Handicap : 300 millions d'euros pour l'accessibilité des petits commerces, mais le flou demeure sur les aides aux collectivités
Par Franck Lemarc
Plusieurs structures de concertation sont désormais chargées de suivre l’avancement de la politique du handicap : outre le Comité interministériel handicap (CIH) qui se réunit deux fois par an, Emmanuel Macron a annoncé, en avril dernier, le lancement d’un « comité de suivi » associant État, collectivités territoriales et associations, qui doit se réunir quatre fois par an pour « faire le point des avancées et des difficultés sur l’ensemble de la feuille de route ».
Le « pivot » des JOP
Le CIH qui s’est tenu hier a permis à la fois de faire le point sur les questions d’accessibilité et d’affirmer que les Jeux olympiques et paralympiques de l’an prochain, à Paris, doivent être un moment « pivot » : d’une part, parce qu’ils sont l’occasion d’accélérer sur l’accessibilité – en particulier dans les villes qui accueilleront des épreuves – et, d’autre part, parce qu’ils serviront de point d’appui pour construire « une nation sportive pour tous » et « développer la pratique sportive des personnes handicapées partout sur le territoire ».
C’est dans ce cadre que la Première ministre a confirmé le lancement du Fonds territorial, puisque celui-ci sera débloqué en priorité dans les villes qui accueillent des épreuves. « Dès 2023, les propriétaires d'ERP du quotidien (commerces, cabinets médicaux…) pourront demander une aide à la mise en accessibilité. Le budget débloqué pour 2024 s'élève à 100 millions d’euros ».
Ces crédits s’insèrent dans une enveloppe plus large, le Fonds territorial d’accessibilité (FTA), doté de 1,5 milliard d’euros sur cinq ans. Deux tiers doivent servir à financer la mise en accessibilité des bâtiments, et un tiers celle des transports.
Le gouvernement affirme que 500 millions d’euros de ce fonds serviront à « co-financer les projets des collectivités ». Mais s’agit-il d’argent frais, ou d’un recyclage de dotations existantes ? Dans le dossier de presse diffusé hier, il est indiqué qu’ « en 2024, les dotations d’investissement (DETR et DSIL) seront priorisées pour aider la mise en accessibilité des bâtiments des collectivités les plus fragiles financièrement dans le cadre du fonds territorial d’accessibilité ». Cette formule paraît sans ambiguïté : les 500 millions évoqués semblent ne pas être une nouvelle enveloppe, mais seraient pris sur la DSIL et la DETR, donc au détriment d’autres collectivités…
Transports
À l’approche des JOP, le gouvernement a fixé un objectif de « 1 000 taxis accessibles » dans les villes olympiques d’ici à l’été prochain. Cet objectif serait, selon le gouvernement, déjà rempli à 70 %.
Reste l’ épineuse question de l’accessibilité des transports en commun pour les JOP. Si le gouvernement peut affirmer que la mise en accessibilité des gares concernées par les Jeux est aujourd’hui « achevée » , il reste le très gros point noir de l’accessibilité du métro parisien, qui est plus que médiocre. Une seule ligne (la 14) est entièrement accessible aux personnes en fauteuil roulant. Pour le reste, à peine 10 % des stations (une trentaine sur 309) sont équipées d’ascenseurs. Le gouvernement se félicite, certes, que le nombre de stations accessibles « ait été multiplié par quatre entre 2017 et 2024 », mais pas grand-chose multiplié par quatre donne toujours pas grand-chose.
En revanche, il faut noter que 100 % des lignes de bus parisiennes sont désormais accessibles aux usagers en fauteuil roulant (UFR). Le gouvernement a annoncé, de surcroît, la mise en place de « navettes spécifiques » pour les UFR entre les gares parisiennes et les sites olympiques.
École
Autre grande problématique abordée lors du CIH d’hier : l’accès des enfants handicapés à l’école. Au chapitre des réalisations récentes ou à venir, le gouvernement se félicite de l’attribution d’un « identifiant national élève » (INE) pour tous les enfants handicapés scolarisés, « à partir de la rentrée 2024 ».
Par ailleurs, il confirme la création du « bonus périscolaire » financé par la Cnaf, destiné à « assurer le financement des accueils de loisirs pour l’accompagnement des enfants en situation de handicap ».
Reste la question complexe des AESH, et en particulier du financement de la prise en charge pendant le temps périscolaire, qui est un point de friction important entre l’État et les collectivités locales (lire Maire info du 13 septembre). Rappelons que l’AMF demande que l’Éducation nationale prenne entièrement en charge les AESH pendant le temps périscolaire, et en particulier pendant la pause méridienne – alors que le Conseil d'État a estimé en 2020 que cette prise en charge relève des collectivités. Ce débat pourrait revenir sur le devant de la scène par le biais d’une proposition de loi déposée en juillet et demandant que les AESH soient « rémunérés par l’État sur le temps (…) de pause méridienne ». Mais encore faut-il que cette proposition de loi soit mise à l’ordre du jour du Sénat.
« Assistants à la réussite éducative »
En attendant, cette question est soigneusement évitée dans le dossier de presse du gouvernement. Il annonce en revanche la création « d’un nouveau métier d’assistant à la réussite éducative » , qui « permettra aux AESH qui le souhaitent d’avoir un emploi à temps plein à 35 heures en complétant leur temps de travail par de nouvelles missions ».
La définition de ce nouveau métier n’a pas encore été officiellement délivrée par le gouvernement, mais il semble que son intention soit de fusionner les AESH et les AED (assistants d’éducation), dont les missions sont pourtant totalement différentes. Rappelons en effet que les AED ne sont pas consacrés aux élèves en situation de handicap mais à la vie scolaire en général.
Ce projet a fait bondir les syndicats, comme le Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur (Snalc), qui s’est dit au printemps dernier « estomaqué » : « Les AED et les AESH ne sont pas interchangeables, leurs missions sont bien spécifiques et encadrées par des textes juridiques différents » , écrit le syndicat dans un communiqué. Le sénateur centriste Yves Détraigne a essayé d’en savoir plus, en juin, en posant au ministre de l’Éducation nationale une question écrite : « Il paraît déroutant de considérer que ces personnels sont interchangeables. (…) La mesure envisagée va clairement à rebours d'une professionnalisation du métier d'AESH d'une part et du métier d'assistant d'éducation d'autre part. » Le sénateur demande au ministre « d’abandonner ce projet ». Sa question est restée sans réponse à ce jour… mais le fait que les « assistants à la réussite éducative » soient mentionnés dans le dossier de presse du CIH d’hier montre que le gouvernement n’a pas renoncé à l’idée, que tous les professionnels jugent néfaste.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
Politique de la ville : les maires vigilants avant le prochain comité interministériel
À Nice, des assises de la pêche sous le signe de la colère