Les autres mesures annoncées par la Première ministre devant les députés
Par Franck Lemarc
« Trop longtemps, notre vie politique n’a été faite que de blocs qui s’affrontent. Il est temps d’entrer dans l’ère des forces qui bâtissent, ensemble. (…) Le compromis, ce n’est pas se compromettre. C’est accepter, chacun, de faire un pas vers l’autre. Nous sommes prêts à entendre les propositions venues de chacun, à en débattre, et si nous en partageons les objectifs et les valeurs, à amender notre projet. »
Devant une Assemblée nationale plus divisée qu’elle l’a jamais été sous la Ve République, la Première ministre, hier, s’est montrée bien consciente que les projets de loi que le gouvernement va présenter dans les mois qui viennent ne pourront pas passer sans l’aide d’une partie de l’opposition. Elle a donc émaillé son discours d’appels du pied et de clins d’œil aux différents groupes d’opposition, abordant les différents sujets et les concluant, à chaque fois, par un : « Nous en avons d’ailleurs beaucoup parlé avec… » le président ou la présidente de chaque groupe – à l’exception notable de celles du Rassemblement national et de la France insoumise.
Cette stratégie est donc conforme à celle fixée par le président de la République, qui avait évoqué, la semaine dernière, une coalition gouvernementale allant du Parti communiste aux Républicains, mais excluant le RN et LFI.
Atteindre le « plein emploi »
« Premier défi » de la mandature : le pouvoir d’achat. La Première ministre a rappelé que le gouvernement va présenter dès cet après-midi, en Conseil des ministres, son projet de loi sur le sujet, dont les grandes lignes sont déjà connues (prolongation du bouclier tarifaire, augmentation du plafond de la prime pouvoir d’achat, revalorisation de toutes les prestations sociales, aides aux travailleurs « grands rouleurs » ).
La Première ministre a ensuite évoqué « l’équilibre budgétaire », confirmant l’objectif d’un retour à un déficit public sous les 3 % en fin de mandat (2027). Cet objectif sera atteint « sans hausse d’impôts », a-t-elle promis en s’adressant au groupe Les Républicains et à son président, Olivier Marleix.
Autre objectif annoncé : « le plein emploi », un cap atteignable selon la Première ministre, qui a confirmé au passage, à mots couverts, la très contestée réforme du RSA consistant à exiger des allocataires une certaine quotité de travail (« verser une allocation ne suffit pas », il faut « un équilibre entre droits et devoirs » ). Elle a aussi évoqué une réforme de l’apprentissage, et l’objectif de former « un million de jeunes dans les métiers d’avenir, dont la moitié dans le numérique ».
Sur la réforme des retraites, Élisabeth Borne s’est bien gardée de citer un chiffre pour ce qui est de l’âge de départ à la retraite, ne parlant ni de 65 ni de 64 ans – le sujet est trop clivant –, mais a tout de même affirmé que « nous devrons travailler progressivement un peu plus longtemps ». La réforme des retraites à venir « n’est pas ficelée, ne sera pas à prendre ou à laisser », elle sera menée « dans la concertation », mais elle est « indispensable ».
Renationalisation intégrale d’EDF
Sur la transition écologique, se tournant vers le groupe EELV, Élisabeth Borne n’a pas fait d’annonce très concrète, en dehors d’une future « loi d’orientation énergie-climat ». La Première ministre, qui est chargée de la « planification écologique », ne s’est pas étendue sur le sujet, se bornant à annoncer que « chaque ministre aura sa feuille de route climat et biodiversité ». Elle a aussi clairement indiqué sa ferme opposition à toute idée de « décroissance », indiquant qu’au contraire la « révolution écologique » se ferait grâce à « des filières nouvelles et des emplois d’avenir ». Si Élisabeth Borne a promis l’accélération du déploiement des énergies renouvelables, elle a aussi confirmé « les investissements dans le nucléaire » et la volonté de reprendre « la pleine maîtrise de notre production d’électricité ». « Nous devons prendre des décisions que d’autres ont pu prendre avant nous, dans une période de l’histoire où le pays devait gagner la bataille de l’énergie et de la production », a affirmé la Première ministre – allusion appuyée au Parti communiste de Maurice Thorez, chantre en 1945 de cette « bataille de la production ». Elle a annoncé au passage que l’État allait reprendre « 100 % » du capital d’EDF (au lieu de 84 % aujourd’hui).
Déconjugalisation
Le gouvernement a finalement choisi de reculer sur la « déconjugalisation » de l’Allocation adulte handicapé (AAH). Après avoir tenu contre vents et marées au Parlement, il y a un an (lire Maire info du 18 juin 2021), pour maintenir ce qui est unanimement considéré comme un système profondément injuste (l’AAH est calculée en tenant compte des revenus du conjoint), la majorité a changé d’avis : « Mon gouvernement réformera l’Allocation adultes handicapés. Il s’agira d’une réforme en profondeur. Nous partirons du principe de la déconjugalisation. C’est une question de dignité et une avancée très attendue. »
Sur le terrain social, elle a également évoqué une revalorisation du salaire des enseignants et des soignants. Élisabeth Borne a annoncé « une loi d’orientation et d’avenir pour l’agriculture » afin d’assurer « une meilleure rémunération aux agriculteurs », dont elle a pointé le vieillissement préoccupant (« près de la moitié des agriculteurs prendront leur retraite d’ici 2030 » ).
Après avoir balayé, sans faire de grandes annonces, les sujets de la souveraineté, de la sécurité, de l’immigration, la Première ministre a longuement réitéré son appel à l’union, ce qui en dit long sur la crainte du gouvernement de voir son action paralysée par la situation inédite à l’Assemblée nationale : « Nous avons les moyens et la volonté de nous retrouver autour de valeurs et d’objectifs communs, de construire ensemble et de bâtir des majorités d’idées. L’heure n’est pas à nous compter, mais à nous parler. La confiance ne se décrète pas a priori, elle se forgera, texte après texte, projet après projet, car nous travaillerons en bonne foi et en bonne intelligence, comme nous le demandent les Français. Devant chaque défi, nous devrons nous poser la question : voulons-nous bloquer ou voulons-nous construire ? C’est en fonction de cela, que les Français nous jugeront. »
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