Handicap : le gouvernement va créer une « Dsil-accessibilité » pour soutenir les communes les plus fragiles
Par Franck Lemarc
« Continuer de s’attaquer point par point à chacune des barrières qui empêchent encore au quotidien des personnes en situation de handicap de mettre en pratique leurs droits et de participer pleinement à la vie de la société. » C’est l’ambition affichée hier par le président Emmanuel Macron, en conclusion de la Conférence nationale du handicap qui s’est tenue hier.
AESH co-financés par l’État et les collectivités
Le chef de l’État a énuméré certains de ces points bloquants, en proposant pour chacun un certain nombre de solutions, le tout consistant en 70 mesures en un plan à 1,5 milliard d’euros pour l’accessibilité. Avec trois axes essentiels : l’inclusion scolaire, le plein emploi, et l’accessibilité comme « priorité nationale ». Ces mesures sont listées dans le dossier de presse diffusé à la suite de la Conférence nationale.
Premier chapitre, donc : l’école. Une quinzaine de mesures ont été annoncées, censées se déployer entre cette année et 2027. Un numéro INE (identifiant national élève) va enfin être attribué aux enfants scolarisés en établissements spécialisés, pour pouvoir être, à l’égal des autres, « identifié comme élève ». Le cadre d’emploi des AESH va être « réformé », en fusionnant avec celui des AED (action éducative à domicile), pour créer un nouveau cadre d’emploi , les ARE (accompagnants à la réussite éducative). Cette réforme, selon le gouvernement, devrait permettre aux AESH d’obtenir « un passage à temps plein et une évolution professionnelle » et « une prise en charge sur le temps périscolaire ».
Dans son discours, Emmanuel Macron a annoncé qu’une « solution » allait être trouvée d’ici la rentrée pour permettre de conclure des conventions entre État et collectivités, afin que des AESH puissent signer des contrats de 35 h, incluant, d’une part, leur travail en classe (financé par l’Éducation nationale) et, d’autre part, le travail sur la pause méridienne et le temps périscolaire (qui dépend des collectivités locales). Cette solution sera « financée », a déclaré le chef de l’État… sans en dire plus.
Les communes noteront également qu’un « bonus pour les accueils de loisir qui accueillent des enfants en situation de handicap » va être mis en œuvre : le surcoût engendré sera « pris en charge par la CAF », a annoncé Emmanuel Macron. Une bonne nouvelle pour l'AMF, qui porte cette demande depuis plusieurs mois.
Par ailleurs, « dans chaque circonscription en primaire et dans chaque établissement au secondaire, un professeur sera nommé référent handicap et accessibilité pédagogique. Cet enseignant, formé, sera à la disposition de tout élève en situation de handicap. Il appuiera également l'équipe pédagogique de l’établissement. »
Fonction publique
Pour faciliter l’accès à l’emploi des personnes handicapées, le service public de l’emploi, dans le cadre de la réforme « France travail », sera réformé pour « assurer la compétence d’insertion et de maintien en emploi de toutes les personnes handicapées ».
Dans la fonction publique, des mesures spécifiques sont annoncées, avec la publication d’un « Manifeste pour une fonction publique inclusive ». Douze mesures sont listées dans ce manifeste. On y trouve la « promotion des parcours et carrières des personnes en situation de handicap dans la fonction publique en mettant en place des dispositifs d’accompagnement individualisé, sous forme d’ateliers, de coaching collectif ou individuel, de co-développement, et en déployant largement le mentorat à leur attention ». Ou encore « l’évolution du dispositif de titularisation des bénéficiaires de l’obligation d’emploi », la fixation d’un objectif de 6 % d’apprentis en situation de handicap… Les agents travaillant dans les France services vont être formés pour mieux accueillir les personnes handicapées, et un mécanisme « de contrôle et de sanctions » va être mis en place sur l’accessibilité des sites internet du secteur public.
Accessibilité
C’est probablement le chantier le plus complexe, et le plus coûteux – « un chantier à 1000 acteurs », a noté le chef de l'État : le gouvernement vise rien moins que « l’accessibilité universelle », ce qui est un objectif louable mais tellement éloigné que l’on peut douter qu’un milliard et demi d’euros y suffise.
Parmi les mesures les plus intéressantes, on notera celle d’une nouvelle dotation, la « Dsil accessibilité », pour « soutenir la mise en accessibilité des établissements recevant du public des collectivités territoriales les plus fragiles financièrement ». Mais s’agira-t-il d’une enveloppe nouvelle, ou cette nouvelle dotation se fera-t-elle à moyens constants, c’est-à-dire en piochant dans les autres enveloppes ? Le gouvernement, pour l’instant, ne le dit pas.
Autre mesure financière : un « fonds territorial d’accessibilité » va être créé et « confié aux préfets », « afin d’accompagner financièrement les établissements recevant du public de 5e catégorie dans la réalisation de travaux de mise en accessibilité ».
Rappelons qu’en théorie, tous les ERP sont censés être accessibles depuis… 2015. Le gouvernement annonce qu’il va désormais passer à « une logique contraignante » : « Les contrôles (…) seront renforcés et des sanctions prononcées en cas de manquement aux obligations d’accessibilité. » Ces sanctions seront effectives à partir de 2024, a affirmé le chef de l’État, qui a déclaré qu’il n’avait pas été favorable à la mise en œuvre de sanctions dès cette année.
Un autre chantier très important va être accéléré, celui des transports : le gouvernement promet que « la mise en accessibilité des gares prioritaires sera achevée d’ici la fin du mandat ». La mise en accessibilité « partielle » des stations de métro sera accélérée, avec l’objectif d’y parvenir avant les JO de 2024 à Paris. Ce qui paraît difficilement imaginable, quand on sait que seulement 3 % des stations de métro parisiennes sont accessibles aux fauteuils roulants.
Il est également à noter que le gouvernement prévoit, à partir de 2024, la mise en place d’un « service numérique » pour permettre de déclarer les véhicules utilisés par les personnes handicapées, service qui sera raccordé aux systèmes de contrôle des ZFE (zones à faibles émissions), « afin de prévenir les amendes indues ».
Mesures diverses
Le gouvernement a également prévu un certain nombre de réformes diverses, dont la plus commentée, ce matin, est le remboursement à 100 % des fauteuils roulants et des aides à la communication. Il était, il est vrai, « effarant » que cela ne fût pas encore le cas, comme l’a commenté un participant à la réunion d’hier.
Le plafond du temps d’aide à l’alimentation de la PCH va être augmenté, ainsi que le tarif de la PCH emploi direct. Les modalités d’évaluation du handicap au sein des MDPH vont être « révisées », « en particulier pour déterminer le taux d’incapacité » .
Enfin, notons que le gouvernement entend mieux accompagner les élus en situation de handicap : « Un travail sera mené avec les collectivités territoriales pour adapter les dispositifs de compensation proposés aux élus en situation de handicap. »
Les associations de défense des personnes handicapées – dont beaucoup avaient boycotté la réunion d’hier, fustigeant le « manque d’ambition » du gouvernement – n’ont pas accueilli ces annonces avec un enthousiasme excessif. « Beaucoup de choses sont restées dans le registre de la déclaration d’intention, avec peu d’annonces concrètes sur les délais et sur le budget », a résumé hier le porte-parole du Collectif handicaps, qui regroupe 52 associations.
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