Après les catastrophes de l'été, pour la Fncofor, « l'ONF doit être renforcée »
Par Emmanuel Guillemain d'Echon
Pour les communes qui sont impliquées dans la gestion et l’exploitation de leurs forêts, l’été catastrophique qui s’achève, entre sécheresse et mégafeux, prouve à l’évidence qu’il faut rétablir toute la capacité d’agir de l’ONF, fortement affaiblie par les coupes budgétaires des années 2000 et 2010.
« Réduire les moyens de l’ONF alors que leur périmètre d’intervention devrait s’accroître, c’est une mauvaise idée ! Il n’y a pas d’alternative à un établissement public national qui a les compétences techniques, scientifiques et les moyens humains pour gérer ce bazar », s’exclame Dominique Jarlier, président de la Fédération nationale des Communes forestières, qui rassemble 6 000 collectivités, dans un entretien à Maire info.
L’office, qui gère 11 millions d’hectares de forêts publiques, dont 2,9 millions de forêts communales, a perdu en vingt ans 40 % de ses effectifs, passant de 12 800 à environ 8 400 emplois, dont 1 000 postes supprimés sous le dernier quinquennat. Le nouveau contrat d'objectifs et de performances (COP), passé en juillet 2021 avec l’État, prévoit d’acter 500 suppressions supplémentaires sur cinq ans, par le biais de départs en retraite non remplacés ou de départs « naturels ».
Les agents de l’ONF, parmi lesquels la part de fonctionnaires baisse régulièrement au profit de l’embauche de contractuels de droit privé, ont régulièrement manifesté leurs inquiétudes et leur mal-être, alors que plusieurs d’entre eux se sont suicidés ; la nomination d’une nouvelle directrice générale, ce mercredi 14 septembre, vient les renforcer. Le poste était vacant depuis le limogeage, en mars dernier, du précédent directeur, visé par une enquête du ministère de l’Agriculture en raison de son management brutal.
En effet, la nouvelle directrice de l’office, Valérie Metrich-Hecquet, est vue par les syndicats comme une des responsables des récentes coupes sombres dans les effectifs, en tant que secrétaire générale du ministère de l’Agriculture de 2014 à 2018, puis directrice de la DGPE, la direction générale de la performance économique au ministère de l’Agriculture, qui chapeaute la gestion de la forêt.
Concrètement, moins d’agents signifie moins d’entretien de la forêt – et donc de concours à la défense des forêts contre les incendies (DFCI), mais aussi moins de possibilité de gérer correctement plus d’espaces, notamment certaines forêts communales qui tombent parfois en déshérence.
Des forêts communales mal gérées faute d’effectifs
« Il y a 900 000 hectares de forêts publiques communales – du moins, 900 000 hectares identifiés – qui ne relèvent pas du régime forestier car l’ONF nous dit qu’elle n’a pas le temps de s’en occuper et d’établir des documents d’aménagement », explique Dominique Jarlier, également maire de Rochefort-Montagne (63), qui soutient que même en sous-effectif, il faudrait qu’il soit possible de produire des documents d’aménagement « simplifiés ». Ces documents sont des plans de gestion présentant une analyse de la forêt et les programmes des coupes et travaux.
Or, des forêts non gérées peuvent présenter un risque accru d’incendie : en cas de sécheresse prolongée, comme ce fut le cas cet été, les broussailles et la végétation au sol peuvent fournir un combustible idéal et empêcher les pompiers de pénétrer dans la forêt pour combattre les flammes, comme ce fut le cas lors de l’incendie géant de la Teste-de-Buch, en Gironde – même s’il s’agissait là d’une forêt majoritairement privée, mais non entretenue.
« Même à supposer que l’ONF reste en déficit chronique – ce qui n’est pas certain, puisqu’il y a eu un excédent budgétaire de 50 millions d’euros en 2022, à la faveur de l’augmentation des prix du bois - cela ne représente rien par rapport aux coûts des incendies ! Que vont représenter 500 personnes par rapport à ce qui s’est passé en Gironde ? », martèle Dominique Jarlier.
Le Sénat, dans un rapport publié au début du mois d’août sur la lutte contre l’intensification du risque incendie, a d’ailleurs recommandé au gouvernement de revenir sur les coupes dans les effectifs de l’office public, pour « redéployer plus de postes sur l’expertise DFCI hors region méditerranéenne, en étendant le périmètre géographique de la mission d’intérêt general DFCI à l’ensemble du territoire national. »
L’impératif de la maîtrise du foncier forestier
La croissance des friches et des anciennes parcelles viticoles et agricoles abandonnées, souvent en lisière des bourgs, est un autre problème, car leurs propriétaires sont souvent évanouis dans la nature au gré des successions – c’est ce qu’on appelle les biens vacants ou les biens sans maître.
Pour autant, comme la Fncofor l’a démontré lors de ces rencontres, il existe des possibilités pour les élus d’agir, même sans l’ONF. Plusieurs outils ont été présentés, comme le sylvo-pastoralisme, avec la constitution d’association foncières pastorales libres, en partenariat avec le département du Lot – ce système permet d’associer les différents petits propriétaires avec des associations d’éleveurs (essentiellement de moutons) qui vont faire pâturer leurs troupeaux dans la forêt, réduisant ainsi le risque d’embroussaillement.
La maîtrise du foncier forestier est également une des clés du problème pour réduire les risques liés au morcellement des parcelles ; l’union régionale des communes forestières de Nouvelle-Aquitaine a ainsi produit un guide complet de gestion du foncier forestier et agricole, qui donne les clés pour résoudre le problème des biens sans maître, et pour échanger des parcelles avec des propriétaires privés afin de rassembler les propriétés communales en un seul tenant, plus facile à gérer.
Sans compter que la gestion des forêts, en plus d’apporter des revenus aux communes grâce à l’exploitation du bois, représente un atout certain dans la lutte contre le changement climatique, que ce soit par le stockage de carbone ou par l’utilisation du bois comme énergie pour alimenter des réseaux de chaleur, comme l’a montré l’exemple du SYDED, syndicat départemental du Lot qui gère l’eau, les déchets et l’énergie avec un réseau de chaleur alimentant 1400 abonnés, dont des bâtiments publics et logements sociaux.
Télécharger le Guide pratique à destination des élus municipaux de la Fncofor.
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