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Édition du vendredi 12 janvier 2024
Gouvernement

Gouvernement Attal : la fin de la « société civile » aux postes clés

La composition du gouvernement, ou plutôt de la première partie du gouvernement, a été dévoilée hier peu avant 20 h, avant la nomination des secrétaires d'État qui interviendra la semaine prochaine. Ce nouveau gouvernement est, bien plus que les précédents, marqué par le retour des professionnels de la politique en lieu et place des représentants de la « société civile ». 

Par Franck Lemarc

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En tout et pour tout, quatre arrivées au gouvernement. Loin du grand chambardement attendu après les propos du chef de l’État tenus au moment de la démission d’Élisabeth Borne, le nouveau gouvernement dirigé par Gabriel Attal est, pour l’instant, marqué avant tout par la stabilité : sur les 14 ministres annoncés hier, dix étaient déjà membres de l’ancienne équipe, au même poste ou à d’autres.

Restent à leur poste Bruno Le Maire (Économie, Finances, Souveraineté industrielle et numérique), Gérald Darmanin (Intérieur et Outre-mer), Éric Dupond-Moretti (Justice), Christophe Béchu (Transition écologique et Cohésion des territoires), Sébastien Lecornu (Armées), Sylvie Retailleau (Enseignement supérieur et Recherche) et Marc Fesneau (Agriculture et Souveraineté alimentaire). 

Aurore Bergé, qui était jusqu’à présent chargée de la Solidarité et des Familles, change de portefeuille et devient ministre déléguée à l’Égalité entre les femmes et les hommes et à la Lutte contre les discriminations. Prisca Thévenot, jusqu’alors secrétaire d’État chargée de la Jeunesse et du Service universel, devient porte-parole du gouvernement.

Quant à l’ancienne ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra, elle connaît une importante promotion en héritant, en plus des sports et des JOP, du ministère de l’Éducation nationale (auparavant occupé par Gabriel Attal) et de celui de la Jeunesse (après Prisca Thévenot).

Les nouveaux arrivants

La principale surprise politique de ce remaniement est l’arrivée au ministère de la Culture, de Rachida Dati. Membre des Républicains et très proche de Nicolas Sarkozy, l’entrée de la maire du 7e arrondissement de la capitale s’est manifestement décidée dans une négociation en direct entre le président de la République et elle. Elle a pris de court, au premier chef, les Républicains eux-mêmes, dont le président Éric Ciotti a immédiatement annoncé qu’elle serait exclue du parti – alors que Rachida Dati avait dit espérer en rester membre et être l’artisan d’un rapprochement entre la majorité présidentielle et les LR. 

Cette arrivée est surprenante à double titre : d’abord, parce que l’ancienne Garde des sceaux de Nicolas Sarkozy n’est pas réputée pour connaître particulièrement le monde de la culture. Ensuite, parce qu’elle ne s’est pas privée, en particulier depuis 2022, de dire haut et fort tout le mal qu’elle pense d’Emmanuel Macron et de son parti, encore récemment qualifié par elle de parti « de traîtres de gauche et de traîtres de droite ». 

Autre entrant – mais moins surprenant celui-là : Stéphane Séjourné, au poste de ministre de l’Europe et des Affaires étrangères. Dans ce qui est l’un des domaines réservés du chef de l’État, celui-ci a nommé un de ses plus proches collaborateurs depuis l’époque où il était ministre de François Hollande. Stéphane Séjourné, 38 ans, ancien militant de la Jeunesse socialiste et de l’Unef, est devenu conseiller ministériel d’Emmanuel Macron dès 2014. Il a été ensuite l’un de ses plus proches conseillers à l’Élysée, tout en assumant depuis 2022 la fonction de secrétaire général du parti présidentiel et un siège de député européen. Stéphane Séjourné devait conduire la liste Renaissance aux élections européennes. Ce rôle pourrait désormais échoir à Olivier Véran, « sorti »  du gouvernement dont il était le porte-parole. 

Catherine Vautrin fait également son entrée au gouvernement. La présidente de Reims métropole et vice-présidente de l’AMF, un moment pressentie pour être Première ministre, en 2022, hérite elle aussi d’un super-ministère, regroupant le Travail, la Santé et les Solidarités – ce qui acte le départ d’Olivier Dussopt, jusque-là chargé du Travail, qui n’est donc pas récompensé d’avoir porté la réforme des retraites en pleine tempête sociale. 

