Généralisation du SNU pour les jeunes : l'empressement du gouvernement inquiète au Sénat
Par Lucile Bonnin
Sa généralisation était prévue pour 2026, puis le gouvernement a décidé d’accélérer le processus. En 2020, Gabriel Attal, alors secrétaire d’État chargé de la Jeunesse, avait annoncé que ce Service national universel (SNU) allait être généralisé – et donc devenir obligatoire – pour les jeunes de 16 ans dès 2024.
Après ces changements de calendrier, le public visé semble aussi avoir évolué. Selon nos confrères de Politis, le gouvernement envisagerait désormais de « généraliser le service national universel (SNU) avec une obligation en temps scolaire pour tous les jeunes en classe de seconde et en première CAP. »
Concomitamment à cette révélation, un texte présenté la semaine dernière en Commission des finances du Sénat par le sénateur de la Creuse Éric Jeansannetas suggère de reporter la généralisation du SNU et de modifier ses modalités.
Pour rappel, le SNU propose aux jeunes – pour l’instant volontaires – un séjour de cohésion d’un mois, au maximum, suivi d’une mission d’intérêt général. L’objectif selon le gouvernement : « transmettre un socle républicain, renforcer la cohésion nationale, développer une culture de l’engagement et accompagner l’insertion sociale et professionnelle. »
Même si les « retours sur la qualité du séjour de cohésion sont positifs » avec 9 jeunes sur 10 satisfaits, la mise en place du SNU, qui n’en est pour l’instant qu’au stade de l'expérimentation, a déjà « révélé des obstacles majeurs » qui vont, selon le sénateur, se dresser « devant le projet de généralisation du service national universel. »
Généralisation sur le temps scolaire
Si rien n’est encore acté, la généralisation du SNU se ferait plutôt sur le temps scolaire. Ce scénario, qui a été présenté au sénateur par les services de la secrétaire d'État chargée de la Jeunesse et du Service national universel, est « plus réaliste » qu’une généralisation hors temps scolaire mais « suppose une articulation entre l’administration du SNU et l’Éducation nationale qui reste à construire. »
Concrètement, le SNU comporte deux phases obligatoires avec le « séjour de cohésion » (deux semaines en centre d’hébergement en dehors du département de résidence du jeune) et une mission d’intérêt général de 84 heures. Une phase facultative est aussi proposée pour 3 mois auprès d’une association ou d’une institution publique.
Éric Jeansannetas pointe cependant que le SNU risque de ne pas pouvoir « se ''fondre'' entièrement dans l’obligation scolaire. En l’état actuel du droit, dès lors qu’un voyage scolaire prévoit une nuitée, il n’est pas obligatoire d’y participer, et étendre l’obligation pourrait constituer une atteinte aux libertés individuelles. Ainsi, il est probable que la généralisation de deux semaines de séjour de cohésion en hébergement collectif, même sur le temps scolaire, suppose au moins d’adopter une loi. »
Encadrement et hébergement
Dans son rapport, le sénateur met en avant deux difficultés majeures à la généralisation du SNU. La première : le besoin en encadrants serait de 15 000 à 50 000 selon le scénario de généralisation choisi. La généralisation du SNU sur le temps scolaire supposerait donc « de recruter et de former des encadrants longtemps à l’avance. Une "filière" du service national universel nécessiterait ainsi plusieurs années pour être opérationnelle, et son coût serait important. Par ailleurs, les membres de l’Éducation nationale et des corps en uniforme, qui représentent pendant l’expérimentation environ 50 % des chefs de centre, ne seraient plus disponibles dans le scénario d’une généralisation sur le temps scolaire. » La mise en place d’une filière de l’’encadrement du séjour de cohésion nécessiterait plusieurs années et son coût serait important.
Deuxième difficulté : le nombre de centres d’hébergement n’est pas suffisant pour accueillir l’ensemble des jeunes et cette généralisation impliquerait une hausse substantielle des moyens dédiés à ces centres. « Alors que l’objectif est de 200 jeunes par centre, les centres capables d’héberger des mineurs disposent de 96 places en moyenne », peut-on lire dans le rapport.
Ainsi, et c’est tout l’objet de ce rapport, le rapporteur préconise le report du projet de généralisation du SNU, sans préciser de délai. Surtout que, selon le rapport, « le coût par an du SNU généralisé serait vraisemblablement supérieur à 2 milliards d’euros » en l’état actuel des choses.
Bémol sur la mission d’intérêt général
Sur le contenu du dispositif, le sénateur propose aussi la suppression de la phase 2 du SNU qu’est « la mission d’intérêt général ».
Sur l’ensemble des jeunes ayant effectué le séjour de cohésion entre 2019 et 2021, on compte 11 200 jeunes ayant validé cette phase 2, « ce qui représente 53,7 % des volontaires. » « Les structures d’accueil peuvent être réticentes à accueillir des jeunes pour des durées inférieures à plusieurs mois » et « il peut être difficile pour des jeunes de trouver une mission d’intérêt général proche de chez eux, en particulier pour ceux qui vivent dans des zones rurales. »
Le sénateur défend aussi qu’un « engagement "obligatoire" est paradoxal ». Le rapporteur veut privilégier la phase 3 du SNU qui est l’engagement volontaire sur plusieurs mois. « Devenir volontaire dans une association ou accomplir un service civique pendant plusieurs mois représente toutefois un investissement en temps conséquent pour les jeunes, qui ont déjà un emploi du temps chargé dans l’enseignement secondaire. Il serait donc nécessaire de valoriser davantage l’accomplissement de la phase d’engagement volontaire sur le temps long via Parcoursup ».
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