Accès à l'emploi : le handicap aussi discriminant que l'origine du candidatÂ
Qu’il s’agisse du secteur privé ou de la sphère publique, dans le processus d’accès à l’emploi, le handicap s’avère aussi discriminant que l’origine du candidat. C’est en substance ce que démontre un rapport remis le 29 octobre à Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, et présenté le 1er décembre aux employeurs et aux représentants des agents des trois versants de la fonction publique dans le cadre d’un groupe de travail du Conseil commun de la fonction publique (CCFP). Piloté par Yannick L’Horty, professeur d’économie de l’Université Paris-Est Marne-La-Vallée (qui avait coordonné deux études sur le même thème en 2016 et 2018), ce rapport s’appuie sur un programme de recherche conduit par le CNRS, via la fédération Théorie et Evaluation des Politiques Publiques (TEPP) dans le cadre d’un partenariat avec la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP).
Opération de testing sur 463 offres d’emploi
Pour réaliser cette étude, les chercheurs ont mené une opération de testing consistant à répondre à des annonces de recrutement concernant deux professions (responsable administratif de catégorie A et aide-soignante de catégorie C) présentes à la fois dans le secteur privé et dans la fonction publique. Entre octobre 2019 et mars 2020, les auteurs de l’étude ont envoyé 2 315 candidatures en réponse à 463 offres d’emploi publiées en Île-de-France. Dans chaque réponse, les chercheurs avaient pris soin de préciser que le candidat souffrait de déficience auditive, l’une des formes de handicap les plus répandues. L’objectif des équipes de la fédération TEPP étant de mesurer la discrimination dans l’accès à l’emploi pour une personne en situation de handicap par rapport à des postulants répondant à trois autres critères reconnus comme discriminants : l’origine, le sexe et le lieu de résidence.
Le rapport L’Horty a compilé et analysé les différentes réponses obtenues dans le cadre de cette opération de testing. Il met en évidence trois conclusions principales. Le document présenté au CCFP souligne d’abord que les différences de traitement selon l’origine et le handicap « sont fortes et généralisées », alors qu’elles n’apparaissent pas évidentes si l’on retient comme critères le sexe ou l’adresse du candidat. Le document montre, en effet, que parmi les cadres administratifs, le taux de réponse du candidat de référence est de 21,5% contre 16,9 % pour les candidats d’origine maghrébine et 17,6 % pour le candidat en situation de handicap. Les résultats obtenus pour les aides-soignants sont du même ordre. Alors que le candidat de référence obtient un retour positif dans 58,4 % des cas, le candidat nord-africain a une probabilité beaucoup plus faible de recevoir une réponse positive (44,1 %). Le candidat en situation de handicap connaît, quant à lui, un taux de succès à peine supérieur (50,5 %).
Deuxième constat : les différences de traitement des candidatures aux emplois proposés apparaissent aussi fortes dans la fonction publique que dans le secteur privé. Pour les postes de responsables administratifs, on ne trouve de différences de traitement selon l’origine ou le handicap que dans l’emploi privé. Pour les aides-soignants, les discriminations selon l’origine se manifestent à la fois dans le privé et dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière. « On trouve également des discriminations selon le handicap et l’adresse uniquement dans la fonction publique hospitalière. On trouve aussi une discrimination selon le sexe du candidat dans la fonction publique territoriale », souligne le rapport.
L’obligation d’employer 6 % de travailleurs handicapés jugé insuffisante
Enfin, le document indique que les discriminations se manifestent autant dans les entreprises de 20 salariés et plus que dans les autres entreprises. Une situation qui interpelle les chercheurs dans la mesure où les entreprises de 20 salariés et plus sont soumises à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés. Elles doivent en effet – sous peine de pénalités financières – compter au sein de leurs effectifs un quota de 6 % de travailleurs en situation de handicap reconnue par l’administration. Or, conclut le rapport, « la reconnaissance du handicap, qui ouvre l’accès à des aides pour l’entreprise, n’annule pas les discriminations ». Le document souligne que les obligations faites aux employeurs dans le cadre de ce dispositif « sont insuffisantes pour annuler les discriminations à l’encontre des personnes en situation de handicap ».
Emmanuelle Quémard
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