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Édition du mardi 11 février 2025
Handicap

Loi Handicap : 20 ans après, l'écart entre les ambitions et la réalité reste « particulièrement flagrant »

Malgré des progrès indéniables, l'accessibilité et la compensation des personnes en situation de handicap restent insuffisantes, selon plusieurs associations, des sénateurs et la Défenseure des droits qui font le bilan de la loi du 11 février 2005.

Par A.W.

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De « nombreux progrès »  mais une application de la loi encore largement « incomplète ». Les bilans s’enchaînent et se ressemblent, 20 ans jour pour jour après la promulgation de la loi Handicap. Après la délégation aux collectivités territoriales du Sénat et le gouvernement notamment, c’est au tour de la Défenseure des droits (DDD) et de la commission des affaires sociales du Sénat de présenter un état des lieux de cette loi « pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », de son vrai nom. 

« Sortir de l’approche médicale » 

Sans surprise, si elle reconnaît qu’il y a eu « évidemment de nombreux progrès »  depuis la mise en œuvre de ce texte, la Défenseure des droits, Claire Hédon, déplore, dans un entretien à l’AFP ce matin, que l'écart entre les ambitions affichées et l'effectivité de la mise en œuvre de ce texte emblématique reste « particulièrement flagrant ».

La dirigeante de l'autorité indépendante estime ainsi qu’il est urgent de sortir de « l'approche médicale »  pour se concentrer sur l'accès aux droits. Et celle-ci de rappeler que « le handicap est resté en 2024 le premier critère en termes de saisine sur les questions de discrimination, devant l'origine, l'état de santé ou encore le sexe ».

Le Collectif Handicaps ne dit d’ailleurs rien d’autre, dans son propre bilan paru en janvier : « Si la situation s’est certainement améliorée depuis 2005, et davantage encore depuis 1975, beaucoup reste à faire »  puisque « des personnes handicapées continuent d’être exclues, marginalisées et discriminées », affirme ce regroupement de 54 associations nationales qui a lancé, hier, une mobilisation dans toute la France pour faire « bouger la République ».

Il constate ainsi « le manque d’effectivité des droits »  des personnes handicapées et « l’application encore incomplète d’une large série de mesures », résultat d’une « importante disparité entre les promesses législatives et la réalité quotidienne ».

« Garantie d’une société juste, inclusive et équitable », l’accessibilité et la compensation des personnes en situation de handicap sont toujours insuffisantes, selon les associations membres du collectif qui formulent 200 propositions dont 20 prioritaires.

Emploi, école et transports : l’accessibilité « toujours pas une réalité » 

Sur le plan de l’accessibilité d’abord, les critiques restent généralisées, malgré certains progrès. Que ce soit en termes « d’éducation, emploi, cadre bâti, logement, transport… », « l’accessibilité universelle n’est toujours pas une réalité », déplore ainsi le Collectif Handicaps.

« Pour moi la priorité des priorités, c'est l'accès à l'éducation », assure la Défenseure des droits, en rappelant les avancées dans ce domaine : « À la rentrée 2024, 490 000 élèves en situation de handicap étaient scolarisés en milieu ordinaire, contre environ 120 000 en 2005. Mais pour certains, c'est juste quelques heures par semaine ». Ce sont même « 18 % des enfants accompagnés par les associations de l’Unapei [Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis] qui n’avaient aucune heure d’enseignement »  à la rentrée 2022, relativise ainsi le collectif.

Selon Claire Hédon, « tout ne passe pas par les AESH »  (accompagnants d'élèves en situation de handicap), même si « évidemment il en faut plus ». « Il faut aussi lever les nombreux freins à l’inclusion scolaire, augmenter notamment les moyens donnés aux enseignants pour pouvoir accueillir des élèves avec des besoins particuliers », souligne-t-elle, en réclamant de « rendre effectifs les contrôles et les sanctions en cas de non-respect des exigences en matière d'accessibilité des établissements recevant du public ».

