La Cour des comptes alerte sur la fragilité des finances allouées à la gestion des forêts publiques
Par Lucile Bonnin
1,7 million d’hectares de forêts domaniales et 2,9 millions d’hectares appartenant à d’autres propriétaires forestiers publics, notamment des collectivités territoriales : voilà le nombre d’hectares pour lesquels l’Office national des forêts (ONF) est chargé de la gestion durable de ces forêts publiques.
Au total, l’ONF gère « 25 % de la surface forestière de métropole et met sur le marché 40 % des volumes de bois produits en France, ce qui en fait un acteur majeur de la filière forêt-bois ». L’établissement est doté d’un budget de plus de 900 millions d’euros et « d’un effectif de 8 043 agents fin 2023 ».
Un rapport de la Cour des comptes publié jeudi dernier met en perspective le défi de la transition écologique et le fonctionnement de l’ONF. La priorité selon les magistrats : prioriser certains « objectifs assignés à l’établissement dans son futur contrat d’objectifs » et adapter « ses moyens humains et financiers ».
« Des forêts publiques fragiles »
Première constatation : « Les besoins en travaux de reconstitution des forêts sinistrées par les dépérissements induits par le changement climatique sont massifs et croissants. » L’effort de reboisement est donc de plus en plus important. Au total, « 25 000 hectares de forêts domaniales et autant de forêt des collectivités ont été détruits entre 2018 et 2021 ».
De l’autre côté, « la baisse de la production biologique des forêts réduit la ressource en bois mobilisable pour les propriétaires forestiers et complique la planification des récoltes ». Concrètement, « les volumes de bois désignés et proposés à la vente par l’ONF ont ainsi globalement diminué de 19 % en forêt domaniale et de 4 % dans les autres forêts publiques en sept ans ».
Pour la Cour des comptes, « ces tendances appellent à une évolution de la gestion forestière ainsi qu’à une restauration de l’équilibre forêt-gibier dans les massifs les plus exposés ». SI certains efforts ont été menés ces dernières années, le rapport dénonce une prise en compte des capacités de stockage et d’émission de carbone par les forêts dans la gestion forestière mise en œuvre par l’ONF encore « balbutiante, faute notamment de connaissances scientifiques suffisantes et, par conséquent, d’outils opérationnels à la disposition des forestiers. »
« Modèle économique à repenser »
En partant du principe que le modèle historique, voulant que « le bois paie la forêt », ne puisse plus tenir à l’avenir, les magistrats insistent sur la nécessité de repenser le modèle économique de l’ONF. D’un côté, « l’État, en sa qualité de propriétaire des forêts domaniales, pourrait devoir renforcer son soutien à l’ONF pour lui permettre d’assurer le renouvellement de ces massifs conformément au principe pluriséculaire de gestion durable qui s’y applique ». De l’autre, pour le renouvellement des autres forêts publiques, l’effort financier est « estimé à 120 millions d’euros par an, à la charge de leurs propriétaires, avec l’appui de l’État dans le cadre de France 2030. »
La Cour des comptes estime que les capacités financières actuelles de l’ONF ne lui permettront pas de répondre « seul aux enjeux de la transition écologique, notamment ceux liés au changement climatique. À défaut de nouvelles sources de financement (paiements des services environnementaux par exemple) et compte tenu du statu quo actuel sur la contribution des collectivités au financement du régime forestier, l’ONF restera tributaire des subventions de l’État pour poursuivre sa mission de gestion durable des forêts publiques », sans compter la dégradation des finances publiques actuelle.
La Cour recommande donc de préciser les critères d’application du régime forestier et d’en évaluer les conséquences financières ainsi que de définir clairement, « dans le prochain contrat pluriannuel entre l’État et l’office national des forêts, des objectifs hiérarchisés et préciser les moyens associés ».
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