniers, dans le cadre de la consultation publique dédiée. 

Et ce dernier de démonter point par point les dispositions de l’ordonnance, jugeant, d’abord, la proposition du gouvernement « trop restrictive et dangereuse »  en se limitant à une « cause déterminante »  dans la définition du dommage minier.

L’exploitant et l’Etat « exonérés »  de leur responsabilité

Au lieu de « réaffirmer la responsabilité de l’exploitant », le collectif estime que le gouvernement s'« exonère »  plutôt de sa responsabilité et de celle de l’État en usant de l’expression « par la faute de la victime ». De plus, il ne voit « aucune raison équitable de distinguer pour l’indemnisation un risque d’un sinistre ».

Quant au fonds de garantie des assurances obligatoires (FGAO) garanti par l’Etat, le Collectif souligne qu’il a « fait depuis longtemps en Lorraine la preuve de son inefficacité ». L’association CLCV de Rosbruck, qui défend les victimes de « l’après-mine »  depuis 1995, s’est d’ailleurs associée « pleinement »  - dans la partie commentaires de la consultation - à l’ensemble des griefs émis par le collectif.

De son côté, le sénateur de Moselle Jean-Marie Mizzon (Union centriste) s’est élevé « contre le choix d’un dispositif par ordonnance, antidémocratique et qui escamote le débat parlementaire ». Récrimination dont il avait déjà fait part il y a un an lors d’une question au gouvernement, durant laquelle il réclamait « un projet de loi ordinaire, comprenant notamment un titre supplémentaire relatif à l'après-mine »  tout en estimant que « les réparations [engagées par le gouvernement] sont des gouttes d'eau au regard des besoins des habitants »  (alors que certaines maisons de Rosbruck, par exemple, « fissurées de toute part, n'ont aujourd'hui plus aucune valeur » ).

À cette occasion, la ministre déléguée au Logement, Emmanuelle Wargon, avait rappelé, entre autres, que « l'État assume ses responsabilités en matière d'après-mine et consacre chaque année près de 40 millions d'euros pour assurer la surveillance des anciens sites miniers, la prévention des risques miniers et la réparation des dommages d'origine minière ».

Dans un entretien accordé il y a quelques années à Maire info, le député-maire de Fameck (Moselle) de l’époque et vice-président du Collectif de défense des communes minières, Michel Liebgott, rappelait que, « sur les deux millions d’habitants [en Lorraine], 800 000 [étaient] concernés ».

« Avec la fermeture des mines, expliquait-il, ces territoires ont subi la double peine, avec d’une part la perte de l’activité et de l’emploi, et de l’autre des terrains qui sont en train de s’affaisser, et deviennent inconstructibles. […] Et le problème touche des publics fragiles, souvent des veuves de mineurs, dont les maisons deviennent inhabitables. Ces personnes n’arrivent pas à obtenir d’indemnités, parce que les mines ont fermé depuis 15 ou 20 ans et au nom du principe de non-rétroactivité. » 

À noter que le gouvernement a également publié au Journal officiel de ce matin une ordonnance modifiant le modèle minier et les régimes légaux relevant du Code minier et un autre relative à l'adaptation outre-mer du Code minier.

Télécharger l’ordonnance.
 

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