Catherine Vautrin est, comme Rachida Dati, une personnalité clairement marquée à droite – elle a été députée LR et plusieurs fois ministre sous Jacques Chirac.

Enfin, la dernière entrante est Marie Lebec, nommée ministre déléguée chargée des Relations avec le Parlement en remplacement du très discret Franck Riester. Son appartenance politique est plus difficile à définir : soutien de Nicolas Sarkozy en 2007, elle a milité à l’UMP avant de devenir attachée parlementaire d’un député socialiste des Vosges, puis de rejoindre le parti d’Emmanuel Macron dès 2015. Elle est députée de ce parti (Yvelines) depuis 2017. 

Super-ministères

Outre son caractère clairement marqué à droite, ce vrai-faux nouveau gouvernement signifie clairement la fin de la période pendant laquelle Emmanuel Macron avait souhaité confier un maximum de portefeuilles ministériels à des « techniciens »  ou des membres de la société civile. L’époque d’un Jean-Michel Blanquer (ancien directeur général de l’enseignement scolaire) ministre de l’Éducation nationale, du docteur Olivier Véran à la Santé, d’un Nicolas Hulot à la Transition écologique, de l’épéiste Laura Flessel aux Sports ou de l’éditrice Françoise Nyssen à la Culture semble bel et bien révolue. Cette tendance avait été amorcée avec la nomination de Gabriel Attal, pur professionnel de la politique, à la place de l’ancienne préfète Élisabeth Borne, et elle se confirme avec l’arrivée d’une Rachida Dati ou d’un Stéphane Séjourné. Quitte à confier des portefeuilles à des personnalités qui ne sont pas particulièrement des spécialistes du sujet – comme Rachida Dati ou Amélie Oudéa-Castéra.

Autre point marquant de ce nouveau gouvernement : la volonté du Premier ministre de « resserrer »  son équipe l’a conduit à créer plusieurs « super-ministères », ce qui présente l’inconvénient de diluer d’autant la tâche des ministres concernés. On notera donc qu’il n’y a plus de ministère pleinement dédié à la Santé ni à l’Éducation nationale, ce qui apparaît d’ores et déjà comme un casus belli pour les acteurs de ces deux secteurs qui ont eu l’occasion de s’exprimer depuis hier. 

Plus grave, du point de vue des élus locaux : il apparaît, à ce stade, que des portefeuilles aussi essentiels que les collectivités territoriales, le logement et la fonction publique n’auront pas de ministre de plein exercice. Naturellement, il est probable que des secrétaires d’État ou ministres délégués seront nommés à ces postes, mais cela donne un indice du fait que ces sujets ne sont pas des priorités pour le nouveau Premier ministre et le chef de l’État. 

Parité formelle

Une liste complémentaire sera dévoilée la semaine prochaine avec les autres ministres délégués et les secrétaires d’État. Seule information diffusée jusqu’à présent : Agnès Pannier-Runacher, ex-ministre de la Transition énergétique, devrait devenir ministre déléguée à la Santé. Ce n’est pas tout à fait un domaine inconnu pour elle, puisqu’elle a été dans les années 2000 directrice de cabinet de la directrice générale de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris.

Enfin, il est à noter que si la parité formelle a été respectée dans le gouvernement dévoilé hier (7 hommes et 7 femmes, si l’on exclut toutefois le Premier ministre lui-même), les postes régaliens et clés restent essentiellement confiés à des hommes : intérieur, justice, armée, économie, affaires étrangères. Du reste, il a fallu rajouter les noms de trois ministres déléguées à la liste (Prisca Thévenot, Marie Lebec et Aurore Bergé) pour donner une impression de parité : si l’on ne considère que la liste des ministres de plein exercice, elle ne comprend que quatre femmes pour sept hommes. Comme un écho aux propos tenus par Élisabeth Borne au moment de la passation des pouvoirs, mardi : « J’ai pu mesurer, assez souvent, qu’il reste du chemin pour l’égalité entre les femmes et les hommes. » 

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