Défense extérieure contre l'incendie : un rapport, un débat public... et ensuite ?
Par Caroline Reinhart
Après sa présentation aux ministres compétents, Jacqueline Gourault et Gérald Darmanin, le rapport des sénateurs Hervé Maurey (Eure, UC), et Franck Montaugé (SER, Gers) relatif à la défense extérieure contre l’incendie (Deci), a fait l’objet, le 5 janvier, d’un débat public au Sénat. Établi au nom de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, le document porte 20 propositions pour revoir la réforme de 2011, jugée décevante. S’étonnant de l’absence des ministres ou secrétaires d’État compétents sur le sujet, les sénateurs ont interpellé Bérangère Abba, secrétaire d’État à la biodiversité, pour que la DECI soit enfin adaptée aux réalités locales.
Compétence propre du maire, la Deci relevait, jusqu’en 2011, d’une logique nationale. La loi du 17 mai 2011 a tout changé en prévoyant l’élaboration de règlements dans chaque département, au terme d’une concertation entre le préfet, le Sdis, le conseil départemental et les maires. L’idée était d’assouplir l’organisation de cette politique pour les maires, et d’adapter ses contraintes à chaque territoire. Selon les sénateurs, le contraire s’est produit : manque de concertation, entrave au développement local, coûts de mise aux normes disproportionnés, mais aussi, couverture défaillante du risque incendie.
Mobiliser les préfets
Pour soutenir financièrement les collectivités, les sénateurs demandent à ce que soit affecté à la Deci 1,2 milliard d'euros sur trois ans dans le cadre du plan « France relance ». Ils préconisent aussi de « généraliser dans tous les départements le recours à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) pour le financement de projets de Deci » , dont le montant dépendrait « de la situation financière de chaque commune et des coûts de mise aux normes, le taux de soutien pouvant aller jusqu'à 100 % du montant du projet » .
Sur ces préconisations, Bérangère Abba a botté en touche, rappelant que l’État avait fait un « effort historique » en termes de dotations aux collectivités, citant pêle-mêle les crédits du plan de relance, l’augmentation de la Dsil en 2021 (+ 1 milliard d'euros), ou encore la participation des agences de l’eau au financement de la Deci. La secrétaire d’État a également relevé que « certains préfets disent que certaines enveloppes de la DETR ne sont pas toutes utilisées » . Et a invité les collectivités à se rapprocher d’eux et des présidents de CASDIS, pour faire remonter leurs difficultés, et demander des financements. C’est ainsi que la dotation aux SDIS a été revue dans le sud de la France, a relevé Bérangère Abba.
Responsabilité des maires
Deux autres points essentiels ont été soulevés lors du débat. Les sénateurs Éric Gold (Puy-de-Dôme, RDSE), et Jean-Baptiste Blanc (Vaucluse, LR) ont notamment soulevé la question centrale de la responsabilité des maires en matière de Deci. Rendu le 6 décembre dernier, un arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille a enjoint le maire de Murs, commune de 427 habitants dans le Vaucluse, d’installer les points d’eau exigés par le règlement départemental, a relaté Jean-Baptiste Blanc. Et ce dans un délai de 6 mois, sous peine d’astreinte de 100 euros par jour de retard. Des obligations inapplicables, estime le sénateur du Vaucluse : pour que ces points d’eau soient accessibles, il faudrait indemniser une cinquantaine de propriétaires à hauteur de « 20 000 euros par an » . Intenable pour le sénateur du Vaucluse : « Imaginez si cet arrêt fait jurisprudence… » .
Déclin des territoires ruraux
Autre point saillant du débat : le déclin des territoires ruraux, découlant de la politique actuelle en matière de Deci. Alors que la revitalisation de ces communes est une priorité du gouvernement, l’application stricte des règlements départementaux peut entraver leur développement : coût de la mise aux normes démesuré, blocage des permis de construire…
« Comment faire pour que les règlements départementaux ne soient pas des copies conformes de la nomenclature nationale ? » , a ainsi demandé la sénatrice Céline Brulin (Seine-Maritime, PCF) à la secrétaire d’État. Avec une proposition intéressante pour les territoires peu denses, où l’habitat est diffus : prendre en compte la densité du bâti et non celle de la population pour l’application des règlements départementaux, qui fixent les distances d’implantation des points d’eau.
Encadrer la concertation
Enfin, la demande d’encadrement de la concertation entre les acteurs de la Deci s’est fait entendre de tous les bancs. Agnès Canayer (Seine-Martime, LR) a notamment interrogé Bérangère Abba sur l’existence ou non d’une circulaire, qui viendrait préciser sa méthodologie – en vain. Peu de réponses concrètes, en somme, aux interrogations et inquiétudes des élus. Seule confirmation : la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises rendra bien son rapport d’audit en juillet 2022, comme le prévoit le projet de loi 3DS, actuellement en discussion.
Pour conclure les débats, Françoise Gatel (sénatrice UC d’Ile-et-Vilaine), présidente de la Délégation aux collectivités locales, a demandé au gouvernement de faire preuve de fermeté à l’égard des préfets, pour que les points d’eau soient recensés, et la politique de Deci évaluée. « On ne s’est pas compris : nous travaillons sur la Deci depuis 2020. Prenez la mesure du sujet ! » . Sur le financement, Françoise Gatel a été tout aussi offensive : « la DETR ne doit pas être une auberge espagnole ! Ceux qui décident sont ceux qui paient. » – en théorie.
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