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Édition du lundi 12 septembre 2022
Ruralité

Fonds pour l'électrification rurale : la Cour des comptes souhaite une « refondation globale » du Facé

« Effets mal évalués », « gestion défaillante », critères inadaptés et budget à ajuster. Très critiques, les magistrats financiers de la rue Cambon font plusieurs propositions pour refondre ce dispositif qui apporte un soutien financier à certains investissements réalisés dans le réseau public de distribution d'électricité des communes rurales.

Par A.W.

La réforme du Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale (Facé), initiée en 2020, n’est « pas parvenue à moderniser cet outil qui peine […] à répondre aux défis actuels et futurs du réseau de distribution d’électricité », notamment celui de la transition énergétique. Si la Cour des comptes confirme que le Facé constitue une réponse à la fragilité spécifique des réseaux en milieu rural, elle critique sévèrement, dans un rapport publié la semaine dernière, un dispositif qui devrait subir, à ses yeux, une « refondation globale ».

Difficultés de pilotage

Celle-ci constate ainsi que de « nombreuses anomalies »  apparaissent dans la gestion des aides, ce qui remet « en cause la capacité du Facé à atteindre réellement ses objectifs, notamment de péréquation », et révèle les « difficultés de pilotage »  de la part de l’État.

La répartition des dotations s’appuie ainsi sur des données qui ne sont « pas fiables »  avec des « erreurs manifestes »  conduisant à « des répartitions incohérentes des droits à subvention », selon les magistrats. Ces derniers jugent également que l’estimation des clients mal alimentés en électricité repose sur « un modèle statistique contesté […] qui ne garantit pas une représentation fidèle des insuffisances du réseau »  et proposent plutôt d’exploiter les données issues des « compteurs communicants ». Sans compter que la coordination des programmations de travaux entre acteurs reste « très insuffisante », « les priorités pouvant notamment diverger entre la politique industrielle d’Enedis et les préoccupations d’aménagement du territoire des autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE) ». 

Surtout, la Cour pointe le manque de données visant à mesurer les effets de ce dispositif. Selon elle, « aucune donnée fiable n’est disponible ou recueillie quant à l’impact du Facé sur la qualité de l’électricité ou la réalité de la péréquation attendue ». Et « si la réduction des inégalités entre territoires est présentée comme un objectif, elle n’est pas démontrée », assure la Cour qui rappelle que « les dotations individuelles sont restées relativement stables de 2015 à 2020, suggérant une faible modification des situations observées ».

Critères d’éligibilité inadaptés

En outre, la Cour des comptes juge que les principes fondamentaux du Facé sont à « reconsidérer »  puisque des « difficultés non résolues »  continuent de les affecter, malgré les dernières réformes du régime de l’électrification rurale, notamment celle mise en œuvre dans le décret du 10 décembre 2020. 

C’est ainsi le cas pour ce qui est de la délimitation des zones et de l’éligibilité au dispositif. Au 1er janvier 2020, expliquent les magistrats, « 18 % des communes étaient en situation de dérogation, soulignant le fait que les critères d’éligibilité au dispositif sont inadaptés »  et ne « correspondent ni à la définition de la ruralité retenue depuis 2021 par l’Insee, ni aux caractéristiques techniques du réseau, ni aux inégalités de la qualité de la distribution d’électricité ». Pour pallier le problème, ceux-ci défendent la mise en place d’un « critère de densité », qui serait « plus cohérent »  que ceux retenus et fondés sur le nombre d’habitants des communes et des aires urbaines auxquelles elles appartiennent. « La redéfinition des critères d’éligibilité paraît donc inéluctable à brève échéance », assurent-ils.

De même, la définition des investissements prioritaires à soutenir reste « trop large », selon la Cour qui présage qu’une « forte pression pourrait s’exercer »  sur les nouveaux sous-programmes (« transition énergétique et solutions innovantes » ) du fait des « importants besoins d’investissement dans la transition énergétique ». « Les analyses des besoins futurs du réseau de distribution d’électricité soulignent la nécessité d’assurer son renforcement, du fait de l’introduction massive de production d’électricité renouvelable, et sa sécurisation pour l’adapter au réchauffement climatique et aux aléas exceptionnels de plus en plus nombreux », explique-t-elle.

Elle recommande donc de réserver les aides des nouveaux sous-programmes « transition énergétique et solutions innovantes »  du Facé aux « projets non couverts par d’autres programmes ou mesures de soutien public ».

Budget insuffisant

Par ailleurs, celle-ci pointe le fait qu’« aucun critère ne permet d’apprécier le niveau réel des besoins d’investissement des communes relevant du périmètre du Facé et donc de déterminer si l’enveloppe de 360 millions d’euros [répartie entre les AODE, sur les 377 millions d’euros alloués] est suffisante et adaptée ». D’autant que « la capacité du Facé à soutenir des travaux s’érode par ailleurs depuis 2012 au rythme de l’inflation des coûts des travaux électriques puisque les enveloppes sont restées stables ».

L’enveloppe destinée au Facé risque d’être d’autant plus « insuffisante »  que le réseau public de distribution d’électricité pourrait accueillir, en 2050, « entre 20 et 50 % de la production d’électricité, pour à peine 12,5 % en 2020 ». Comme le rappellent les magistrats financiers, « Enedis et RTE estiment les investissements nécessaires pour assurer cette transition d’ici à 2050 entre 2 et 4 milliards d’euros par an, qui s’ajouteraient aux 2 milliards d’euros annuels d’investissements de renouvellement et de modernisation du réseau ».

Dans ce contexte, la Cour des comptes préconise de redéfinir « en concertation avec les AODE et les gestionnaires de réseau », les critères d’éligibilité des communes aux aides du Facé et d’ajuster l’enveloppe qui lui est allouée. L’institution a donc fait évoluer sa position puisque, dans son rapport annuel 2018, elle estimait que ce dispositif était « correctement doté »  avec ses 377 millions d’euros annuels, assurant que « le Facé pourrait, à enveloppe totale constante, soutenir davantage les investissements favorisant la transition énergétique dans les territoires ruraux ».

Dans sa réponse à la Cour, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), qui représente les AODE, confirme le fait que « les gouvernements successifs ne semblent pas s'être préoccupés de l'adéquation de l'enveloppe financière annuelle actuellement allouée au CAS-Facé en regard de besoins de financement qui croissent rapidement en raison de la transition énergétique et du développement important des dispositifs de production d'électricité renouvelable ». Et celle-ci d’ajouter que, « si le critère de ruralité permettant de déterminer l'éligibilité des communes aux aides du CAS-Facé est revu dans le sens des préconisations de la Cour (que partage la FNCCR), le nombre de communes éligibles augmentera de manière significative ».

S’éloignant de l’analyse de la Cour, la FNCCR se dit, notamment, « très réservée »  sur « l'existence alléguée d'un déséquilibre initial du compte d'affectation spéciale qu'il serait nécessaire d'apurer ».

Pour mémoire, les aides du Facé ont participé entre 2015 et 2020 au financement de 9 % du total des investissements réalisés sur l’ensemble du réseau de distribution d’électricité, soit 2,2 milliards d’euros sur un total de 23,6 milliards d’euros. En zone rurale, le Facé apporte son financement à la majorité des opérations réalisées sous maîtrise d’ouvrage des AODE (environ 62 %). 

Au 1er janvier 2020, 25 641 communes relevaient de l’électrification rurale, représentant 73,4 % des communes, 24,9 % de la population, 25,6 % de la consommation électrique du réseau de distribution et 49,4 % des longueurs de réseau basse tension au périmètre d’Enedis. 

Télécharger le rapport.


 

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