Maire-info
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Édition du lundi 9 septembre 2024
Gouvernement

Composition du gouvernement, élaboration du budget : la course contre la montre

Après les consultations pour trouver un Premier ministre, vient le temps des consultations pour composer un gouvernement, ce qui devrait prendre au moins plusieurs jours. Pendant ce temps, les travaux débutent à l'Assemblée nationale sur le budget pour 2025. Le temps presse.

Par Franck Lemarc

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© TF1

C’est dès vendredi que le nouveau Premier ministre, Michel Barnier, a commencé à recevoir les différentes forces politiques, et débutant par sa propre famille, les Républicains. Au cours du week-end, il a ensuite reçu les responsables du MoDem et de Horizons – deux groupes proches du président de la République, ainsi que des personnalités du parti présidentiel, notamment la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, et l’ancienne Première ministre Élisabeth Borne, désormais députée du Calvados. Il recevra cet après-midi les députés du groupe indépendant Liot. 

Premières nominations

Entre deux consultations et une visite à l’hôpital Necker, à Paris, Michel Barnier a reçu des journalistes du Journal du dimanche pour recueillir de « premières confidences ». Cette interview ne révèle rien en dehors de grandes généralités (« il faut se retrousser les manches », « il faut que les choses bougent » ).

Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national, a rappelé, lors de son discours de rentrée hier, que Michel Barnier serait « sous la surveillance »  du Rassemblement national. Ce à quoi l’intéressé a répondu qu’il était « sous la surveillance de tous les Français ». 

Rien ne filtre pour l’instant sur la composition du nouveau gouvernement, en dehors des habituelles rumeurs qui seront aussitôt démenties. S’il ne fait pas de doute que le gouvernement comprendra des personnalités LR et macronistes, il reste à savoir s’il s’ouvrira au-delà. C’est le souhait en tout de l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, très proche de Michel Barnier, qui a affirmé ce week-end qu’il y aurait « des gens de gauche »  dans le gouvernement.

Si l’on ne sait rien de la composition du prochain gouvernement, les choix de Michel Barnier pour la composition de son cabinet donnent, en revanche, un certain nombre d’indices sur la couleur qu’il entend donner à sa politique. Le très stratégique poste de directeur de cabinet du Premier ministre a ainsi été confié ce week-end à Jérôme Fournel, énarque et ancien directeur général des finances publiques, qui occupait jusqu’à présent ce poste auprès de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie d’Emmanuel Macron depuis 2020. Si, pour la première fois depuis 2017, le directeur de cabinet du Premier ministre n’a pas été choisi par l’Élysée, cette nomination est la marque d’une volonté de continuité avec la politique menée jusqu’à présent par Emmanuel Macron et ses gouvernements successifs. Elle est aussi, probablement, un assez mauvais signal pour les collectivités territoriales puisque, selon nos confrères de la Gazette des communes, Jérôme Fournel serait un chaud partisan de la manière coercitive – type contrats de Cahors – pour inciter celles-ci à réduire leurs dépenses.

Budget « le plus délicat de la Ve République » 

Pendant que les tractations s’engagent pour composer le gouvernement, les travaux reprennent à l’Assemblée nationale, non en séance publique – sauf convocation d’une session extraordinaire, celle-ci ne reprendra que dans trois semaines – mais en commission. La commission des finances va en effet entendre, aujourd’hui à 17 h 30, les ministres démissionnaires de l’Économie (Bruno Le Maire) et du Budget (Thomas Cazenave), pour une première audition consacrée au budget pour 2025. Audition parfaitement surréaliste dans la mesure où les deux personnalités sont ministres d’un gouvernement dont le Premier ministre ne l’est plus depuis cinq jours, et que, mieux encore, Thomas Cazenave, ministre démissionnaire, sera auditionné par une commission des finances où siège… Cazenave Thomas, député de la Gironde. 

Cette réunion pourrait néanmoins permettre aux députés d’en savoir plus sur le projet de budget élaboré à Bercy durant l’été, dans la mesure où le document officiel qui devait être transmis au Parlement le 15 juillet ne l’a pas été, et que les députés ont dû se contenter d’une laconique note, transmise début septembre à contrecœur par les services du ministère. 

Dans ce contexte, il est de plus en plus improbable de voir le texte définitif du projet de loi de finances déposé, comme l’exige la loi, sur le bureau de l’Assemblée nationale avant le 1er octobre. Dans l’hypothèse (très incertaine) où Michel Barnier achèverait la composition de son gouvernement d’ici la fin de la semaine, soit vers le 15 septembre, il ne resterait donc plus que 15 jours aux nouveaux ministres de l’Économie et du Budget pour y intégrer leur « valeur ajoutée », pour reprendre une expression de Michel Barnier, au projet de budget. 

Il se murmure de plus en plus qu’un délai pourrait être accordé pour aller au-delà de la date du 1er octobre, le secrétariat général du gouvernement ayant indiqué que cela n’a rien d’impossible, ont indiqué les ministres. Cette solution n’est pas inconstitutionnelle, mais elle va tout de même à l’encontre de l’article 39 de la Lolf, qui dispose sans ambigüité que « le projet de loi de finances (…) est déposé et distribué au plus tard le premier mardi d’octobre ». 

Sur le fond, ce projet de loi budgétaire sera « le plus délicat de la Ve République », a affirmé hier le Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, dans un entretien au Parisien dimanche. Il faut « agir de manière rapide et décisive », martèle l’ancien ministre de l’Économie de François Hollande, pour éviter à tout prix que le déficit s’envole et risque de dépasser les 6 % du PIB en 2025, ce qui rendrait le pays « impuissant ». Au passage, Pierre Moscovici, pour la première fois, prend ses distances avec les objectifs fixés par la loi de programmation des finances publiques, qui prévoit un retour aux 3 % en 2027. Cette trajectoire est selon lui « caduque », car elle imposerait des coupes budgétaires de 100 milliards d’euros sur trois ans, ce qui lui paraît « brutal, difficilement faisable politiquement, peu acceptable socialement et économiquement guère cohérent ». 

Il est à noter enfin que Pierre Moscovici se démarque également de Bercy sur la responsabilité des collectivités dans l’explosion du déficit : s’il estime que celles-ci doivent « participer à l’effort collectif », il affirme qu’elles ne sont « pas les premières responsables »  et ne doivent pas constituer « des boucs émissaires faciles » : « Le gros des déficits vient des dépenses sociales et de l’État ». 

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