Le gouvernement publie, à la dernière minute, les décrets d'application de la loi immigration
Par Franck Lemarc
Le 14 juillet déjà, le ministère de l’Intérieur publiait deux décrets d’application de la loi du 26 janvier 2024, dite loi Immigration, le premier durcissant les possibilités de contestation des OQTF (obligations de quitter le territoire français) et le second organisant la décentralisation de la Cour nationale du droit d’asile, avec la création de quatre chambres territoriales à Bordeaux, Lyon, Nancy et Toulouse.
Mesures de durcissement
Au Journal officiel de ce matin, ce sont ensuite huit décrets relatifs à cette même loi qui ont été publiés. La plupart d’entre eux vont dans le sens d’un durcissement des règles actuellement en vigueur.
Parmi ces décrets, on retiendra celui sur l’assignation à résidence ou le placement en rétention des demandeurs d’asile , au vu d’une « évaluation » de « la menace à l'ordre public » que ceux-ci sont susceptibles de représenter. Le placement en rétention administrative peut être demandé par le préfet si celui-ci estime que l’assignation à résidence « ne suffit pas à faire face à la menace » ou en cas de « risque de fuite ».
Un autre décret fixe à 15 jours le délai d’édiction d’une OQTF à compter de l’expiration du droit au maintien d’un demandeur d’asile. Ce droit au maintien sur le territoire français, rappelons-le, expire au moment où l’Ofpra a refusé d’accorder le droit d’asile à un demandeur, ou au moment où un éventuel recours contre cette décision est rejeté.
Le décret portant modification du dispositif de refus ou de cessation des conditions matérielles d'accueil apporte aussi une réduction importante des droits des demandeurs d’asile. Rappelons que les « conditions matérielles d’accueil » (CMA) sont des prestations spécifiques à destination des demandeurs d’asile dont la demande est en cours de traitement. Ces réfugiés ont droit à une allocation financière (l’allocation demandeur d’asile) et un hébergement dans un dispositif national d’accueil. En cas de refus de l’autorité administrative d’accorder le bénéfice de ces deux prestations, le demandeur avait, jusqu’à présent, la possibilité de contester cette décision par le biais d’un Rapo (recours administratif préalable obligatoire). Le décret paru ce matin supprime, tout simplement, cette possibilité de recours. Par ailleurs, dans certains cas, le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoyait la possibilité, pour l’Ofpra, de supprimer certaines prestations, par exemple si le demandeur avait fourni « des informations mensongères relatives à son domicile ». Le décret paru ce matin transforme cette possibilité en obligation.
Un autre décret durcit les procédures d’expulsion et d’assignation à résidence, non plus pour les demandeurs d’asile cette fois mais pour les étrangers en situation irrégulière. Le décret réorganise les compétences du ministre de l’Intérieur et des préfets en matière d’expulsion et « rationalise l'organisation des commissions d'expulsion ». Les étrangers assignés à résidence dans le cadre d’une décision d’éloignement devront désormais pointer à la police ou la gendarmerie quatre fois par jour.
Le décret relatif à l'amende administrative sanctionnant l'emploi de ressortissants étrangers non autorisés à travailler crée, comme son nom l’indique, une nouvelle amende administrative, non seulement vis-à-vis des employeurs qui emploient des étrangers en situation irrégulière, mais également vis-à-vis des personnes ayant recours à ces employeurs. Par ailleurs, ce décret fixe un certain nombre de règles pour obliger les employeurs ayant recours à des étrangers bénéficiant de la fameuse autorisation de travail créée par la loi immigration, dans les secteurs en tension, à employer ceux-ci dans des conditions « décentes ».
Contrat d’engagement
Enfin, un dernier décret détaille le « contrat d’engagement au respect des principes de la République », créé par l’article 46 de la loi immigration. Pour mémoire, tout étranger qui sollicite un document de séjour doit désormais signer un tel « contrat d’engagement ». Si la personne refuse de signer ce contrat, aucun titre de séjour ne pourra lui être accordé, et celui-ci lui sera retiré si elle ne respecte pas les termes de ce contrat.
Le décret précise que ce contrat doit être signé lors de la première demande d’un titre de séjour, quel qu’il soit, ainsi qu’à chaque demande de renouvellement. Le contrat doit être mis à la disposition de la personne par la préfecture « dans une langue que l’intéressé comprend ».
En annexe, le décret fournit le texte du contrat, qui débute par : « La France m'a accueilli sur son sol. Dans le cadre de ma demande de délivrance ou de renouvellement d'un document de séjour, je m'engage solennellement à respecter les principes de la République française définis ci-après. » Suit une liste de « principes » allant du respect de la liberté personnelle, d’expression et de conscience, à l’égalité entre les hommes et les femmes en passant par le respect du drapeau et de La Marseillaise. Les personnes doivent également s’engager à « ne pas (se) prévaloir de (leurs) croyances ou de (leurs) convictions pour (s)’affranchir des règles communes régissant les relations entre les services publics et les particuliers ».
Le décret précise le contenu de chaque engagement. Les demandeurs doivent, par exemple, s’engager à « n’entraver la liberté d’aller et venir » de quiconque ni « sa capacité à communiquer avec autrui », ou de respecter « la liberté de chaque personne dans le choix de son conjoint ». Ils doivent s’engager à « n’adopter aucune attitude sexiste » et, au sein des services publics, « à adopter le même comportement vis-à-vis de l’agent public, qu’il soit un homme ou une femme ». Ou encore, il est demandé aux personnes concernées de s’engager à « ne pas exiger une adaptation du fonctionnement du service public ou d’un équipement public » en se fondant sur ses croyances ou considérations religieuses.
Le non-respect d’un de ces engagements (par exemple le fait d’adopter « une attitude sexiste » ) peut donc conduire au retrait du titre de séjour, et donc à une expulsion du territoire à terme.
Les associations de défense des droits des étrangers ont déjà dénoncé, à de multiples reprises, ces dispositions qui laissent selon elles une large place à l’arbitraire.
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