Incendie industriel dans l'Aveyron : de sérieuses questions sur le dispositif d'alerte
Par Franck Lemarc
« Un accident industriel majeur ». C’est ainsi que Laurent Alexandre, député de l’Aveyron, et Christine Teulier, maire de la commune d’Aubin, qualifient l’incendie qui a eu lieu samedi dernier, dans un courrier adressé hier aux ministres chargés de la transition écologiques et de la santé, ainsi qu’au préfet et aux directeurs de l’ARS, de la Dreal, du Sdis, etc.
Analyses trop lentes
Cet incendie a éclaté sur un site situé dans la commune de Vivez, à quelques encablures de Decazeville. Il a détruit un entrepôt de la société Snam (Société nouvelle d’affinage des métaux), spécialisée dans le recyclage des batteries.
L’incendie a eu lieu dans un entrepôt stockant quelque 900 tonnes de batteries lithium-ion de téléphones et d’ordinateurs. Il a été maîtrisé le lendemain. L’incendie a généré une très importante fumée, conduisant au confinement de la population dans un rayon de 500 m pendant la journée de samedi, avant que la préfecture estime, analyses faites, qu’il n’y avait pas de danger toxique.
Si l’usine elle-même est bien classée Seveso seuil haut, l’entrepôt qui a pris feu n’était pas concerné par ce classement.
Pour autant, le député et la maire (dont la commune est limitrophe de Viviers) signataires de ce courrier jugent « que ce serait une erreur de banaliser cet événement ». Ils posent de nombreuses questions et formulent un certain nombre de « préconisations ».
Premier problème soulevé : celui du temps qui a été nécessaire pour réaliser les analyses : « Les mesures de toxicité des fumées qui ont été annoncées comme rassurantes n'ont été prises samedi qu'en début de soirée, bien après la dispersion du nuage dense de fumée, le temps que l'équipement et le personnel arrivent de Toulouse et Marseille. » Les deux élus estiment que dans un département qui contient plusieurs sites Seveso, les instruments nécessaires au contrôle puissent être disponibles plus rapidement. Ils jugent par ailleurs « incongru » que la préfecture ait communiqué dès samedi pour dire que les fumées n’étaient pas toxiques, et demandent que des informations précises soient rendues publiques, « par jour, heure et lieu ». « Quelle est la nature et la toxicité de la fumée noire survenue dans les premières heures de l’incendie ? », demandent-ils. Les deux élus souhaitent également qu’une « cellule » soit mise en place pour permettre « à toutes les personnes qui en font la demande » de pouvoir subir des analyses, comme l’ont demandé « de nombreux riverains lors des porte-à-porte effectués ».
Système d’alerte « déficient »
Les deux élus estiment que le système d’alerte s’est montré « déficient » et s’en étonnent, dans un territoire aussi industriel. « La décision de confinement de la population dans un rayon de 500 mètres a été prise assez rapidement mais force est de constater que cette information n'est pas parvenue à la plupart des personnes concernées, comme en attestent de nombreux témoignages. »
Le courrier ne le dit pas, mais ce témoignage laisse à penser que le dispositif FR-Alerte n’a pas été mobilisé. Pour mémoire, il s’agit d’un dispositif mis en œuvre en 2022 (lire Maire info du 19 octobre 2022), après un accord avec les opérateurs de téléphonie mobile : en cas d’alerte, toute personne se trouvant dans une zone de danger reçoit un message sur son téléphone portable, même si celui-ci est en mode avion, accompagné d’une sonnerie stridente. Ce dispositif est à la main des préfets et les maires peuvent demander à celui-ci de le déclencher. FR-Alerte a notamment été largement utilisé pendant l’épisode de la tempête Ciaran, cet hiver, avec une efficacité avérée.
S’il n’a pas été déclenché dans ce cas, il serait utile de savoir pourquoi et d’en tirer les enseignements.
Enfin, les élus se posent des questions sur les « retombées » : « de multiples déchets issus des projections de l’incendie sont retombés jusqu’à 4,5 km du sinistre. On en retrouve dans les pâturages, sur les toitures, dans des jardins, des stades, autour d’établissements scolaires. Quelle est la nature de ces déchets ? Peuvent-ils être nocifs ? ».
Les élus signalent enfin que par chance, cet événement a eu lieu en hiver sur des sols humides, mais qu’en été, la projection sur une grande distance de résidus « incandescents » aurait peu avoir des conséquences catastrophiques et « un effet domino », et appellent les pouvoirs publics à « en tirer des leçons ».
Prescriptions de la préfecture
On ignore à cette heure si le gouvernement va accepter la demande de « création d’une commission de suivi » sur cet accident. Mais il faut signaler que la préfecture, en la matière, a largement communiqué sur cet événement – même si cette communication n’a semble-t-il pas satisfait tous les riverains. La préfecture de l’Aveyron a publié pas moins de six communiqués sur l’incendie de Vivez entre le 17 et le 22 février.
Par ailleurs, le 20 février, on trouve au recueil des actes administratifs de la préfecture un long arrêté « portant imposition de prescriptions de mise en sécurité et de mesures immédiates prises à titre conservatoire ». Cet arrêté met à la charge de l’exploitant de l’entreprise la mise en sécurité du site, la mise en œuvre de prélèvements conservatoires, la remise rapide d’un rapport d’incident et d’une « évaluation de l’impact environnemental et sanitaire du sinistre ». Il impose également à l’exploitant de « rechercher et retirer » les débris issus du sinistre, mais seulement « dans un périmètre de 300 m autour du site ».
On peut être surpris du fait que la préfecture confie à l’exploitant l’évaluation de l’impact sanitaire et environnemental, l’amenant à être à la fois juge et partie.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2