Gabriel Attal nommé Premier ministre
Par Franck Lemarc
On donnait Élisabeth Borne partante après la réforme des retraites, imposée grâce au 49-3 ; elle est restée. Mais la Première ministre nommée au début du second quinquennat d’Emmanuel Macron n’aura, en revanche, pas résisté à la crise politique issue du débat sur la loi immigration : le président de la République veut une « régénération » de son quinquennat et, dans ce but, avait besoin de sang neuf.
Le départ d’Élisabeth Borne
Élisabeth Borne, haute fonctionnaire, ancienne préfète et ancienne patronne de la RATP, est entrée au gouvernement dès l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, d’abord comme ministre chargée des Transports, puis de la Transition écologique, puis de l’Emploi. C’est ensuite elle qui a été choisie, au lendemain des élections législatives de 2022 qui n’ont donné au parti présidentiel qu’une majorité relative, pour diriger le gouvernement dans ce contexte difficile. Elle n’aura « pas tremblé », comme elle l’a rappelé hier en quittant Matignon, pour passer en force face à une Assemblée nationale de plus en plus hostile : depuis 2022, tous les budgets ont été adoptés grâce à l’article 49-3, tout comme la réforme des retraites au printemps dernier. Plus récemment, la crise a été plus vive encore avec l’adoption aux forceps de la loi immigration – qui est encore en examen devant le Conseil constitutionnel, qui rendra son avis le 25 janvier.
On retiendra d’Élisabeth Borne qu’elle a mis en place le concept de planification écologique, l’écologie étant censée, depuis 2022, être au centre de toutes les politiques publiques, et créé les outils nécessaires pour cela. Elle aura également cherché à se montrer plus à l’écoute des élus locaux que plusieurs de ses prédécesseurs. Le président de l’AMF, David Lisnard, a eu plusieurs fois pendant ces 18 mois l’occasion de louer « l’esprit d’écoute » et le climat de « confiance » mutuelle qu’a cherché à instaurer l’ancienne Première ministre. Il l’a encore fait au moment de la démission d’Élisabeth Borne, écrivant sur X (Twitter) : « Je tiens à saluer le soin constant apporté par Élisabeth Borne à dialoguer avec les associations d’élus, notamment l’Association des maires de France. D’accord ou pas, nous travaillions en confiance. C’est précieux. »
On se souvient notamment que c’est Élisabeth Borne elle-même qui a annoncé, à la rentrée 2022, la création du Fonds vert, et qu’elle a pesé dans le sens d’une augmentation de la DGF – même si celle-ci est jugée insuffisante par les associations d’élus.
Reste qu’Élisabeth Borne était trop directement liée aux lourdes difficultés politiques de ce début de quinquennat pour pouvoir rester à Matignon – ce qu’elle aurait toutefois souhaité. Les termes de sa lettre de démission ne laissent aucun doute : son départ ne relève pas de son choix mais bien d’un limogeage. « Il me faut présenter la démission de mon gouvernement », écrivait-elle lundi au chef de l’État.
Carrière express
Le nouveau Premier ministre dont le nom a été dévoilé hier en fin de matinée, Gabriel Attal, n'a pas une grande expérience de terrain des collectivités territoriales. Il a certes été conseiller municipal de Vanves (92) en 2014, mais n'a eu aucun autre mandat électif et n’est pas passé par la haute administration – il apparaît davantage comme un homme d’appareil.
La carrière du nouveau Premier ministre est marquée par une fulgurante rapidité. Conseiller ministériel à 23 ans, sous le quinquennat de François Hollande, Gabriel Attal a rejoint Emmanuel Macron dès la création du parti En Marche et est devenu député à 28 ans. En janvier 2018, il devient porte-parole du parti d’Emmanuel Macron, avant d’entrer au gouvernement en octobre de la même année. Plus jeune secrétaire d’État de la Ve République, il a ensuite connu une rapide ascension en se voyant confier des portefeuilles de plus en plus importants : porte-parole du gouvernement en 2020, ministre chargé des Comptes publics en 2022, ministre de l’Éducation nationale en juillet 2023 – avec à chaque fois la même étiquette de « plus jeune ministre » du portefeuille correspondant.
