Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 21 mars 2023
Incendie et secours

Défense extérieure contre l'incendie : le gouvernement défavorable à une évolution de la loi

La délicate question de la Deci (Défense extérieure contre l'incendie) a été une nouvelle fois débattue au Sénat, la semaine dernière, avec la discussion et l'adoption d'une proposition de loi, contre l'avis du gouvernement. Décryptage. 

Par Franck Lemarc

Plus de dix ans après la loi Warsman du 17 mai 2011, qui avait entre autres réformé la Deci, ce sujet continue de provoquer questions et insatisfactions chez les maires. Le Sénat s’en était déjà emparé en juillet 2021, avec la remise du rapport Maurey-Montaugé (lire Maire info du 9 juillet 2021), puis avec l’organisation d’un débat en janvier 2022 (lire Maire info du 7 janvier 2022). À l’issue de ce débat, la sénatrice de l’Ille-et-Vilaine Françoise Gatel avait interpellé le gouvernement sans mâcher ses mots, en l’exhortant à prendre enfin « la mesure du sujet ». 

Réforme inaboutie

Les problèmes sont multiples, et le premier est financier. Les sénateurs ont maintes fois fait remonter les échos de maires s’estimant incapables, financièrement, de procéder aux travaux nécessaires à l’alimentation des points d’eau incendie (PEI) dont ils ont la charge. 

Mais le Sénat estime également que la réforme de 2011 « n’a pas tenu ses promesses ». Cette loi et son décret d’application ont, en particulier, départementalisé le référentiel de défense extérieure contre l’incendie, avec la création du RDDECI (règlement départemental de la Deci), « établi en concertation avec les maires, puis arrêté par le préfet après avis du conseil d’administration du SIS ». 

Les sénateurs sont unanimes à dire que ces « concertations »  ont été « mises en œuvre très inégalement », comme le souligne Hervé Maurey, qui estime que « 70 % des maires les ont jugées insatisfaisantes ». « Les règlements ne répondent pas toujours aux spécificités infra-départementales et ne sont pas proportionnés à la réalité des risques. (…) S’ajoute à cela l'absence d'évaluation de la mise en œuvre locale des règles de Deci et de leurs conséquences financières pour les communes », poursuit le sénateur de l’Eure. 

D’où le dépôt – faute de prise en compte suffisante de ces problématiques par l’État – d’une proposition de loi par Hervé Maurey et ses collègues du groupe Union centriste, en janvier dernier. 

Une commission de maires

Ce texte vise à intégrer le RDDECI dans un autre document, le Sdacr (Schéma départemental d’analyse et de couverture des risques). Pour l’élaborer, le préfet devrait « recueillir l'avis des communes et des intercommunalités compétentes, et une évaluation préalable objectiverait les difficultés ». Pour Hervé Maurey, il serait indispensable que « les règles respectent plusieurs principes : l'adaptation aux spécificités du territoire, au niveau infra-départemental ; l'équilibre entre les moyens des communes et ceux des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) ; la prise en compte de l'impact budgétaire sur les finances communales ». 

Enfin, le texte propose de créer une commission départementale, « composée de maires », chargée du suivi et de l’évaluation de ces règles. « Elle évaluera les conséquences en matière budgétaire, d'urbanisme et de développement économique, et pourra proposer au préfet des modifications du règlement. » 

Lors du débat sur cette proposition de loi, mercredi dernier, la plupart des groupes politiques ont soutenu sans réserve ces propositions. Pour la radicale Nathalie Delattre, fusionner le RDDECI et le Sdacr est « un gage d’efficacité ». Pour Kristina Pluchet (LR), « il faut une Deci déconcentrée et évolutive, avec une concertation périodique des élus pour trouver des issues en cas de règlement trop uniforme et trop rigide ». Pour le socialiste Patrick Kanner, « les élus locaux dénoncent l'inadaptation des obligations en matière de Deci à la réalité du terrain », et ce texte est « un progrès ». 

La position du gouvernement

Adhésion, donc, sur la plupart des bancs, à la proposition de loi d’Hervé Maurey. Mais pas sur celui du gouvernement, qui a soutenu que ces dispositifs ne nécessitent pas une loi. 

Dominique Faure, ministre chargée de la Ruralité, a admis pendant les débats que le dispositif issu de la réforme de 2011 est « perfectible »  et que les élus « restent souvent sans appui sur ce sujet complexe ». Si elle a souhaité des « évolutions », elle estime que celles-ci doivent se faire « par voie réglementaire »  – c’est-à-dire par décret et non par le biais d’une nouvelle loi. 

Sur le fond, le gouvernement n’est pas favorable à la fusion des RDDECI et des Sdacr : ce dernier « doit rester un document stratégique, et non opposable. La distinction entre le Sdacr, document d'analyse et d'orientation, et le RDDECI, texte réglementaire spécifique à la défense contre l'incendie, est pertinente », a estimé la ministre. 

Par ailleurs, Dominique Faure a reconnu « une insuffisante concertation dans certains territoires », mais elle n’en conclut par pour autant à la nécessité « de créer par la loi une nouvelle commission, alors que tous partagent le constat d'un trop grand nombre d'instances de ce type ». 

Le gouvernement propose donc, en lieu et place de cette nouvelle commission, que « la Deci soit discutée au sein de la Commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité », dont il souhaite « élargir les compétences par décret ». Notons cependant que ces commissions sont composées de neuf représentants de l’État pour seulement trois maires et trois conseillers départementaux. 

La ministre accepte également de « lier »  RDDECI et Sdacr mais « sans donner de portée réglementaire à ce dernier ». Enfin, elle a annoncé que l’État va « produire un guide de bonnes pratiques à destination des SIS sur le déploiement de la Deci, pour favoriser le développement des schémas communaux et intercommunaux ». Dominique Faure propose donc « un plan d’action en lieu et place de cette proposition de loi ». 

Peu de chances, donc, que le texte d’Hervé Maurey, pourtant voté unanimement par le Sénat, aille au bout de son parcours législatif. Il reste à voir si le « plan d’action »  promis par la ministre deviendra réalité, et quand. 

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