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Édition du jeudi 29 octobre 2015
Ruralité

Guillaume de Russé : « La loi Notre peut apporter le meilleur comme le pire pour les territoires ruraux »

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© D.R.
Le Conseil économique social et environnemental (CESE), a adopté hier un avis sur la promotion du dynamisme économique des espaces ruraux. Alors que la réforme territoriale donne de nombreux outils aux territoires urbains en matière de développement économique, et que les initiatives se multiplient pour soutenir ce développement, l’avis du CESE appelle à ne pas oublier « la richesse des espaces ruraux ». Le rapporteur de l’avis, Guillaume de Russé, président délégué du conseil départemental de la Vienne et maire honoraire de Montmorillon, revient pour Maire Info sur ces préconisations.

Vous indiquez que la situation des territoires ruraux est contrastée. Que voulez-vous dire ?
Certains territoires sont isolés, d’autres sous l’influence de villes moyennes ou importantes. La situation des territoires côtiers est très différente de celle des territoires situés en zone de montagne. De plus, l’évolution démographique n’est pas identique partout. Au-delà de ces différences, certains géographes prétendent qu’il n’y a plus de territoires ruraux car ils seraient sous l’influence des grandes villes. Je ne partage pas cette analyse. Il existe un fort sentiment d’appartenance propre aux habitants de ces espaces.

Votre projet d’avis formule plusieurs préconisations. Quelles sont pour vous les priorités ?
L’accessibilité numérique et physique doit, selon moi, être la priorité. Même si l’Etat témoigne de sa volonté d’accélérer la couverture numérique, il faut que les promesses soient tenues. Cette évolution est primordiale. Elle permettra de maintenir des populations dans ces espaces. L’accessibilité physique est tout aussi importante. Pendant plusieurs années, le réseau ferré secondaire a été délaissé. La SNCF a repris le dossier en main. Il faut que les efforts continuent. Quant aux routes, le réseau secondaire doit aussi être amélioré. D’ailleurs, la gouvernance territoriale pourrait progresser en la matière. La loi Notre aurait pu, par exemple, confier aux régions certaines routes intermédiaires.

D’ailleurs qu’apporte la loi NOTRE pour le développement des territoires ruraux ?
Cette loi peut apporter le meilleur comme le pire. Côté positif, la loi permet de travailler sur l’ensemble du territoire au travers des schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII). Mais il faudra veiller à ce que les régions n’agissent pas de façon centralisée. Elles doivent donner la parole aux territoires au travers des CESE régionaux, des chambres consulaires… Côté négatif, les régions pourraient considérer que le développement ne doit passer que par les métropoles.
Attendons de voir ce que donnera l’application de la loi. Nous proposons qu’un bilan de cette législation soit dressé d’ici trois à cinq ans afin d’évaluer ces mesures. De mon point de vue d’élu local, je crois que nous aurons besoin d’un intermédiaire avec les grandes régions. Les intercommunalités peuvent jouer ce rôle. Mais les départements ont aussi leur pertinence. Des conventions entre les différents échelons de collectivités devront être passées notamment en matière économique, afin de garantir un développement harmonieux de l’ensemble du territoire.

Vous appelez à limiter la prolifération des normes. Quelles sont les conséquences de cette pratique dans les territoires ruraux ?
Le poids financier de la mise en pratique d’une norme n’est pas la même pour chaque territoire. Prenons l’exemple des normes d’accessibilité, l’application demande plus d’efforts à une petite commune qu’à une métropole. Sans remettre en cause le principe républicain d’une application uniforme des normes, ni donner un pouvoir législatif aux régions, je pense que cet échelon doit pouvoir adapter les normes nationales.

Le gouvernement a convoqué deux comités interministériels aux ruralités les 13 mars et 14 septembre dernier. Quel regard portez-vous sur les mesures adoptées?
Il y a des bonnes choses notamment concernant le soutien aux centres bourgs. L’extension du prêt à taux zéro pour l’habitat ancien est intéressant. Le mitage des sols constitue un danger pour la ruralité. Beaucoup de centres bourgs sont désertés alors que les constructions s’étendent à la périphérie. A ce titre, l’avis du CESE propose de transférer les permis de construire aux intercommunalités dans les zones rurales et périurbaines. Selon nous, cette mesure permettrait de limiter le mitage.
Propos recueillis par Elsa Pradier

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