C’est encore le cas avec sa nomination hier à Matignon, à 34 ans – devançant Laurent Fabius qui avait été nommé Premier ministre à 37 ans en 1984.
Le nouveau Premier ministre bénéficie d’une certaine popularité et a donné, au ministère de l’Éducation nationale, l’image d’un homme résolu et déterminé. Le chef de l’État compte évidemment sur sa jeunesse, son talent de communiquant et son sens de la formule – après une Élisabeth Borne souvent jugée un peu terne et trop « techno » – pour relancer un quinquennat embourbé dans la crise politique, à quelques mois d’une élection européenne où les sondages promettent déjà des scores très élevés au Rassemblement national. Certains commentateurs voient dans Gabriel Attal une arme spéciale anti-Jordan Bardella, le lui aussi très jeune président du RN (28 ans) à la popularité grandissante.
Grands chantiers
La première mission du nouveau Premier ministre va être de constituer un gouvernement, ce qui devrait être fait d’ici vendredi, date à laquelle est convoqué un Conseil des ministres. La tâche ne sera pas aisée, plusieurs poids lourds de l’ancien gouvernement s’étant clairement opposés à sa nomination – dont Gérald Darmanin et Bruno Le Maire – et revendiquant déjà une certaine indépendance par rapport à lui.
Le nouveau locataire de Matignon va à présent hériter d’un certain nombre de grands chantiers engagés par sa prédécesseure, dont celui de la décentralisation. On attend, sur ce sujet, les propositions qui devraient être rendues dans les mois à venir par Éric Woerth, chargé par le président de la République de travailler sur le sujet. Les élus attendront également le projet de loi promis sur le statut de l’élu, qui devrait être présenté dans les premiers mois de l’année – et ne devrait pas faire partie des sujets les plus polémiques au Parlement. On se rappelle que l’ex-ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini, avait promis une imminente réforme de la fonction publique, sans que l’on sache à cette heure si elle sera menée par le nouveau gouvernement.
Gabriel Attal va également hériter de la promesse faite à la droite par Élisabeth Borne de réforme l’aide médicale d’État (AME) dès le début de l’année, ce qui promet de nouveau, en revanche, des débats particulièrement houleux à l’Assemblée nationale, tout comme le projet de loi sur la fin de vie, qui doit normalement arriver à son terme en ce début d’année.
Pour le reste, les intentions du chef de l’État et de son nouveau Premier ministre restent floues, en dehors de la volonté affichée par le Premier, lors de ses vœux, de procéder à un « réarmement » du pays, pas seulement sur le plan militaire mais également sur celui « des valeurs ». On attend toujours, du reste, de connaître les contours du « grand rendez-vous avec la Nation » prévu par le chef de l’État, qui doit avoir lieu en janvier.
Première visite de terrain
Hier, Gabriel Attal a voulu marquer dès sa nomination sa préoccupation vis-à-vis des problèmes concrets des Français en allant rencontrer les habitants des communes du Pas-de-Calais touchées par les inondations pour la deuxième fois en moins de deux mois. Accompagné de l’ex-ministre de la Transition écologique Christophe Béchu, dont on ignore s’il conservera son portefeuille, le Premier ministre a rencontré habitants, commerçants et élus pour leur dire de « tenir bon » et de « ne pas se démoraliser ». Il a promis de rapides évolutions sur le terrain réglementaire, pour permettre aux assurances d’indemniser plus vite. Il n’y aura, a annoncé Gabriel Attal aux élus, pas de double franchise pour les sinistrés frappés deux fois par les inondations.
Après ce rendez-vous visiblement apprécié par les maires locaux, le Premier ministre est ensuite rentré à Paris pour débuter les tractations en vue de la formation de son gouvernement. Sauf à reporter une nouvelle fois le Conseil des ministres, il a 48 heures pour aboutir.
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