AESH : des ambitions à la baisse et des inquiétudes pour l'avenir
Par Lucile Bonnin
Le nouveau ministre de l’Éducation nationale, Edouard Geffray, a donné sa première interview hier au micro de France Inter. D’abord interrogé sur la suppression de plus de 4 000 postes d'enseignants prévue dans le projet de budget du gouvernement pour 2026 – qu’il a justifié comme étant une réponse à la baisse démographique – le ministre a évoqué la situation des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH).
Voilà maintenant plusieurs années que l’école inclusive est en crise et que les dysfonctionnements se multiplient. Il y a d’abord la pénurie d’AESH qui laisse certaines familles sans solution d'accompagnement et alors que plus de 350 00 enfants bénéficient aujourd’hui d’un droit pour un accompagnement humain (notifié par les MDPH). Puis, dans certains départements, l'État n’a pas pris en charge le financement des AESH pendant la pause méridienne comme le prévoit la loi Vial (lire Maire info du 4 septembre) laissant ainsi des milliers d'enfants sans accompagnement le midi.
Ces sujets, le ministre de l’Éducation les connaît bien puisqu’il a été DGRH du ministère de l'Éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (2017-2019) puis Dgesco (2019-2024). Sa nomination n’a pas été très bien accueillie par les syndicats. Ce sentiment est partagé par Cédric Vial, sénateur de la Savoie, qui explique sur X que le nouveau ministre est le « principal responsable de l’échec de l’école inclusive et le principal obstacle [qu’il a] rencontré pour faire adopter [la] loi sur la prise en charge des AESH sur le temps méridien, puis pour la faire appliquer. »
1 200 créations de postes d’AESH : un retour en arrière ?
C’est dans ce climat de méfiance que la situation déjà préoccupante de l'école inclusive a été de nouveau abordée cette semaine par le ministre. Il a notamment été interrogé sur la création de 1 200 postes d’AESH dans le projet de budget pour 2026, alors qu’en 2025, 2 000 recrutements étaient prévus, et 3 000 en 2024.
Alors qu'à chaque rentrée des milliers d'élèves atteints de handicap se retrouvent sans AESH, le ministre a évoqué « des contraintes budgétaires » mais aussi « des contraintes de vivier » qui posent la question de « l’attractivité » de la profession. Ce sont « des sujets sur lesquels je vais me pencher au cours des prochains mois », a-t-il ajouté.
La baisse de ces recrutements inquiète même si le ministre rappelle que l’État a « créé 70 % de postes de plus depuis 2017 » (34 000 postes au total) face à l'augmentation du nombre d'élèves en situation de handicap accueillis à l’école, mais aussi face à l'augmentation des prescriptions d'aides humaines effectuées par les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Le ministre estime que ce chiffre a augmenté entre 10 et 12 % ces dernières années.
Des conditions de travail pointées du doigt
Après l’affaire du financement des AESH sur le temps méridien, qui d’ailleurs était toujours un problème dans certains territoires à la rentrée 2025, un autre dysfonctionnement a été observé. Dans un article du Monde, on apprend que 25 AESH ont été licenciées à la fin du mois de septembre en Ille-et-Vilaine pour avoir refusé d’étendre leur zone d’intervention.
Plusieurs parlementaires se sont saisis du sujet, interpellant le gouvernement sur la question. Murielle Lepvraud, députée LFI, résume la situation dans une question écrite publiée sur le site de l’Assemblée nationale : « Cette rupture est intervenue suite au refus de celles-ci de suivre 30 établissements au lieu de 10 auparavant, sans dédommagement ni prise en compte des frais d'essence occasionnés par ces nouveaux déplacements. À titre d'exemple, une AESH habitant Guipry-Messac à 31 kilomètres de Redon est désormais rattachée au PIAL de Redon dont les extrémités sont distantes de 70 kilomètres. Cela, alors que les AESH vivent avec un niveau de rémunération moyen de 800 euros et travaillent dans une grande précarité. » Les AESH ont en effet un statut précaire marqué par le temps partiel imposé.
La sénatrice Annie le Houerou a également adressé une question écrite au ministère de l'Éducation nationale. Elle rappelle que dans le cadre de la proposition de loi visant à « renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers » les sénateurs et députés ont décidé de rejeter la généralisation des « pôles d'appui à la scolarité » (PAS) lors de la commission mixte paritaire (CMP) en juin dernier (lire Maire info du 4 juillet). Pour autant, cette situation en Ille-et-Vilaine qui impose aux AESH l'élargissement de leur secteur d'intervention géographique « signifie la transformation des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (Pial) en un modèle s'apparentant à celui des PAS » . Pour la sénatrice, « cette extension géographique méconnaît la réalité de la situation des AESH, déjà confrontés à une précarité persistante et à un sous-effectif chronique au regard du nombre croissant d'élèves à accompagner » et est « perçue comme un moyen de préparer la généralisation des PAS. »
Au micro de France inter, le ministre a reconnu ne pas suffisamment connaître le cas d’Ille-et-Vilaine pour apporter une réponse claire : « Il faut qu’on se penche sur le sujet ». « On essaye de travailler au niveau de zones géographiques élargies pour permettre d’employer les AESH le plus possible à temps plein et permettre d’augmenter leur temps de travail pour [celles] qui le souhaitent mais il ne faut pas [qu’elles] se retrouvent à faire 30 km par jour pour aller d’un établissement à l’autre ».
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