Dégel du point d'indice : l'heure des comptes
Par Bénédicte Rallu
Pour répondre à l’inflation (estimée à + 5,5 % sur un an), Stanislas Guerini, le nouveau ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, a annoncé le 28 juin, à l’issue d’une conférence salariale réunissant employeurs publics et organisations syndicales, une hausse du point d’indice dans la fonction publique de 3,5 % à partir du 1er juillet. De « seulement 3,5 % », selon plusieurs organisations syndicales, dont certaines réclamaient au minimum une hausse de 10 %...
Côté employeurs, le coût global pour les trois versants de la fonction publique de la hausse du point d’indice sera de 7,47 milliards d’euros en année pleine : 3,20 milliards d’euros pour l’État, 2,28 milliards pour les collectivités locales et 1,99 milliard pour le secteur hospitalier. Pour le seul bloc communal, il serait de 1,4 à 1,6 milliard d’euros, selon les calculs de l’AMF.
Selon de premières estimations, récupérées par Maire info dès hier, cette hausse du point d'indice coûterait autour de 400 000 euros par an à une commune de 15 000 habitants et 500 agents, et 7 millions par an à une grande collectivité de la taille de Rennes (5 300 agents). Mais tout dépend du nombre d’agents dans les effectifs. Rappelons que le taux d'administration (c'est-à-dire le nombre d'agents ramené à 1000 habitants) varie, selon les communes, de 6,5 à 21. La mesure aura donc, selon les cas, des impacts très différents. Ces différences de taux d'administration s'expliquent par le fait que certaines communes sont soumises à des charges de centralité, mais aussi par les choix des élus (DSP ou régie, transferts ou non de certains équipements à l'intercommunalité, etc.). Les communes qui ont fait le choix de la régie seront donc plus lourdement pénalisées par le dégel du point d'indice.... alors même que ce sont ces mêmes communes qui sont déjà le plus touchées par l'absence d'aide face à l'envolée des prix de l'énergie et des matières premières.
Conséquences financières
La hausse de 3,5 % du point d’indice concerne tous les agents publics (fonctionnaires et contractuels). Le gouvernement a fait quelques simulations. Ainsi par exemple, une secrétaire de mairie avec 15 ans d’ancienneté touchera en plus 57,30 euros par mois et 687 euros net sur un an. Un agent d’accueil en début de carrière : + 45,30 euros par mois et + 543 euros net par an. Une puéricultrice PMI avec 13 ans d’ancienneté : + 81,90 euros mensuels et + 983 euros net annuels. Ils ne verront apparaître ces augmentations vraisemblablement qu’à partir du mois d’août sur leur feuille de paie (le temps pour les logiciels de paie d’intégrer ce changement). Mais la mesure est applicable au 1er juillet et est rétroactive.
Le gouvernement doit publier un décret pour acter cette hausse du point d’indice. Au passage, Stanislas Guerini s’est dit « attaché à l’unicité de la fonction publique » et a évacué toute idée de décorrélation du point d’indice. Mais le ministre a précisé que cette mesure « aura des conséquences financières qui seront traitées plutôt dans le projet de loi de finances rectificative que dans le projet de loi pouvoir d’achat » que prévoit le gouvernement (lire article ci-dessous). Tout en rappelant également que « ces mesures ont été prises dans un contexte budgétaire complexe, Bruno Le Maire [ministre de l’Économie et des Finances, ndlr] ayant tiré le signal d’alarme sur les finances publiques ».
Les collectivités rencontrent elles aussi de fortes contraintes avec l’envolée des prix de l’énergie, des produits alimentaires… Le candidat à l’élection présidentielle Emmanuel Macron avait aussi promis un « effort » de 10 milliards d’euros demandé aux collectivités et la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Rien n’a été annoncé sur ce sujet, mais ce contexte va forcément alourdir la facture des collectivités, même si celles-ci reconnaissent volontiers la nécessité d’augmenter le point d’indice. L’AMF l’avait rappelé dans un communiqué le 18 mars dernier. Elle a pris acte, hier, de l’annonce gouvernementale. Ce matin, la secrétaire générale de l’AMF, Murielle Fabre, nous a indiqué que, par exemple, le surcoût pour sa commune de Lampertheim (3 400 habitants, un peu plus d’une vingtaine d’agents) serait de 25 000 à 30 000 euros : « Nous sommes confrontés à la hausse du coût des matières premières, de l’énergie, des cantines scolaires. Cette question se rapporte à la situation financière des collectivités. Nous avons eu la baisse de la dotation globale de fonctionnement, la suppression de la taxe d’habitation. Il y a des effets de ciseaux. Nos dépenses augmentent mais nos recettes se raréfient. Même si bien évidemment nous sommes en faveur d'un soutien au pouvoir d'achat de nos agents et que celui-ci n'est pas suffisant au regard du chantier qui nous attend sur l'attractivité de la fonction publique territoriale. »
Le président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, Philippe Laurent, maire de Sceaux, a rappelé que « les employeurs territoriaux [étaient] favorables à la revalorisation des salaires des agents, mais ils demandent solennellement (…) d'engager sans tarder des négociations pour mettre en place un nouveau partage des ressources publiques et une nouvelle organisation de relations financières entre l'État et les élus locaux ». Le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques a toutefois assuré vouloir donner « une vision large des sujets [fonction publique] » aux employeurs territoriaux afin qu’ils puissent « voir des prévisions budgétaires pluriannuelles » en s’appuyant cette fois sur le futur projet de loi de finances. À noter que la Fédération hospitalière de France (FHF) a demandé la « compensation intégrale de cette mesure dans le budget des hôpitaux et établissements sociaux et médico-sociaux publics ».
« Les 3,5% s’ajoutent aux augmentations individuelles des agents qui s’élèvent en moyenne à 1,5 % pour les trois versants en 2022 », a précisé Stanislas Guerini. Ce qui conduit le gouvernement à calculer la hausse totale de la rémunération des agents publics à 5 %. Une vision remise en cause par certains syndicats qui estiment que le gouvernement mélange deux choses bien différentes.
Toujours selon Stanislas Guerini, « il n’y aura plus d’agent public payé au smic » avec cette revalorisation du point d’indice, car ils seront dorénavant à « 3,7 % au-dessus » en termes de rémunération.700 000 agents seraient dans ce cas.
Mesures complémentaires
Outre le point d’indice, le gouvernement a également décidé des mesures complémentaires. Il reconduit la garantie individuelle de pouvoir d’achat (GIPA) en 2022 (cette indemnité est versée à tous les agents dont le traitement indiciaire brut aurait évolué moins vite que l’inflation sur les quatre dernières années). Un simple arrêté suffira pour ce faire.
Les rémunérations des agents de catégorie B en début de carrière seront aussi revalorisées pour rattraper « le tassement des grilles » causé par les récentes augmentations des agents de catégorie C.
Le forfait mobilités durables, qui favorise le recours aux modes de transports alternatifs comme le vélo, sera dorénavant cumulable avec le remboursement d’un abonnement transport. Le nombre de bénéficiaires est aussi élargi.
L’État employeur a aussi augmenté de 7 % le remboursement des frais de restauration pour ses agents.
« Ces annonces doivent répondre à l’inflation. Elles n’épuisent pas le sujet de l’attractivité de la fonction publique qui doit répondre lui à des enjeux de société pour avoir des services publics efficaces et accessibles » et qui fera l’objet des rendez-vous dès septembre, a affirmé le ministre. Lors de ces rencontres, Stanislas Guerini ne s’interdit pas d’évoquer à nouveau le contexte de l’inflation, mais a écarté toute clause de revoyure sur le seul point d’indice.
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