Hausse de la contribution à l'ONF : les communes forestières s'interrogent sur l'avenir du régime forestier
Par Franck Lemarc
« La honte et la trahison ». La FNCofor (Fédération nationale des communes forestières) ne mâche pas ses mots dans le communiqué qu’elle a publié, vendredi, après le vote favorable du conseil d’administration de l’ONF sur le contrat d’objectifs et de performance (COP) qui le lie à l’État. Ce vote s’est joué à une voix : alors qu’il y avait 15 voix pour (celle des représentants de l’État) et 15 voix contre (celle des autres parties prenantes, c’est-à-dire les collectivités, les filières économiques, les syndicats et les personnalités qualifiées), c’est le fait que le président du conseil d’administration, le préfet Jean-Yves Caullet, ait une voix prépondérante qui a fait basculer le vote. « Jean-Yves Caullet s’est désolidarisé du collège qu’il représente, à savoir les communes forestières », fulmine la FNCofor.
Hausse des contributions
Rappelons que depuis des semaines, ce contrat est combattu avec énergie par les communes forestières – soutenues par l’AMF – en particulier sur deux mesures : l’augmentation de la contribution financière des 14 000 communes forestières au financement de l’ONF (7,5 millions d’euros en 2023 et 10 millions d’euros en 2024 et 2025) ; et la suppression de quelque 500 postes à l’ONF qui, pour la FNCofor, va « dégrader le service public forestier dans les territoires ». La fédération a donc non seulement décidé de voter contre ce contrat, mais elle a également appelé les communes à adopter des motions de soutien pour exiger « le retrait immédiat de la contribution supplémentaire des communes forestières » et « la révision complète du contrat d’objectifs et de performance ».
Des avancées réelles ?
Maire info a interrogé, ce matin, le président du conseil d’administration de l’ONF, Jean-Yves Caullet, sur les raisons qui l’ont poussé à voter pour la validation du COP. Il les résume d’une phrase : « Il y avait plus à perdre qu’à gagner à rejeter ce contrat. » Si le préfet Caullet reconnaît que ce contrat « n’est pas celui dont on aurait pu rêver » et dit « parfaitement comprendre l’opposition des communes forestières », il retient aussi « les éléments positifs » que comporte ce nouveau contrat. « Nous obtenons enfin un financement par l’État des missions d’intérêt général (MIG) avec une augmentation sensible des moyens. Je rappelle que jusqu’à présent, l’ONF exerçait ces missions, mais sans moyens. Par ailleurs, il y avait un sujet très important sur le compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions, sur lequel des avancées considérables ont été obtenues ». Comme tous les organismes de l’État, l’ONF cotise pour la retraite des fonctionnaires, à hauteur de 100 millions d’euros par an, ce qui est une charge très importante pour un organisme déjà lourdement endetté. « Le contrat comporte un engagement de l’État à verser une subvention exceptionnelle de 30 millions d’euros, puis 20 millions, puis 10 millions, pour aider l’ONF à financer le CAS Pensions », se félicite Jean-Yves Caullet.
Suppressions de postes et hausse de la contribution
Voilà pour le « positif ». Mais quid des sujets qui fâchent – suppressions de postes et augmentation de la contribution ? « Je comprends qu’on les conteste », répète le préfet Caullet, qui cherche cependant à relativiser. D’abord sur les suppressions de poste : « Je rappelle d’abord qu’il ne s’agit évidemment pas de licenciements, mais de non-remplacements. Et surtout, qu’il ne s’agit pas de toucher aux emplois de gardes forestiers. Ce sont les ouvriers forestiers qui vont être concernés. Ces suppressions de postes, l’État l’a assuré, ne se feront donc pas au détriment du maillage de la gestion du régime forestier dans les territoires. » Jean-Yves Caullet reconnaît néanmoins que ces suppressions de postes vont « diminuer la capacité de travaux que l’ONF peut réaliser en interne ».
Sur la hausse de la contribution, l’argument qui a fait basculer le choix de Jean-Yves Caullet est qu’il s’agit d’une « éventualité » et non d’une décision ferme. « Les éléments positifs que j’ai mentionnés sont certains ; alors que les éléments négatifs, en particulier la hausse de la contribution, ne sont pas encore objectivement décidés. » Explication : selon le président du CA de l’ONF, cette décision serait soumise à « une clause de revoyure en 2023 » et, surtout, elle ne peut être validée qu’en loi de finances, ce qui veut dire qu’elle sera entre les mains du Parlement. Entre des avancées « certaines » et des reculs encore « éventuels », le préfet assume donc parfaitement avoir jugé que « l’ensemble devait être retenu ».
Il estime par ailleurs qu’en matière de financement, d’autres débats mériteraient d’être ouverts – en lançant par exemple l’idée que les habitants des communes non forestières, en particulier dans les métropoles, « profitent » de la forêt sans avoir à la financer. « Pourquoi ne contribueraient-elles pas, elles aussi, à la gestion de ce bien collectif ? »
Décisions « autoritaires »
Sans surprise, ces arguments ne convainquent pas Dominique Jarlier, maire de Rochefort-Montagne (Puy-de-Dôme) et président de la FNCofor. Celui-ci ne comprend pas l’argument sur les hausses de contributions qui ne seraient « qu’éventuelles » : « Cela veut dire quoi ? On prend des décisions pour qu’elles ne soient pas appliquées ? Cela n’a pas de sens. » Il précise au passage que la « clause de revoyure » n’est pas inscrite en dur dans le contrat, « pas explicite ». « S’il y avait eu des engagements clairs sur ce sujet, on aurait pu en discuter. Mais ça n’a pas été le cas. » La « vraie question », pour le président de la FNCofor, c’est : « Est-ce que c’est encore aux communes forestières de payer ? Ce que nous demandons depuis des lustres, c’est un contrat qui s’appuie sur un diagnostic précis. Il y a eu des rapports sur le sujet. Ils ont été ignorés. Les décisions sont prises par en haut, sans se préoccuper de ce qu’il se passe sur le terrain. »
Sur les suppressions d’emplois, Dominique Jarlier n’est pas plus convaincu : « Cela ne concerne que les ouvriers forestiers ? Et alors ? Que va-t-il se passer demain, qui va faire les travaux dans les forêts, quand cela sera sous-traité à des entreprises privées ? Des ouvriers venus des pays de l’Est qui travailleront dans des conditions inacceptables, comme cela se fait déjà, avec tous les risques d’accidents que cela comporte ? ». Le maire de Rochefort-Montagne rappelle au passage que les non-remplacements de départs à la retraite se font déjà « depuis des lustres », « de manière autoritaire là encore, sans aucune concertation avec les collectivités concernées, sans se demander où il y a des besoins et où il y en a moins ».
Dominique Jarlier sait maintenant que la bataille va, en effet, se jouer au Parlement, quand ces mesures viendront en discussion dans le projet de loi de finances pour 2023. Il se montre modérément confiant, estimant que « les parlementaires ont en général bien conscience que la forêt est un enjeu sociétal très fort ». Mais le président de la FNCofor ne cache pas son angoisse à plus long terme : celle d’une remise en question profonde du modèle forestier français. Ce que veut l’État, estime Dominique Jarlier, « c’est changer de modèle ». « Ce que je crains ? C’est la disparition de l’ONF, à terme. J’ai bien peur que l’arrière-pensée du gouvernement, au fond, ce soit cela. »
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