Éducation, logement, fonction publique : ce qu'il faut retenir de l'intervention d'Emmanuel Macron
Par Lucile Bonnin
Alors que le nouveau chef du gouvernement, Gabriel Attal, a proposé hier à la présidente de l'Assemblée nationale de faire sa déclaration de politique générale à la fin du mois, le 30 janvier prochain, le président de la République, Emmanuel Macron, a donné une conférence de presse hier soir à l’Élysée.
Cet exercice de questions-réponses n’est pas sans rappeler celui auquel s’était prêté Emmanuel Macron le 25 avril 2019, au lendemain de la crise des gilets jaunes. Cette fois-ci, le chef de l’État a décidé de détailler le nouveau cap que va emprunter le nouveau gouvernement partiellement dévoilé il y a quelques jours– alors que l’on attend toujours la nomination des autres ministres délégués et secrétaires d’État qui interviendra sous une dizaine de jours.
« C’est pour faire face aux défis que j’ai voulu nommer un nouveau gouvernement, plus resserré et plus jeune car cette époque de crise suppose audace, action et efficacité » , a déclaré hier le Président dans son propos introductif. Puis, entre annonces inédites et confirmation de certains engagements, Emmanuel Macron a évoqué plusieurs sujets qui concernent directement les collectivités locales, et en particulier les maires.
Éducation
Après les récents propos polémiques de la nouvellement nommée ministre de l’Éducation nationale, Amélie Oudéa-Castéra, sur la scolarisation de ses enfants dans une école privée parisienne, la réforme de l’école a occupé une large partie de la soirée et le chef de l’État a fait des annonces. Ce dernier souhaite « un réarmement civique » qui passera avant tout par l’école. Ainsi, le président a annoncé pour la rentrée prochaine le doublement des heures d’instruction civique en classe dès la cinquième. Le chef de l’État a expliqué également être « totalement favorable à ce qu’on apprenne la Marseillaise au primaire ». Dans chaque collège et lycée, Emmanuel Macron souhaite qu’il y ait une cérémonie de remise des diplômes comme « un rite républicain d’unité, de fierté et de reconnaissance ». Des annonces qui ne soulèvent pas l’enthousiasme des organisations syndicales : pour Guislaine David, porte-parole du SNUipp-FSU, principal syndicat du primaire, ces mesures sont « cosmétiques » et ne répondent pas aux enjeux de l’école.
Le théâtre sera aussi rendu obligatoire au collège dès la rentrée 2024, et le président souhaite que l’histoire de l’art soit enseignée au collège et au lycée.
D’autres annonces seront faites dans les prochaines semaines concernant le rapport que les plus jeunes peuvent entretenir vis-à-vis des écrans : « Sur la base de recommandations que feront des experts que j’ai réunis la semaine dernière, nous déterminerons le bon usage des écrans pour nos enfants dans les familles, à la maison comme en classe ».
Enfin, concernant les enseignants, le chef de l’État a réaffirmé l’idée de proposer une formation dès la première année post-bac et a souligné la nécessité de repenser le système de formation des enseignants pour éviter les absences de courtes durée non remplacées.
Le chef de l’État a également confirmé hier soir vouloir faire du mérite un des critères principaux d’avancement des fonctionnaires, en plus de l’ancienneté. Cette disposition devrait prendre place dans la prochaine réforme de la fonction publique, annoncée en fin d’année dernière par Stanislas Guerini, dont la rumeur indique qu’il serait reconduit au poste de ministre ou ministre délégué à la fonction publique.
Vers deux généralisations
Toujours du côté de l’école, Emmanuel Macron a confirmé qu’une expérimentation du port de l’uniforme serait bel et bien menée dans 100 établissements volontaires dès cette année. Cette « tenue unique », financée en partie par l’État et les collectivités, sera évaluée « méthodiquement avant une éventuelle généralisation en 2026 ». Pour l’instant, aucune instruction n’a été publiée afin de connaître la part qui reviendra aux collectivités, alors que lorsqu’il était ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal avait promis la publication imminente d’une circulaire (lire Maire info du 11 décembre 2023). Sur X (Twitter), l'Elysée a publié la carte des lieux d’expérimentation.
