Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 28 octobre 2024
Fonction publique

Le gouvernement souhaite passer à trois jours de carence dans la fonction publique

Le gouvernement a dévoilé, ce week-end, la teneur des 5 milliards d'euros d'économies supplémentaires qu'il a prévues. La mesure la plus emblématique – mais ce n'est pas la seule – est la volonté de passer le nombre de jours de carence des fonctionnaires à trois. 

Par Franck Lemarc

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© Assemblée nationale

Lors d’un point presse tenu – inhabituellement – dimanche après-midi, l’entourage des ministres du Budget et de la Fonction publique ont dévoilé, hier, les grandes lignes de « l’effort »  supplémentaire de 5 milliards d’euros décidé par le gouvernement. Pour mémoire, les délais trop contraints de publication du projet de loi de finances pour 2025 avaient conduit le gouvernement à n’inscrire dans la version initiale de celui-ci qu’une partie des mesures envisagées, et de proposer d’apporter les dernières par amendements. C’est le contenu de ces amendements qui a été dévoilé hier. 

« Responsabiliser les agents » 

La mesure la plus commentée, ce matin, est la décision de porter à trois jours le nombre de jours de carence pour les fonctionnaires, au lieu de un aujourd’hui. Dans une longue interview au Figaro, ce matin, le ministre de la Fonction publique, Guillaume Kasbarian, s’en explique : pour lui, « l’urgence »  est la « lutte contre l’absentéisme »  dans la fonction publique, qui aurait augmenté de « 80 % en dix ans », selon les chiffres du ministre. Cet absentéisme aurait coûté « 15 milliards d’euros à l’État en 2022 » : il y a donc là de quoi trouver des économies. 

Le gouvernement souhaite donc aller plus loin que la mesure prise en 2018 (rétablissement d’un jour de carence dans la fonction publique), en « passant le nombre de jours de carence de un à trois, ce qui revient à aligner le régime de la fonction publique sur le secteur privé ». Par ailleurs, les arrêts maladie seraient désormais payés à 90 % au lieu de 100 %. « La conjonction de ces deux mesures permet de responsabiliser les agents », ajoute le ministre, et d’économiser « 1,2 milliard d’euros ». « La fonction publique doit prendre sa part de l’effort. » 

Guillaume Kasbarian indique cependant que « les accidents de service, les invalidités, les maladies graves, affections de longue durée ou arrêts liés à la grossesse n’entreront pas dans la réforme ». 

Effets possiblement contre-productifs

En parlant de « responsabiliser »  les agents, Guillaume Kasbarian place le débat sur un terrain clivant : il laisse entendre que les fonctionnaires prennent des arrêts maladie inutiles, voire de complaisance, ce qui laisse de côté un certain nombre de réalités pourtant largement documentées dans les nombreuses études sur l’absentéisme dans la fonction publique. En particulier, le fait que l’augmentation de l’absentéisme est essentiellement due au vieillissement des agents. Par ailleurs, les réformes successives des retraites ont eu un effet mécanique sur la question de l’absentéisme, qui commence là aussi à être documenté : maintenir au travail des agents de plus de 60 ans implique généralement que ceux-ci soient plus souvent malades. 

Par ailleurs, cette proposition de réforme semble particulièrement mal adaptée aux réalités de la fonction publique territoriale, où la structure de l'absentéisme est particulière : ce sont les absences de longue durée qui sont très largement majoritaire, comme toutes les études récentes le confirment (lire Maire info du 11 octobre 2023). Le passage à trois jours de carence n'y aura donc qu'un effet limité sur l'absentéisme. 

Enfin, cette réforme, si elle aboutit, conduira probablement à ce que les agents, pour ne pas perdre de salaire, aillent travailler malades – ce qui pourrait avoir l’effet exactement inverse que celui qui est poursuivi, en augmentant les problèmes de contagion, voire en aboutissant à des arrêts de plus longue durée du fait de maladies mal soignées. Ce n’est pas pour rien que, pendant l’épidémie de covid-19, le gouvernement avait temporairement supprimé le jour de carence pour les fonctionnaires : il semblait alors parfaitement au courant que pour les agents les moins bien payés, la perte d’un jour de salaire n’est pas tenable, et que les agents préféraient venir travailler malgré la maladie plutôt que de voir diminuer leur revenu. 

Les syndicats, qui sont aussi montés au créneau pour dénoncer cette mesure, ne sont pas non plus convaincus par la nécessité brandie par le ministre de « mettre à égalité »  les secteurs public et privé sur cette question. Ils rappellent que les deux tiers des salariés du privé, du fait d’accords de branche ou d’accords d’entreprise, n’ont pas de jour de carence, ceux-ci étant pris en charge par leur employeur. 

Toutes les organisations syndicales représentatives de la fonction publique sont vent debout ce matin contre cette décision, qualifiée selon les cas « d’injuste », « d’aberrante », de « consternante »  et « d’atterrante ». D’autant qu’elle intervient quelques jours après l’annonce par le même Guillaume Kasbarian du non-paiement de la Gipa (garantie individuelle du pouvoir d’achat) cette année (lire Maire info de vendredi). Le ministre indique d’ailleurs ce matin dans Le Figaro qu’il compte « inscrire à l’agenda social »  la suppression définitive de la Gipa, qui ne serait « plus adaptée ». 

Culture, aide publique au développement, transports

Les autres mesures d’économies permettant d’atteindre les fameux 5 milliards supplémentaires portent essentiellement sur le budget de l’État et celui des opérateurs. Un millier d’emplois publics vont être supprimés en plus de 2 200 déjà prévus. Le ministère de la Culture devrait perdre 50 millions d’euros – dont une partie sur le budget du Pass culture. Les mesures d’aides au verdissement de la flotte automobile devraient, elles, perdre quelque 300 millions d’euros. 

Le budget alloué à la lutte contre la pauvreté va lui aussi être durement touché : l’Aide publique au développement (APD) va subir une troisième baisse en un an, cette fois de 640 millions d’euros. En un an, le budget alloué à l’APD sera donc passé de 6,5 à 4,5 milliards d’euros, reléguant définitivement aux oubliettes la promesse faite par Emmanuel Macron, en 2017, de porter ce budget à 0,7 % du revenu national brut (soit plus de 15 milliards d’euros). 

Autre signal peu encourageant : le budget de l’Afitf (Agence de financement des infrastructures de transport en France) va être amputé de 60 millions d’euros – l’amendement a déjà été déposé – il s’agit d’une diminution de la part de TICPE affectée à l’agence. Certes, la coupe n’est pas considérable par rapport au total, puisque cette part va passer de 1,28 à 1,222 milliard d’euros, mais c’est tout de même une diminution des moyens affectés au transport public et donc un mauvais signal en matière de lutte contre le réchauffement climatique. 

Enfin, le gouvernement a laissé entendre qu’une nouvelle ponction serait faite sur le budget des agences de l’eau – qui viendrait donc s’ajouter à celles qui sont déjà prévues, soit 130 millions dans le projet de loi initial (lire Maire info du 21 octobre). 

Des preuves supplémentaires, après le coup de rabot sévère sur le Fonds vert, que l’écologie n’est décidément pas au centre des préoccupations gouvernementales. 

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