Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 7 mai 2018
Fonction publique

Projet de loi sur les carrières professionnelles : un texte rejeté par les élus et critiqué par le Conseil d'État

Le Conseil d’État vient de rendre public son avis sur le projet de loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel », essentiellement consacré à la réforme de la formation professionnelle, mais qui contient également des mesures sur les fonctionnaires. Cet avis du Conseil d’État, pour le moins peu enthousiaste, fait suite au rejet de ce texte par les représentants des élus au Conseil national d’évaluation des normes (Cnen) du 17 avril dernier.
Le Conseil d’État se montre très réservé, en particulier, sur les articles 63 à 65 du texte, qui visent à réformer la mise en disponibilité des fonctionnaires lorsque ceux-ci vont travailler pendant cette période dans le secteur privé. Alors que jusqu’à présent, la disponibilité interrompt la carrière du fonctionnaire (qui « cesse de bénéficier », pendant cette période, « de ses droits à l’avancement et à la retraite » ), le projet de loi prévoit, pour les trois versants de la fonction publique et afin de « valoriser les mobilités de fonctionnaires », de changer la donne : dans une limite de cinq ans, les fonctionnaires mis en disponibilité pour aller travailler dans le secteur privé garderaient « leurs droits à l’avancement d’échelon et de grade ». Cette disposition revient, note le Conseil d’État, à rapprocher significativement, pendant les premières cinq années, la notion de disponibilité de celle de détachement.
Le Conseil d’État ne « conteste nullement »  l’intérêt de favoriser l’accès au secteur privé des fonctionnaires pendant une période donnée, afin « d’enrichir la fonction publique ». En revanche, il estime que le fait de « garantir aux agents publics le retour dans leur milieu professionnel d’origine »  peut constituer une forme de rupture d’égalité, dans la mesure où « elle n’existe pas pour les autres actifs ». Le Conseil juge également que l’étude d’impact de ce projet de loi est insuffisante et « ne fournit pas d’indication permettant de penser que la mesure proposée contribuera à atteindre les objectifs que s’assigne le gouvernement ». Il estime donc, « en l’absence d’urgence », que cette mesure demande à être « approfondie »  et trouverait davantage sa place dans un texte consacré à la fonction publique. Le Conseil d’État « écarte »  donc ces dispositions du texte. Pour l’instant, le gouvernement passe outre, puisque dans le texte déposé à l’Assemblée nationale, postérieurement à l’avis du Conseil d’État, les mesures en question sont toujours bien présentes.
À la mi-avril, le Cnen avait quant à lui sèchement rejeté le même texte, non sur ces dispositions mais sur celles concernant l’apprentissage, que les élus régionaux, notamment, refusent en bloc. Ils estiment en effet que la réforme prévue par le gouvernement constitue une véritable « recentralisation »  du système. En outre, ils refusent la logique prônée par le gouvernement, à savoir le fait de substituer les branches professionnelles aux régions dans ce domaine : les représentants des régions ont dit depuis des semaines, sur ce sujet, qu’ils craignaient de voir fermer à l’avenir des dizaines ou des centaines de centres de formation des apprentis.
Autre motif de mécontentement exprimé par les élus au Cnen : « Les charges administratives induites par la monétisation du compte personnel de formation, ainsi que par la mise en place expérimentale d’une déclaration des démarches de recherche d’emploi dans certaines régions pour un an à compter du 1er juin 2019, qui aura un impact sur le fonctionnement des services municipaux situés dans des territoires dépourvus d’agence de Pôle emploi, les maires étant chargés de recevoir les déclarations des demandeurs d’emploi et de les transmettre à Pôle emploi. » 
De façon plus générale, une fois encore, les élus déplorent une étude d’impact jugée « lacunaire sur les impacts techniques et financiers pour les collectivités locales »  et le fait que ces dernières n’ont « pas suffisamment été associées au processus d’élaboration du projet de loi ». Le recours à la procédure d’urgence sur ce texte – ce qui est presque devenu la règle pour tous les textes présentés ces derniers mois – ne « permet pas »  aux collectivités de procéder à « une analyse circonstanciée en vue de formuler un avis éclairé ».
Les cinq représentants des élus présents au Cnen du 17 avril ont donc donné un avis défavorable au texte.
Le texte a été déposé le 27 avril à l’Assemblée nationale et va maintenant être examiné en commission des affaires sociales, à partir du mois de juin.
F.L.
Télécharger le projet de loi et l'étude d'impact.
Télécharger l’avis du Conseil d’État.

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