Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 14 octobre 2021
Fonction publique territoriale

Forfait télétravail dans la fonction publique territoriale : le grand flou

Le montant du forfait télétravail est-il forcément de 2,50 euros par jour dans la fonction publique territoriale, ou peut-il être fixé librement par les collectivités ? De nombreux élus se posent aujourd'hui la question et font face aux réponses contradictoires de l'État. Explications. 

Par Franck Lemarc

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Depuis le 1er septembre dernier, les agents de la fonction publique peuvent bénéficier d’un « forfait télétravail », comme l’a prévu l’accord cadre du 13 juillet 2021 « relatif au télétravail dans les trois versants de la fonction publique »  (lire Maire info du 13 juillet). 

Cet accord dispose que dans la fonction publique de l’État et dans l’hospitalière, un forfait journalier est versé aux agents. Pour ce qui concerne les collectivités, l’accord est clair : « S’agissant de la fonction publique territoriale, la mise en œuvre de l’indemnisation s’inscrit dans le cadre du principe de libre administration des collectivités territoriales. » 

Un montant fixe pour les trois versants ?

À la suite de cet accord, un décret a été pris le 26 août pour l’application du forfait télétravail. Sur la mise en œuvre du forfait lui-même, la rédaction de l’article 1 du décret ne souffre pas d’ambiguïté : le forfait n’est obligatoire que dans la fonction publique de l’État et l’hospitalière. En revanche, « peuvent également bénéficier du forfait télétravail »  les agents de la fonction publique territoriale, « après délibération de l'organe délibérant de la collectivité territoriale, de son groupement ou de son établissement public ». Tout est dans le verbe « peuvent » : ce forfait n’est pas obligatoire, et relève de la libre administration des collectivités territoriales. 

Sur le montant du forfait en revanche, les choses sont bien moins évidentes : le décret dispose, à l’article 4, que le montant du forfait et son plafond annuel sont fixés par arrêté ministériel pour toute la fonction publique. Publié le même jour, l’arrêté fixe ce montant à 2,50 euros par jour et le plafond annuel à 220 euros. Ici, ni le décret ni l’arrêté ne font une différence entre les versants de la fonction publique : l’arrêté évoque « les agents publics », en général, ce qui signifie qu’il englobe les agents de la FPT. 

Si l’on s’en tient donc aux textes réglementaires, le principe du forfait est laissé au libre choix des communes ou des EPCI, mais son montant est imposé. Ce qui, d’une part, est contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales ; mais aussi, d’autre part, contraire à l’esprit de l’accord-cadre du 13 juillet. Murielle Fabre, maire de Lampertheim, qui représentait l’AMF au moment de la signature de l’accord cadre, l’a bien compris ainsi : pour elle, comme elle le confirme ce matin à Maire info, l’esprit de cet accord, conformément aux souhaits des employeurs territoriaux, était « de laisser les collectivités libres de fixer le montant et le plafond du forfait ». 

Injonctions contradictoires

Surpris par cette contradiction entre l’accord cadre et le décret, un certain nombre d’élus ont saisi les préfectures pour en savoir plus. Certaines préfectures, dans des réponses que Maire info a pu consulter, ont indiqué aux élus qu’ils étaient bien « libres »  de fixer le montant des indemnités et le plafond annuel, l’une d’entre elles expliquant même que les collectivités pourraient même instaurer un plafond semestriel ou trimestriel si elles le souhaitent. 

Sauf que la DGCL (Direction générale des collectivités locales) ne l’entend pas de cette oreille et fait une lecture très stricte du décret du 26 août. Saisie par l’AMF sur cette question, elle affirme que le montant de 2,5 euros par jour « est commun à l’ensemble de la fonction publique et ne peut être modulé par l’organe délibérant ». En revanche, la DGCL estime que le montant plafond (220 euros par an) peut être modulé par délibération, mais uniquement à la baisse : « À titre d’exemple, une collectivité territoriale peut délibérer pour instituer un forfait télétravail d'un montant de 2,50 euros par journée de télétravail effectuée dans la limite de 150 euros par an ». 

Il y a donc clairement une contradiction entre la lettre et l’esprit de l’accord cadre, d’une part, et le décret du 26 août, de l’autre. Murielle Fabre se dit d'ailleurs « surprise de l'interprétation de la DGCL » 

Un certain nombre de préfectures et la DGCL semblant ne pas avoir la même lecture de ces textes, la situation est assez confuse pour les élus. Pour Murielle Fabre, « un rescrit [prise de position formelle de l'administration] ou une circulaire ministérielle seraient bienvenus sur cette question ». A moins peut-être qu’un juge adminisitratif soit amené à statuer sur cette question, et que la jurisprudence apporte une réponse claire sur la possibilité, ou non, pour les collectivités, de fixer elles-mêmes le montant du forfait télétravail si elles l’ont institué. 

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