Maire-info
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Édition du vendredi 17 janvier 2025
Gouvernement

François Bayrou renonce aux trois jours de carence pour les fonctionnaires et fissure le NFP

Après avoir, comme ultime concession, assuré hier qu'il renonçait à instaurer deux jours de carence supplémentaires pour les fonctionnaires, le Premier ministre a convaincu les députés socialistes de ne pas voter la motion de censure. Pour l'instant.

Par Franck Lemarc

De jour en jour, de concession en concession, François Bayrou a réussi à fissurer le Nouveau front populaire en gagnant les faveurs du Paris socialiste. Hier, la motion de censure co-signée par LFI, le PCF et les écologistes n’a recueilli que 131 voix à l’Assemblée nationale, les députés PS ayant – à l’exception de 6 d’entre eux – décidé de ne pas la voter. 

Plusieurs concessions

Chaque jour, depuis une semaine, le Premier ministre rajoute un élément dans la balance socialiste pour la faire pencher de son côté. Cela a d’abord été la promesse de remettre sur la table la réforme des retraites au cours d’une conférence sociale, puis l’assurance que le résultat de cette dernière donnerait lieu à un texte débattu au Parlement. Avant-hier, le Premier ministre annonçait renoncer à la suppression de 4 000 postes d’enseignants (lire Maire info d’hier). Enfin, hier, il adressait une lettre aux députés socialistes où il annonçait un ultime recul – déjà esquissé la veille au Sénat, d’ailleurs : dans le projet de budget pour 2025, « le gouvernement confirmera l'abandon de l'ajout de deux jours de carence pour les agents publics », écrit François Bayrou. Cette concession oblige le gouvernement à renoncer à environ 300 millions d’euros d’économies. Le Premier ministre, en revanche, n’entend pas revenir sur la réduction à 90 % de l’indemnité journalière versée aux fonctionnaires en arrêt maladie (qui représenterait quelque 900 millions d’euros d’économies selon l’Inspection générale des affaires sociales. 

Par ailleurs, dans le même courrier, le Premier ministre liste les autres concessions, déjà connues, qu’il estime avoir faites : il y aura bien une taxe sur les plus hauts revenus dans le budget pour 2025, les déremboursements de médicaments seront abandonnés et le budget des hôpitaux (Ondam) sera augmenté. 

Pas d’accord de « non-censure » 

Ces reculs du gouvernement ont conduit la direction du PS a renoncer à voter la censure, hier. À la tribune, Olivier Faure, le Premier secrétaire du parti, s’est félicité d’appartenir à « une gauche qui fait céder le gouvernement ». « Nous avons choisi de ne pas pratiquer la politique du pire, parce qu’elle peut conduire à l’arrivée de l’extrême droite. C’est la raison pour laquelle nous rejetons cette motion de censure, a ajouté le député de la Seine-et-Marne. Le résultat de nos négociations avec le gouvernement n’a pas miraculeusement transformé ce budget en budget de gauche. Mais c’est notre honneur d’avoir pu éviter aux Français des mesures qui auraient eu un impact direct sur leur pouvoir d’achat, leur accès aux soins, leur capacité à offrir une éducation de qualité à leurs enfants. » 

Rappelons que la motion de censure débattue hier n’avait aucune chance d’être adoptée, puisque le RN s’en était désolidarisé, et n’avait donc qu’une portée symbolique et politique, dont l’enjeu essentiel, pour le Premier ministre, était de fracturer le NFP en poussant le PS à ne pas voter la censure. 

Pari réussi, donc, pour François Bayrou ? En partie seulement. Parce que le parti d’Olivier Faure, s’il a accepté de ne pas censurer hier, ne s’est pas engagé à plus long terme. Ce qu’espérait le Premier ministre, c’était un véritable « accord de non-censure », qui l’aurait définitivement, ou du moins durablement, mis à l’abri d’un renversement comme celui qui a frappé Michel Barnier : les voix du Parti socialiste, en effet, sont arithmétiquement indispensables pour atteindre la majorité absolue, celles du reste de la gauche et du RN ne suffisant pas. 

Mais Olivier Faure s’est voulu clair : son choix d’hier n’engage pas l’avenir. Si les discussions budgétaires devaient déraper, son parti changera d’attitude : « Si nous avons le sentiment que le débat est verrouillé, (que) tout apparaît comme un simple simulacre, (…) nous déposerons une motion de censure. » 

Demi-victoire

Autrement dit, le PS ne s’engage à rien et demande à voir. Il peut en effet y avoir une certaine distance entre les déclarations d’intention et la réalité des amendements gouvernementaux – comme l’a montré l’épisode d’hier sur le budget du sport (lire article ci-contre). 

La décision du PS de ne pas voter la censure, si elle apparaît bien comme une victoire politique pour François Bayou, ou comme une demi-victoire, est loin de mettre fin à l’instabilité politique. Parce qu’elle n’est pas forcément durable, d’une part. Et parce qu’à trop céder aux socialistes, le Premier ministre court un autre risque : celui de perdre le soutien de ses alliés de droite. 

La politique est décidément, en ces temps troublés, un art bien difficile. 

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