Les députés adoptent le principe d'une prolongation du plafonnement de la hausse des loyers
Par Franck Lemarc
Déposée à l’Assemblée le 23 mai ; adoptée le 31 mai. Il est bien rare qu’un texte soit traité avec une telle célérité, mais celle-ci s’explique : la proposition de loi du groupe Renaissance vise à prolonger un dispositif qui, faute d’un texte rectificatif, aurait pris fin dans un mois. Explications.
Urgence
L’été dernier, le Parlement adoptait un texte « portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat », alors que débutait la crise inflationniste. Les articles 12 à 14 de cette loi du 16 août 2022 concernait les loyers. L’article 12 dispose que pour le calcul de l’IRL (indice de référence des loyers) « entre le troisième trimestre 2022 et le deuxième trimestre 2023 », la variation en glissement annuel ne peut excéder 3,5 %. L’article 14, quant à lui, traite de l’ILC (indice des loyers commerciaux), plafonnant là aussi son évolution annuelle à 3,5 %, mesure qui ne concerne, rappelons-le, que les PME et TPE (très petites entreprises), mais ni les ETi (établissements de taille intermédiaire) ni les grandes entreprises.
Ces mesures étaient bien provisoires, puisqu’elles sont censées prendre fin à la fin du deuxième trimestre 2023, soit fin juin. Le gouvernement et la majorité s’en sont apparemment aperçu tardivement, puisque le groupe Renaissance a déposé seulement il y a une dizaine de jours une proposition de loi pour prolonger le dispositif.
Thomas Cazenave, qui a porté ce texte devant les députés, rappelle dans l’exposé des motifs que hors plafonnement, l’ILC a augmenté de plus 6 % au quatrième trimestre 2022. Autrement dit, si le dispositif n’était pas prolongé, les commerçants risqueraient de subir « une augmentation brutale des loyers », avec « un impact fortement négatif sur le tissu économique local ». Le constat est le même pour les particuliers : la fin du plafonnement de l’IRL, fin juin, pourrait conduire à une hausse brutale des loyers, dans un contexte où les situations de non-paiement des loyers explose déjà.
« Bouclier » contre « gel »
Le texte proposé par la majorité est simple : il est composé de deux articles, qui prolongent le plafonnement à 3,5 % de la hausse annuelle de l’ILC (jusqu’en mars 2024) et de l’IRL (jusqu’en juin 2024).
Le texte a été adopté sans modification en commission, et discuté hier soir en séance publique, dans une ambiance électrique. Les députés de la Nupes ont présenté une série d’amendements pour transformer le plafonnement à 3,5 % en véritable « gel », c’est-à-dire pour empêcher toute hausse des loyers, tant des commerçants que des particuliers. Pour la gauche, le gouvernement et la majorité, avec ce dispositif, « permettra une nouvelle augmentation de 3,5 % des loyers, consécutive à l’augmentation de 3,5 % déjà permise l’année dernière ». Soit, pour un loyer de 600 euros par mois, une hausse de 500 euros par an en deux années. Et de rappeler qu’en temps normal, la hausse de l’IRL n’a jamais dépassé jusqu’à présent « 2,95 % ». Le « prétendu plafonnement » ou cette « illusion de bouclier », selon les termes des députés de la Nupes, acte donc « une hausse historiquement forte ». De façon ironique, le groupe LFI a même proposé par amendement de rebaptiser la proposition de loi pour la nommer : « Proposition de loi autorisant une nouvelle augmentation drastique des loyers dans un contexte d’inflation et d’aggravation de la crise du logement ».
Tous ces amendements ont été rejetés. La majorité a estimé « impossible » de geler les loyers, estimant qu’une telle mesure serait forcément retoquée par le Conseil constitutionnel.
À l’inverse, les Républicains ont présenté un amendement proposant de passer le taux du plafonnement de 3,5 à 4 %, arguant que ce plafonnement lèse les propriétaires, « qui subissent eux aussi l’inflation ». Amendement rejeté lui aussi.
Au final, les députés de la majorité, ainsi que ceux des Républicains, du RN et du groupe Liot ont voté le texte, adopté sans amendement par 259 voix contre 93.
Le texte doit maintenant très rapidement être débattu au Sénat, afin de pouvoir entrer en vigueur avant la fin du mois de juin.
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