Édition du jeudi 4 décembre 2008
Fusion des deux Normandie: le chef de l'Etat plaide pour «un mouvement expérimental et volontaire de fusion», les présidents de régions restent prudents
L'idée de fusionner la Haute et la Basse Normandie a été relancée par le président de la République dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales, mais les présidents PS des deux régions refusent toute «précipitation» dans un dossier qui fait figure de serpent de mer.
Le chef de l'Etat a plaidé jeudi dernier devant le Congrès des maires pour «un mouvement expérimental et volontaire de fusion» des régions qui le souhaiteraient, en prenant l'exemple de la Normandie. «Il y a deux Normandie, on les aime mais en faut-il deux?», avait-il lancé.
Cette déclaration a été accueillie froidement par les deux présidents de région. «C'est le reflet de la panique présidentielle. On amuse les Français sur les institutions et pendant ce temps Sarkozy ne tient pas ses promesses», a déclaré Alain Le Vern, président du conseil régional de la Haute-Normandie depuis dix ans. «Pas de précipitation. Il ne faut pas laisser penser que la réunification peut être faite d'un claquement de doigt. C'est un sujet complexe», a ajouté Laurent Beauvais, aux commandes de la Basse-Normandie depuis le printemps dernier.
Depuis 2004, les deux régions ont multiplié les coopérations dans les domaines des transports et du tourisme notamment mais leurs exécutifs sont restés très prudents sur une éventuelle fusion. Début 2008, un audit commandé par les deux régions a pesé les avantages et les inconvénients d'une réunification mais n'a pas eu de suites immédiates, tout comme le referendum promis avant les élections régionales de 2004.
Les partisans de la fusion estiment que la déclaration du chef de l'Etat permet de débloquer la situation. «Sarkozy, dont chacun sait que je ne suis pas un partisan, lance un signal fort alors que la classe politique normande ne prend pas ses responsabilités», estime Franck Martin, maire PRG de Louviers (Eure).
Cet élu de gauche, qui appartient à l'Association pour la réunification de la Normandie, présidée par le ministre de la Défense Hervé Morin (NC), estime que les six mois qui viennent vont être cruciaux pour concrétiser l'idée. «Il faut conclure par un projet de loi éventuellement accompagné par un référendum local», affirme-t-il.
De son côté Christophe Boutin, professeur de droit constitutionnel à Caen, juge que cette perspective n'est pas irréaliste. «La réunification des Normandie est le regroupement de régions le plus facile à mener. Car il y a une identité commune. Cela peut fournir un bon exemple dans le cadre de la refonte institutionnelle», explique-t-il.
La réunification est, à ses yeux, une idée qui plaît à gauche comme à droite. «A gauche, ce serait l'occasion pour Fabius, président de l'Agglomération de Rouen (...), de se faire une baronnie aussi solide que Ségolène Royal en Poitou-Charentes», avance l'universitaire. Pour la droite, selon lui, «cela pourrait être l'occasion de faire réémerger un leader dans la région avec Philippe Augier, maire UMP de Deauville».
L'économiste bas-normand Jean Lévêque estime, lui, que les conséquences de la division en deux régions sont lourdes pour la Normandie. «La croissance démographique de Caen, c'est la moitié de celle de Rennes. Celle de Rouen c'est un quart. La prudence réputée des Normands, face à la réunification, est une imprudence. Pour peser en Europe, il faut savoir prendre des risques», assure-t-il.
Mais la réunification est en Normandie un serpent de mer qui revient périodiquement à la surface, mais nest jamais parvenu à dépasser le stade du débat.
(avec AFP)
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