Sur les transports, elle demande l’inscription dans la loi d’« une programmation de mise en accessibilité de l'ensemble des points d'arrêt du réseau de transport », car « il y a eu un véritable recul en 2015 »  avec  la limitation aux « seuls points d'arrêt considérés comme prioritaires ». Le Collectif rappelle ainsi que « seuls 25% des arrêts des transports interurbains régionaux étaient accessibles en 2021, 63% s’il l’on se concentre sur les arrêts prioritaires (représentant 25% des arrêts) ».

S’agissant de la question du travail, il regrette que « l'accès à un emploi décent reste semé d'embûches, tant dans le secteur public que privé, renforçant la précarité économique d'une grande partie de la population concernée ».

Les personnes handicapées font ainsi face à un taux de chômage « deux fois plus élevé que la moyenne nationale ». Un écart qui est encore plus important en matière de taux d’emploi puisqu’ils représentent « 39 % contre 68 % en population générale, ce qui illustre le découragement de certains travailleurs handicapés qui abandonnent l’espoir de s’insérer sur le marché du travail », selon les sénateurs de la commission des affaires sociales qui notent, dans leur bilan, que la formation demeure « le principal frein à l’emploi ».

Alors que l’aménagement des postes de travail des travailleurs handicapés est obligatoire depuis la loi 2005, « dans la plupart des situations, les employeurs ne respectent pas leur obligation », observe la Défenseure des droits. « Au moment de l’embauche, par exemple, l’aménagement est souvent mis en place tardivement, ce qui empêche les travailleurs handicapés de montrer leurs compétences », explique-t-elle, tout en assurant que « l'obligation d'aménagement raisonnable doit également être reconnue par la législation dans tous les domaines, au-delà de l’emploi ».

Compensation : des démarches à simplifier

S’agissant du droit à la compensation des personnes en situation de handicap, celui-ci reste « largement ineffectif », aux yeux du Collectif.

En cause notamment, le fait que les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) – qui donnent un accès unique à la quasi-totalité des droits et des prestations liés au handicap – sont « devenues des machines administratives »  qui « entravent parfois les parcours des personnes »  et « ne prennent pas en compte [leur] projet de vie ». Sans compter que le rôle des associations y est « souvent réduit », selon elles.

Les « évolutions positives »  qu’a connues le droit à compensation « se heurtent aux mêmes difficultés qui rendent leur effectivité réduite », estiment-elles. « Selon les départements, les délais pour obtenir des aides sont extrêmement longs (de 6 à plus de 8 mois, par exemple, pour la prestation de compensation du handicap) et [peuvent] mener à des renoncements voire des ruptures de parcours, non sans conséquence sur le quotidien et la vie des personnes concernées ».

Pour les sénateurs de la commission des affaires sociales, la situation est un peu plus nuancée. S’ils considèrent « globalement positif »  le bilan des 104 MDPH qui maillent le territoire, ils jugent aussi que des progrès restent à accomplir en termes de « délai »  (plus de 4 mois en moyenne) et de « simplification ». Dans leur bilan, ils pointent le « manque de moyens humains »  face à l’augmentation des demandes, mais aussi des formulaires « mal compris et donc mal renseignés par de nombreux usagers », ainsi que des notifications de droits « inintelligibles ».

Les sénateurs suggèrent notamment de « généraliser la démarche de territorialisation de l’accueil de premier niveau des MDPH »  dans le cadre du service public départemental de l’autonomie (SPDA).

Bien que les réformes de la prestation de compensation du handicap (PCH) aient permis « d’améliorer la couverture des besoins », ils estiment que celles-ci n’ont pas couvert complètement les objectifs de la loi de 2005. Ainsi, « la limite fixée a 60 ans n’a jamais été levée », par exemple, contrairement à ce qui était prévu. 

Dans ce cadre, la commission demande donc que la PCH « aide humaine »  soit au moins ouverte aux activités ménagères et de « simplifier et renforcer le droit à compensation applicable aux enfants en situation de handicap ». Le Collectif Handicaps réclame, lui, l’abrogation totale des barrières d’âge pour bénéficier de la PCH.
 

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