Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 9 juin 2022
Gouvernement

Finances locales, collectivités, petite enfance : les précisions et les imprécisions des décrets d'attribution ministériels

Après ceux des ministres de plein exercice, la semaine dernière, ce sont les décrets d'attribution des ministres délégués et des secrétaires d'État qui ont été publiés ce matin au Journal officiel. Suite du « qui fait quoi ? » dans le nouveau gouvernement d'Élisabeth Borne. 

Par Franck Lemarc

Jeudi dernier, Maire info faisait le point sur la répartition des tâches des ministres du nouveau gouvernement, en notant qu’il manquait encore les attributions du ministre délégué spécifiquement chargé des collectivités territoriales, Christophe Béchu. 

On en sait un peu plus depuis la publication des décrets d’attributions manquants, ce matin – mais, concernant Christophe Béchu, le texte n’apporte pas d’information réellement exploitable. On y apprend simplement que le maire d’Angers « exerce par délégation du ministre de l’Intérieur les attributions de celui-ci en matière de décentralisation »  et, par délégation d’Amélie de Montchalin, « les attributions de celle-ci en matière de cohésion des territoires ». Sans surprise, il « propose et exécute les mesures nécessaires à la réalisation de la politique du gouvernement concernant les collectivités territoriales ». 

Le décret répond au moins à une question : on pouvait se demander si Christophe Béchu allait hériter des compétences liées à la politique de la ville. La réponse est non. 

Parité et lutte contre les discriminations

Bien plus précis est le décret fixant les attributions d’Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances. Isabelle Rome hérite du portefeuille qui était auparavant dévolu à Élisabeth Moreno, le décret fixant ses attributions étant la reprise, presque à la virgule près, de celui de sa prédécesseure. Ce ministère inclut à la fois les questions d’égalité des sexes et de parité, de lutte contre le racisme et de lutte contre l’homophobie (« haine envers les personnes lesbiennes, gays, bi et trans » ). La ministre devra « promouvoir les mesures destinées à faire disparaître toute discrimination liée au sexe et à accroître les garanties d'égalité dans les domaines politique, économique, professionnel, éducatif, social, sanitaire et culturel ». 

Il est donc probable que ce sera Isabelle Rome, entre autres, qui aura pour tâche d’assurer le suivi de la proposition de loi d’Élodie Jacquier-Laforge, toujours en navette entre l’Assemblée nationale et le Sénat, et visant à assurer la parité dans les conseils municipaux de toutes les communes quelle que soit leur taille. 

Gabriel Attal chargé des finances locales

Un interlocuteur important du nouveau gouvernement, pour les associations d’élus, va désormais être Gabriel Attal, ministre délégué chargé des Comptes publics, puisque l’on apprend que celui-ci va être, par délégation de Bruno Le Maire, de Gérald Darmanin et d’Amélie de Montchalin, chargé « d’élaborer et mettre en œuvre les règles relatives aux finances locales ». C’est donc l’ancien porte-parole du gouvernement Castex qui va avoir la lourde tâche de gérer le dossier brûlant de la suppression annoncée de la CVAE et du retour – ou pas – de la contractualisation État-collectivités, ainsi que de l’exigence annoncée d’un effort de 10 milliards d’euros de la part des collectivités locales pour participer au « redressement des comptes publics ». 

Le décret précise également que Gabriel Attal sera chargé « de la lutte contre la corruption ». Il sera donc à ce titre l’interlocuteur, avec le ministre de la Justice, des associations d’élus, sur le dossier épineux de la définition de la prise illégale d’intérêt, sujet sur lequel Didier Migaud, président de la Haute autorité sur la transparence de la vie publique, a encore répété la semaine dernière que des « clarifications »  étaient nécessaires afin de « sécuriser »  le cadre juridique (lire Maire info du 2 juin). 

Enfance : déception des professionnels

Enfin, le décret relatif aux attributions de Charlotte Caubel, secrétaire d’État chargée de l’Enfance, a également été publié. Il est réduit à sa plus simple expression, puisque le texte se contente de préciser que la secrétaire d’État « connaît, par délégation de la Première ministre, de toutes les affaires dans le domaine de l'enfance que cette dernière lui confie ». Aucune autre précision n’est donnée, en dehors des administrations dont Charlotte Caubel pourra disposer dans sa tâche. 

On le savait déjà, mais cela confirme qu’il n’y aura pas de véritable « ministère de l’Enfance », pourtant réclamé à cor et à cri par les associations et les professionnels. Comme l’a écrit, hier, la Fédération nationale des éducateurs et éducatrices de jeunes enfants (Fneje), dans un communiqué au ton plutôt amer, mais publié avant que paraisse le décret d’attribution de Charlotte Caubel, « l’enfance est saucissonnée entre trois ministères » : l’Éducation nationale pour la question de l’école et du périscolaire, la petite enfance pour le ministère des Solidarités… et le reste à la secrétaire d’État chargée de l’Enfance, dont, finalement, les attributions précises n’ont pas été listées – le terme de « protection de l’enfance », par exemple, ne figure pas dans le décret. La Fneje ajoute d’ailleurs qu’un autre ministère devra intervenir puisque les modes d’accueil collectifs dépendent du ministère de la Santé. 

« Nous avions espoir, écrit la Fneje, que les revendications fortes des collectifs soient enfin entendues : un grand ministère de l’Enfance. Il n’en est rien puisque l’enfance est divisée en quatre ministères. C’est dire à quel point la cause de l’enfance n’est pas une priorité pour le gouvernement. » 

C’est dire aussi, peut-on ajouter, combien sera difficile la tâche des associations d’élus qui devront jongler entre de nombreux interlocuteurs sur cette question, très fortement portée par les communes, de la petite enfance. Et ce, comme le relatait Maire info hier, au moment où des questions cruciales se posent sur ce sujet, qu’il s’agisse de la crise de l’offre d’accueil, de la grave pénurie de personnel, de la négociation de la nouvelle convention d’objectifs et de gestion avec la Cnaf, ou des réflexions sur le service public de la petite enfance. 

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