L'accès au portail de formation « Mon compte élu » rendu brutalement plus compliqué
Par Franck Lemarc
Le portail « Mon compte élu » est ouvert depuis début 2022. Il a été ouvert pour permettre aux élus locaux de mobiliser facilement leurs droits à la formation acquis dans le cadre du Dife (droit à la formation des élus). Ce portail dédié aux élus dépend du site moncompteformation.gouv.fr, accessible, lui, à toute la population.
Ce portail certes très pratique – à condition d’être à l’aise avec internet, ce qui n’est pas le cas de tous les élus – permet à ces derniers de consulter le solde de leur compte formation, d’accéder au catalogue de formations proposées et d’acheter une prestation de formation, « tout en suivant facilement l’évolution du dossier, de la demande d’inscription jusqu’à l’évaluation de la formation » , précisait au moment de la création du portail le ministère de la Cohésion des territoires, avec la promesse d’un « parcours fluide ».
Mais ça, c’était avant. Encore que les milliers de femmes élues qui n’avaient pas accès à la plateforme car rien n’avait été fait pour distinguer, dans leur identité, le nom de naissance et le nom marital n’ont connu aucune « fluidité » mais plutôt des blocages.
Mais ceux-ci vont s’amplifier pour tous les élus avec la décision du gouvernement, il y a quelques jours, de davantage « sécuriser » le dispositif en obligeant les usagers à utiliser l’identification numérique France Connect+. Si l’on se connecte ce matin sur le portail, on voit effectivement apparaître un bandeau : « Votre parcours d’achat s'est davantage sécurisé avec FranceConnect+. Désormais, votre identité numérique La Poste vous permet de réaliser vos achats de formation. Créez-là dès maintenant pour faire vos démarches. »
Procédure compliquée
« L’identité numérique La Poste » est un dispositif de sécurité renforcé permettant d’accéder à un certain nombre de sites du service public. Une fois créée son identité numérique, l’usager peut effectuer bon nombre de démarches sans avoir à présenter de papiers d’identité, puisque ceux-ci ont déjà été enregistrés et vérifiés lors de la création de l’identité numérique.
Certes, le système est assez pratique, une fois que l’identité numérique a été créée. Mais hélas, la procédure n’est pas vraiment simple. Elle suppose, d’abord, de posséder – obligatoirement – un smartphone, ce qui n’est pas forcément le cas de tous les élus. Ensuite… il faut encore que tout fonctionne. La première partie de la procédure est facile, il suffit de rentrer ses informations d’état civil dans l’application La poste numérique, puis de rentrer les références de sa pièce d’identité (CNI ou passeport). Mais c’est là que les choses se corsent : il faut évidemment qu’une vérification soit effectuée, pour valider que la personne qui fait la démarche est bien la même que celle qui figure sur le document d’identité.
Pour cela, deux possibilités : la première est la vérification en ligne. L’usager reçoit un « courrier recommandé électronique » , qui donnera lieu à une « identification visuelle à distance » , on suppose par le biais de la caméra de son smartphone. On le suppose, seulement, car l’auteur de ces lignes, situé à Paris et non dans une zone blanche, a tenté la manœuvre, pour se voir notifier au moment de procéder à cette étape une mystérieuse « erreur inconnue » bloquant totalement l’application (et l’obligeant à redémarrer son smartphone).
Reste la deuxième solution : se rendre dans un bureau de poste pour faire vérifier son identité par un agent… à condition de disposer d’un bureau de poste ouvert dans sa commune. Si ce n’est pas le cas, l’usager n’a plus qu’une solution : guetter le facteur, lui aussi habilité à procéder à la vérification. Mais on conviendra que les élus ont souvent autre chose à faire que de bloquer leur emploi du temps pour être sûrs de ne pas rater le passage d’un facteur.
« Mise devant le fait accompli »
On comprend donc le coup de colère de l’AMF, qu’elle a exprimé dans un communiqué publié hier. D’autant plus que la méthode du gouvernement a de quoi étonner : l’AMF a été informée le 19 octobre que le nouveau système serait mis en place… le 25, soit trois jours ouvrés plus tard ! Estimant que ce délai n’était « pas acceptable », l’AMF a saisi les ministères concernés, qui ont accepté un report et le principe d’une concertation préalable. Sauf que lundi 24 octobre, « un nouvel arbitrage » est intervenu, et la date du 25 a été confirmée.
Tout en ne niant pas qu’il est indispensable de sécuriser au mieux ces dispositifs, l’AMF est choquée « de la mise devant le fait accompli » des élus : « La gestion précipitée et sans préavis du calendrier de mise en œuvre du nouveau dispositif de sécurité informatique va décourager le recours au droit individuel à la formation des élus » , affirme l’association. L’obligation de passer par un portail en ligne pour accéder à une formation était déjà une contrainte « qui a exclu beaucoup d’élus du bénéfice de la formation » , rappelle l’association. La nouvelle procédure va conduire à « un nouveau recul de la demande de formations ».
L’AMF demande donc, à tout le moins, « la mise en œuvre immédiate d’un service d’assistance téléphonique afin d’aider les élus à s’approprier les nouvelles règles d’accès à leur DIFE et un accompagnement personnalisé pour les élus ayant déjà programmé une formation en novembre et décembre 2022 ».
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
ZFE : les dérogations seront à la main des élus, promet le gouvernement
Chasse : le gouvernement veut créer un délit d'alcoolémie