Maire-info
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Édition du mercredi 21 décembre 2022
Immigration

Projet de loi immigration : le gouvernement veut recourir davantage aux professionnels de santé étrangers contre la désertification médicale

Le gouvernement vient de transmettre au Conseil d'État son projet de loi sur l'immigration, dont les principales mesures ont déjà fuité dans la presse. 

Par Franck Lemarc

Le projet de loi immigration du gouvernement sera présenté en Conseil des ministres en janvier et discuté dans la foulée au Parlement. La secrétaire d’Etat Olivia Backes avait mené une réunion de concertation avec les associations d’élus début décembre afin de présenter les principales dispositions du texte et d’entendre les propositions de l’AMF sur ce sujet.

Si une partie de ce texte vise à durcir les règles en matière de lutte contre l’immigration clandestine, le gouvernement a annoncé, depuis plusieurs mois déjà, qu’il entendait au contraire faciliter la régularisation – fût-elle provisoire – des immigrés susceptibles d’exercer des métiers « en tension ». 

« Talents professions médicales » 

Ce sera en particulier le cas, apprend-on à la lecture du projet de loi, des professions de santé. Pour faire face à la désertification médicale, et plus généralement à la pénurie de personnel dans les établissements de santé, le gouvernement souhaite créer un titre de séjour « pluriannuel »  spécifiquement dédié aux professions de santé. Cette carte de séjour serait baptisée « talents professions médicales et de pharmacie », et destinée aux médecins, sage-femmes, chirurgiens-dentistes et pharmaciens. 

L’article 7 du projet de loi prévoit que cette carte de séjour serait proposée aux professionnels et à leur famille, après autorisation de l’agence régionale de santé, « dès lors qu’ils sont recrutés par un établissement de santé public ou privé à but non lucratif ». On peut donc en conclure que, pour ce qui concerne les pharmaciens, ce titre de séjour ne sera destiné qu’aux pharmaciens hospitaliers et pas aux pharmaciens d’officine. 

Le gouvernement affirme que cette mesure vise notamment à « répondre au besoin de recrutement de personnels qualifiés de santé dans les établissements de santé ou les établissements médico-sociaux », qui aujourd’hui ne peuvent embaucher certains praticiens faute de titre de séjour. 

Dans un entretien au Figaro, ce matin, les ministres qui portent ce projet de loi, Olivier Dussopt et Gérald Darmanin, assurent que la délivrance de ce titre de séjour sera adossée « à un système d’évaluation des connaissances, (…) pour s’assurer précisément d’un niveau minimum ». 

À peine dévoilées, ces annonces ne font pas l’unanimité, notamment chez les syndicats de médecins, dont un représentant expliquait ce matin qu’il ne revenait pas aux médecins étrangers de pallier « les choix désastreux faits ces dernières décennies »  en matière de santé publique en France. Et d’expliquer que le fait d’attirer en France des médecins étrangers a pour conséquence de priver leurs pays d’origine d’autant de médecins, alors que ceux-ci connaissent eux aussi – et souvent bien plus que la France – une carence criante de médecins. 

Accélération et durcissement

Le reste du projet de loi touche aux conditions d’intégration des étrangers, aux OQTF (obligations de quitter le territoire français), au renforcement des contrôles aux frontières, au droit d’asile. Sur ce dernier sujet, le gouvernement souhaite « territorialiser »  sa politique afin d’accélérer le traitement des demandes, en créant des « pôles territoriaux »  et des « chambres territoriales »  de la Cour nationale du droit d’asile. Il faut rappeler que l’AMF avait pointé par le passé la nécessité de parvenir à une répartition territoriale équilibrée des demandeurs d’asile et des réfugiés et de favoriser une concertation étroite menée localement avec les maires.

Il s’agit, explique ce matin Gérald Darmanin, de remédier à l’extrême lenteur du système, qui demande « 12 à 18 mois en moyenne »  pour traiter un dossier. Si entretemps le demandeur a eu un enfant, s’est fait embaucher, il devient ce que le ministre de l’Intérieur appelle « un ni-ni » : « Ni régularisable ni expulsable ». Le gouvernement souhaite donc réduire la procédure à « neuf mois maximum ».

En dehors des immigrés susceptibles d’exercer des métiers en tension, la tendance est plutôt à un durcissement des règles sur les titres de séjour et sur les contrôles aux frontières. Le projet de loi prévoit notamment de rendre obligatoire le recueil des empreintes digitales à l’arrivée, quitte à recourir à « la coercition ». Il est également prévu de permettre la fouille des véhicules particuliers par les forces de l’ordre dans les zones frontalières, ce qui est actuellement interdit par la loi. 

Enfin, le projet de loi vise à rétablir la très décriée « double peine », c’est-à-dire le fait d’expulser un étranger après qu’il eut effectué une peine de prison. 

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