Maire-info
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Édition du mercredi 27 novembre 2024
Gouvernement

PLFSS : des journées décisives pour la survie du gouvernement

C'est aujourd'hui que va se tenir la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Bien que le gouvernement y soit majoritaire, son issue est particulièrement incertaine, et l'avenir du gouvernement Barnier y est suspendu. Explications.

Par Franck Lemarc

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© Ass. nationale

En théorie, tout devrait bien se passer : dans la commission mixte paritaire (7 députés, 7 sénateurs) qui se réunit cet après-midi pour trouver un texte de compromis sur le budget 2025 de la Sécurité sociale, le camp gouvernemental est majoritaire : il compte 8 parlementaires contre 6 de l’opposition (Nouveau front populaire et RN). Les parlementaires du « socle commun »  (le nom donné à l’alliance macronistes/LR) ont donc les moyens d’aboutir à une CMP conclusive sur un texte conforme à leur projet politique. 

Mais la théorie est une chose, et la pratique politique en est une autre : en réalité, le « socle commun »  n’a peut-être ni les moyens ni intérêt à voir cette CMP aboutir. 

Éviter la censure

Pas les moyens, parce que le socle commun n’est pas si commun que cela, certaines tensions subsistant entre les parlementaires Renaissance et les LR. Les députés macronistes, dirigés par Gabriel Attal, n’ont toujours pas digéré, par exemple, le fait que ce soit le LR Laurent Wauquiez, non membre du gouvernement, qui ait annoncé à la télévision les concessions sur l’indexation des retraites décidées par Michel Barnier. Par ailleurs, des désaccords existent entre LR et macronistes sur la question des allégements de charge aux entreprises – désaccords qui se sont encore exprimés au Sénat hier, avec l’abstention des sénateurs macronistes sur le PLFSS. Ces dissensions pourraient suffire à faire capoter la CMP cet après-midi.

Mais surtout, les parlementaires du socle commun ont-ils vraiment intérêt à ce que la CMP soit conclusive ? Rien n’est moins sûr. Pour le comprendre, il faut regarder la suite des événements, à la lumière des déclarations des différents protagonistes. 

Première hypothèse : la CMP aboutit à l’adoption d’un texte de compromis. Dans ce cas, celui-ci reviendra à l’Assemblée nationale, lundi prochain 2 décembre, pour une adoption définitive. Comme il n’y a aucune chance que l’Assemblée adopte ce texte, puisque ni le NFP ni le RN n’y sont favorables, le Premier ministre devra sans doute dégainer l’article 49-3. Dans ce cas, une motion de censure sera déposée par la gauche… et le RN a d’ores et déjà annoncé qu’il y a toutes les chances pour qu’il la vote, puisque le PLFSS contient des mesures considérées comme des « lignes rouges »  par les amis de Marine Le Pen. Dans ce cas, donc, le gouvernement pourrait être renversé dès la semaine prochaine. 

Deuxième hypothèse : la CMP n’est pas conclusive. Dans ce cas, on repart à zéro, et le PLFSS revient en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Mais là, un autre problème se posera : la loi fixe un délai maximum pour l’examen d’un texte budgétaire, et ce délai prend fin le jeudi 5 décembre. Comme il n’y a aucune chance que la navette parlementaire puisse se dérouler en si peu de temps, le délai ne serait pas tenu. Que se passerait-il dans ce cas ? L’article 47-1 de la Constitution est clair : « Si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de cinquante jours, les dispositions du projet peuvent être mises en œuvre par ordonnance. » 

Autrement dit, si le Parlement n’adopte pas le texte, celui-ci sera appliqué quand même, sans vote – c’est le principe des ordonnances budgétaires, prises par le gouvernement sans nécessiter l’accord du Parlement mais avec force de loi. 

Gagner du temps

Sans préjuger de ce qui se passera en commission mixte paritaire, on peut donc faire l’hypothèse que le gouvernement n’a pas vraiment intérêt à ce que celle-ci soit conclusive, puisque cela pourrait accélérer sa chute. 

Quoi qu’il en soit, même si la CMP échoue, le gouvernement n’aura gagné que du temps. Le même scénario se reproduira juste avant les fêtes pour la fin de l’examen du projet de loi de finances (PLF). Et quand bien même le gouvernement en arriverait à passer ses textes budgétaires par ordonnance, cela ne le mettrait pas à l’abri d’une motion de censure spontanée. 

Les semaines qui viennent vont donc être décisives pour le gouvernement, dont les chances de survie à moyen terme – depuis que le RN a clamé son intention de voter la censure – semblent relativement ténues. 

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