Maire-info
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Édition du mercredi 23 septembre 2020
Fonction publique

Recrutement, rémunération, chômage... : les préconisations de la Cour des comptes pour les contractuels

Dans l’hypothèse où le nombre de contractuels viendrait à doubler en dix ans, les fonctionnaires titulaires resteront « pour longtemps encore majoritaires dans les trois versants »  de la fonction publique. C’est ce que prévoit la Cour des comptes, dans un rapport publié hier sur le sujet, dans lequel elle fait cinq recommandations les concernant : favoriser le recrutement sur titre, mieux négocier les rémunérations grâce à des référentiels, mettre en place des cadres de gestion proches des conventions collectives, envisager l’affiliation obligatoire des employeurs publics à l'assurance chômage ou encore améliorer les conditions du dialogue social pour mieux associer les contractuels.
Si « plus d'un million »  d'agents contractuels civils travaillent aujourd'hui dans la fonction publique, soit près d’un poste sur cinq (18,4 %), observe l’institution, leur proportion reste bien moindre que dans le reste de l’Europe où l’on dénombre 47 % de contractuels dans la fonction publique espagnole, 60 % en Allemagne, 85 % en Italie et jusqu’à 92 % au Royaume-Uni.

Augmentation tendancielle
Les magistrats observent, toutefois, une « augmentation tendancielle »  de leur nombre dans les trois versants dans la fonction publique qui traduirait, selon eux, « des difficultés d’adaptation du service public ». 
Ces contractuels occupent des emplois bien précis. Si dans les fonctions publiques de l’État (FPE) et hospitalière (FPH), ils sont d’abord recrutés pour des missions d’enseignement et de recherche, pour les premiers, ou appartiennent essentiellement aux « filières soignante et technique-ouvrière », pour les deuxièmes, dans la fonction publique territoriale (FPT) ceux-ci évoluent le plus souvent dans la filière technique. En outre, les femmes sont, sans surprise, surreprésentées (67,5 % des agents contractuels civils) tandis que les agents contractuels occupant des emplois de direction sont « rares »  (environ 11 %).
Reste que, de 2010 à 2017, le nombre de ces agents a crû trois fois « plus vite »  (15,8 %) que celui de l’ensemble des agents publics (5,9 %), notent les magistrats en précisant, par ailleurs, que leur enquête, s’étant terminée en décembre 2019, n’a pas pris en compte les « impacts éventuels »  de la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19. 

Besoins inévitables et dysfonctionnements
Selon eux, cette croissance du nombre des agents contractuels s’explique par des « besoins qui ne peuvent pas être satisfaits par des agents titulaires ». Leur embauche permet ainsi de compenser les absences pour congé, de faire face aux pointes saisonnières d’activité ou de pallier l’impossibilité de trouver les compétences requises dans les corps ou cadres d’emploi de fonctionnaires existants.
En parallèle de ces besoins « inévitables », une autre partie des recrutements de contractuels résulterait de « dysfonctionnements ». L'embauche de contractuels résulte souvent en France de « la rigidité des procédures d'affectation et de mobilité des fonctionnaires, qui laissent de nombreux postes vacants, comme c'est le cas dans l'Education nationale »  où ils sont très présents, note la Cour. Ainsi, pour l’essentiel, ceux-ci concernent des embauches destinées à « compenser les désajustements géographiques liés aux affectations et aux mobilités », à « contourner certaines formalités imposées au recrutement de fonctionnaires titulaires »  ou encore dans le cas « des secteurs où les rémunérations sont déconnectées du marché de l’emploi ». Ces recrutements - dits « palliatifs », selon la Cour - pourraient « probablement »  être évités si « la gestion des fonctionnaires titulaires était améliorée ». 

Rémunérations et conventions collectives
Concernant les pratiques de recrutement des agents contractuels, leur convergence ferait « courir le risque d’une rigidification de (leur) gestion », estiment les magistrats.
Ils pointent, d’abord, les pratiques des employeurs publics qui mettent en place des procédures de recrutement destinées à assurer l’égalité de traitement et l’absence de discrimination. Si ces  précautions sont « justifiées », elle conduiraient néanmoins à « allonger la durée et à rigidifier les conditions de  recrutement des agents contractuels », constatent ces derniers, regrettant que « des solutions souples et innovantes par rapport aux méthodes de recrutement des agents titulaires (soient) rarement mises en œuvre ».
De plus, à emploi et âge comparable, les contractuels sont « globalement »  moins bien rémunérés que leurs collègues titulaires, et en particulier ceux qui sont peu qualifiés. A l’inverse, les métiers en tension (qui correspondent souvent à des emplois très qualifiés) font exception, comme ceux du numérique, pour lesquels les rémunérations sont souvent supérieures, si ce n’est « exorbitantes », aux yeux des magistrats financiers. D’où l’intérêt d’élaborer des référentiels de rémunération par métier et par région.
Afin de « préserver la flexibilité propre au régime des personnels contractuels »  et de préserver l’intérêt de la réforme issue de la loi de transformation de la fonction publique - promulguée l’an passé et visant à y élargir les possibilités d’emploi d’agents contractuels - , la Cour recommande aussi, « pour les métiers qui s’y prêtent », « la négociation collective de cadres de gestion propres aux agents contractuels, à l’image des conventions collectives du secteur privé ». 

Cotisations retraite et chômage
La Cour constate également les différences importantes des coûts de cotisations entre les régimes de retraite des agents titulaires et des contractuels qui rendent, de fait, « moins coûteux le recrutement »  de ces derniers et pourraient ainsi « introduire une distorsion dans les choix de recrutement ».
De la même manière, elle juge que « les modalités de prise en charge du risque chômage des employeurs publics ne sont pas toujours adaptées à une situation dans laquelle le nombre d’agents contractuels occupant des emplois permanents est important ». Ainsi, pour les employeurs publics restés en auto-assurance, « il peut être difficile de pratiquer les ruptures conventionnelles de contrat de travail, de même que les licenciements classiques, car ils restent redevables de l’indemnisation de l’agent dans le cas où ce dernier ne retrouverait pas d’emploi ». Or, la  loi de transformation de la fonction publique est censée permettre une utilisation plus large des ruptures conventionnelles. La Cour propose donc d’envisager, pour les contractuels, l’adhésion obligatoire des employeurs publics au régime d’assurance chômage.

A.W.

Consulter le rapport.

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