Agriculteurs retraités et élus : une injustice réparée !
Par Franck Lemarc
Première étape franchie pour le projet de loi « portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat » : après quatre jours et autant de nuits de débats, l’Assemblée nationale a adopté le texte cette nuit, complété de 84 amendements.
Parmi les ajouts au texte initial, on retiendra d’abord la mesure de « déconjugalisation » de l’AAH (allocation adulte handicapés) – qui avait provoqué une bronca l’an dernier au Parlement (lire Maire info du 18 juin 2021). Rappelons que jusqu’à présent, les revenus du conjoint étaient pris en compte pour le calcul du montant de l’AAH, ce qui a pour conséquence que celle-ci diminue si le conjoint dépasse un certain seuil de salaire. Cette disposition était unanimement vilipendée par les associations de défense des personnes handicapées, en cela qu’elle rend celles-ci dépendantes de leur conjoint… ou, dans certains cas, oblige les personnes à cacher leurs relations pour ne pas voir leur allocation diminuer. La majorité présidentielle, lors de la précédente mandature, s’était montrée inflexible sur ce sujet, et avait usé de tous les artifices de procédure possibles pour empêcher la déconjugalisation de l’AAH d’être votée. Un an et une majorité absolue perdue plus tard, les députés macronistes ont, semble-t-il, changé d’avis, et ont voté la mesure comme un seul homme, avec ovation debout.
Agriculteurs retraités et élus
L’amendement qui concerne le plus directement les élus locaux a été porté par le député communiste du Puy-de-Dôme, André Chassaigne. Il permet de réparer une injustice dénoncée depuis janvier dernier par l’AMF et qui concernait les élus retraités du monde agricole.
Une loi du 3 juillet 2020, initiée par le même André Chassaigne, a prévu de revaloriser les pensions agricoles, en garantissant un montant minimum de 85 % du smic. Mais de nombreux élus ou anciens élus ont réalisé, au début de l’année 2022, que le dispositif mis en œuvre lésait les agriculteurs retraités lorsqu’ils avaient été, ou étaient encore, élus. Les anciens élus, du fait qu’ils touchent une retraite Ircantec, voient le complément prévu par la loi réduit. Quant aux agriculteurs retraités toujours élus, ils sont encore plus désavantagés : tant qu’ils sont en fonction, ils ne pouvaient pas prétendre à la revalorisation, puisque la loi prévoit que pour y avoir droit, un assuré doit avoir liquidé l’intégralité de ses pensions de retraite. Or un élu en fonction, s’il touche des indemnités, doit obligatoirement cotiser à l’Ircantec. Une situation « particulièrement choquante », commentait dans Maire info le président de l’association départementale des maires du Cantal, Christian Montin.
Ce deuxième cas devrait être définitivement réglé lorsque sera adopté le projet de loi sur le pouvoir d’achat, grâce à l’amendement déposé par le groupe communiste et visant à « corriger une situation profondément injuste subie par les élus locaux ». Grâce aux interpellations de l'AMF, la situation avait déjà été prise en compte par le gouvernement, puisque, par une lettre interministérielle du 25 mars, le ministre de l’Agriculture et le ministre chargé des retraites avaient demandé à l’Ircantec, à la MSA et à la Cnav de lever cette impossibilité. L’amendement adopté hier matin permet de « donner une base légale » à ces dispositions et de « garantir aux élus locaux l’accès aux minima de pension et aux majorations de réversion du régime général et du régime des non-salariés agricoles, de base et complémentaire ».
Plafonnement des loyers dans les ZRR
Parmi les autres amendements que les élus doivent retenir, plusieurs concernent le logement. Rappelons que dans le texte présenté par le gouvernement, il est proposé de revaloriser les APL de 3,5 % et de plafonner la hausse de l’indice de référence des loyers également à 3,5 %.
Les députés du groupe Liot (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires) ont fait adopter un amendement permettant, dans les zones de revitalisation rurale (ZRR), « une modulation du plafonnement de la revalorisation des loyers », avec un plafond à 1,5 %. Dans ces zones en effet, « les tensions sur le logement sont faibles, voire inexistantes », et le revenu médian est plus faible que sur le reste du territoire. L’amendement prévoit donc que le préfet puisse décider d’un plafonnement de la hausse de l’IRL à 1,5 % en fonction du taux de pauvreté d’un territoire situé en ZRR, des caractéristiques du parc de logement social et de l’inflation constatée sur ce territoire.
Un autre amendement du même type a été adopté pour plafonner à 2,5 % la hausse des loyers dans les territoires ultra-marins – du fait d’un « coût de la vie plus élevé qu’en France métropolitaine ». Un troisième fixe le plafond à 1,5 % pour la Corse.
Sur la question des loyers toujours, deux amendements ont été adoptés concernant les APL. Le premier touche à la question du zonage des APL, qui devrait être « actualisé » pour tenir compte des fortes augmentations du coût du logement dans les zones littorales et de montagne : « Certaines zones très chères ne se trouvent pas dans les zones APL pertinentes, ce qui a un impact sur le loyer plafond, paramètre de dépense de l'APL, et donc sur la prestation versée », écrit la députée Renaissance de la Charente auteure de l’amendement, Sandra Marsaud. Son amendement impose au gouvernement la rédaction d’un rapport sur cette actualisation. Un sous-amendement, également adopté, demande que l’actualisation touche également les territoires ultramarins.
Huiles alimentaires usagées : une mesure triplement intéressante pour les collectivités
Enfin, l’un des derniers amendements adoptés en fin de nuit concerne, indirectement, les collectivités : il s’agit d’une disposition portée par les députés écologistes, qui vise à légaliser l’usage des huiles alimentaires usagées (HAU) comme carburant.
L’utilisation des HAU comme carburant ou composant de carburant est interdite en France (bien qu’encouragée par l’Union européenne), même si certains usagers y ont recours, illégalement. Le carburant issu des HAU rejette pourtant « 90 % de gaz à effet de serre en moins qu’un diesel classique », plaident les députés écologistes, et est, de surcroît, beaucoup moins cher.
L’amendement adopté « autorise » donc, tout simplement, cette pratique (sous réserve d’une étude de l’Agence de santé, toutefois, ont demandé les députés de la majorité).
Cette disposition est triplement intéressante pour les collectivités : premièrement, parce qu’elles auront la possibilité d’utiliser un carburant moins cher pour leurs propres véhicules ; deuxièmement, parce qu’elles sont elles-mêmes, via la restauration scolaire, « productrices » d’huiles alimentaires usagées, qu’elles pourront donc valoriser ; et troisièmement, enfin, parce que les huiles de cuisson usagées (170 millions de litres sont utilisés chaque année dans la restauration), non recyclées, posent des problèmes d’obstruction des canalisations et renchérissent le traitement des eaux usées dans les stations d’épuration. Il s’agit donc d’une mesure particulièrement vertueuse, donc on ne peut qu’espérer qu’elle subsistera dans le texte final.
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