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Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du lundi 29 avril 2024
Formation

Financement des apprentis dans les collectivités territoriales : ce qui devait arriver, arriva

Le CNFPT comme l'AMF en avaient prévenu le gouvernement : le désengagement de l'État de l'accord passé avec le CNFPT sur le financement de l'apprentissage allait tôt ou tard conduire celui-ci à ne plus pouvoir faire face à l'afflux de demande. C'est bien le cas aujourd'hui. 

Par Franck Lemarc

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C’est par un communiqué diffusé par le nouveau président du CNFPT (Centre national de la fonction publique territoriale), Yohann Nédélec, que l’on a appris vendredi 26 avril que le CNFPT ne pourrait assumer que moins de la moitié des contrats d’apprentissage demandés par les collectivités : alors que celles-ci prévoient d’embaucher quelque 21 000 apprentis en 2024, le Centre ne pourra en financer que 9 000, et se voit contraint d’imposer des conditions aux collectivités. 

Un accord et un revirement

Pour comprendre la situation, il faut revenir un peu en arrière, pour rappeler l’évolution des modes de financement de l’apprentissage dans la fonction publique territoriale – évolution marquée par un revirement brutal du gouvernement. 

Tout a commencé avec la loi Pénicaud de 2018 qui a privé les régions de la taxe d’apprentissage, et a conduit à ce que, depuis le 1er janvier 2020, le CNFPT devait payer 50 % des frais de formation des apprentis, sans moyens supplémentaires. Les associations d’élus et le CNFPT n’ont cessé de rappeler, à cette époque, que l’État finançait pourtant généreusement l’embauche d’apprentis dans le privé, et que ce manque d’équité était inacceptable. 

Après d’âpres négociations, un accord a été trouvé en octobre 2021 entre l’État, les associations d’élus et le CNFPT, inaugurant, selon les mots des ministres d’alors, « un nouveau mode de financement pérenne » , alors que la formation des apprentis était chiffrée à 80 millions d’euros par an, sur la base de 14 000 contrats. D’une part, les employeurs territoriaux acceptaient de payer une nouvelle cotisation spéciale de 0,1 % de la masse salariale, destinée à être reversée au CNFPT pour financer la formation des apprentis. Cette nouvelle cotisation apportant quelque 40 millions d’euros par an. 

Restait donc 40 millions d’euros à trouver. L’État acceptait, dans l’accord signé, d’en verser 15, et l’opérateur France compétences 15 autres – soit 30 millions d’euros en tout. Il restait un delta de 10 millions d’euros, que le CNFPT lui-même acceptait de financer sur ses fonds propres. 

Cet accord avait été jugé « satisfaisant pour tout le monde »  par l’ancien président du CNFPT, François Deluga. 

Mais cette belle unanimité n’a pas duré longtemps. Un an à peine après la signature de l’accord, le gouvernement décidait, seul, de changer d’avis, et introduisait dans la loi de finances pour 2023 une modification du dispositif : la contribution de l’État au dispositif, jusque-là obligatoire, devenait facultative, et le gouvernement annonçait que cette contribution, tout comme celle de France compétences, allait « s’éteindre progressivement d’ici fin 2025 au plus tard, compensée par une prise en charge croissante par les collectivités territoriales et le CNFPT ». 

Ce revirement, alors qualifié de « scandale absolu »  par François Deluga, a été confirmé en mars 2023, avec, en plus, l’annonce d’une diminution d’un tiers des financements de France compétences dès 2024.

Retour à la case départ

Le problème est qu’entretemps, la demande d’apprentis ne s’est pas tarie du côté des collectivités locales – bien au contraire. Comme le souhaitait le gouvernement, les collectivités ont massivement augmenté leur recours à l’apprentissage, avec un chiffre record, en 2023, de 18 000 contrats, déjà au-delà des 14 000 prévus dans l’accord de 2021. 

En 2024, la demande va encore largement augmenter, selon le CNFPT qui s’est livré à un recensement des « intentions de recrutement » : selon cette enquête, le nombre d’apprentis recrutés cette année pourrait grimper à 21 000 ! Alors que le CNFPT, via les recettes de la cotisation apprentissage, n’a les moyens que d’en financier 9 000. 

Conséquence : le CNFPT s’est vu contraint de fixer – en accord avec les employeurs territoriaux – des conditions « afin de contenir les contrats pris en charge par le CNFPT dans la limite du budget le permettant » . Le Centre ne financera que les contrats des collectivités ayant participé au recensement, seulement si l’apprenti exerce un métier en tension, et en pondérant le nombre de contrats à l’effectif de la collectivité. 

On peut imaginer à quel point la situation deviendra encore plus tendue en 2025 et 2026, lorsque les financements de l’État et de France compétences vont « s’éteindre ». C’est donc un retour à la case départ, avant l’accord de 2021, qui se profile, à ceci près que les collectivités, elles, payent toujours la taxe de 0,1 %, qui a été inscrite dans le Code général des collectivités territoriales. 

Le CNFPT demande donc, comme il le faisait en 2020, que soit « impérativement déterminé un dispositif pérenne de financement de l’apprentissage dans les collectivités, au regard de la réalité des flux des apprentis et des dépenses réellement supportées » . Afin que les collectivités ne soient pas « le parent pauvre de la politique gouvernementale de promotion de l’apprentissage ». 

Rappelons en effet, pour mémoire, que le gouvernement verse en revanche toujours 6 000 euros d’aide par contrat aux entreprises privées qui recrutent un apprenti. En revanche, il se prépare à supprimer l’aide – d’un même montant – qu’il versait pour l’embauche de salarié en contrats de professionnalisation de moins de 30 ans. Cette suppression devrait être effective dès cette semaine. 

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