Autre confirmation : le président a indiqué vouloir aller « vers une généralisation du Service national universel » pour tous les élèves de seconde. On ne sait pas pour le moment quelle échéance est envisagée par le gouvernement. Rappelons que le SNU devait être généralisé en 2024, mais un rapport sénatorial remet en cause de projet rapide de généralisation, « dans un contexte où les secteurs de l'hébergement et du recrutement sont en crise » (lire Maire info du 16 mars).
Cette décision de généralisation rapide a été motivée par la lecture politique, que le chef de l’État a pu faire « en lien avec les maires », des émeutes qui sont intervenues l’année dernière dans 500 villes de France – « la moitié étant en Quartier de la politique de la ville (QPV) » . L’ « ennui » de certains jeunes sans école depuis le mois d’avril et sans possibilité de partir en vacances a poussé certains à participer aux émeutes, estime le chef de l’État. « Les écrans ont aussi eu un rôle important », poussant à un « mimétisme qui a conduit à un embrasement » du mouvement. Selon lui, la réponse n’est pas à chercher dans les investissements pour la politique de la ville mais plutôt dans l’aide aux familles, la réorganisation du temps de scolaire et cette généralisation du SNU.
Déserts médicaux
Emmanuel Macron déclare être favorable à la mise en place de « solutions radicales » pour mettre fin aux déserts médicaux. Ce qui ne signifiera pas un feu vert à la mesure très controversée d’obligation d’installation des médecins : interrogé sur ce point, le président a indiqué y être opposé.
« Perte de 6 000 médecins généralistes en 10 ans », « 25 à 30 % de médecins qui ont plus de 60 ans » : « le problème aurait dû être anticipé plus tôt », explique Emmanuel Macron. Désormais, il faut « organiser différemment les choses en dégageant du temps aux médecins » . Il veut encourager la coopération entre la médecine de ville et celle de l’hôpital, « permettre de déléguer comme pendant le covid » , miser sur les maisons de santé et régulariser plus facilement les médecins étrangers (le projet de loi immigration prévoit l'instauration d'une carte de séjour dédiée aux professions médicales).
Pour ce faire, Emmanuel Macron mise sur les « conseils de la refondation territorialisés pour débureaucratiser la santé en mettant les services en soutien des équipes de santé sur les 1200 bassins de vie ».
Simplification et élections
Pour les opérations d’intérêt national, le président veut « réduire les délais et contraindre les procédures ». Conscient qu’il est « très compliqué de simplifier » , il soutient pourtant qu’il n’est « pas impossible de le faire ».
Pour les Jeux olympiques et paralympiques (JOP), malgré la crise du logement (« foncier trop cher, délais trop longs » ), il a été possible en région parisienne de « faire sortir les logements de terre » grâce à une loi d’urgence votée en 2018. C’est sur cet exemple que le président s’est appuyé, demandant au nouveau gouvernement « de mettre fin aux normes inutiles ». « Très souvent, ça paraît impossible de faire. Au fond les gens se demandent plus ‘’qu'est ce qui n'est pas interdit ?’’ que ‘’qu'est-ce que je peux faire pour avancer ?’’. Ça va toucher nos agriculteurs, nos artisans, nos commerçants et nos élus. » Il faut cependant noter que ce type de procédure accélérée ne règle pas la crise du logement puisque, pour le moment, les appartements construits pour le village olympique se vendent difficilement.
Cette simplification devra passer par un texte législatif qui serait en fait « un acte 2 d'une loi pour la croissance, l'activité et les opportunités économiques pour permettre de libérer davantage encore ceux qui font, qui osent, qui innovent et qui travaillent. Produire plus, innover davantage, aller plus vite. »
Cette initiative sera à suivre de près. Si l’intention d’alléger les normes est unanimement attendue par les maires, l’expérience pousse à la prudence : bien des textes produits par le gouvernement ces dernières années ont, sous prétexte de « simplification » et de « réduction des procédures », cherché à faire passer les maires à la trappe et donné tout pouvoir aux préfets pour décider à leur place. Le gouvernement a trop souvent habitué les maires à faire rimer « simplification » avec… « recentralisation ».
Enfin, Emmanuel Macron a plaidé pour que les maires de Paris, Lyon et Marseille soient élus au suffrage universel direct, et donc qu’une réforme soit lancée pour mettre fin au mode de scrutin particulier dont les trois villes bénéficient depuis 1982. Une proposition de loi est déjà dans les tiroirs depuis fin décembre. Il reste à en connaître les contours, et si le chef de l’État entend, ou non, conserver les maires d’arrondissement dans ces trois grandes villes.
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