Apprentissage : après le désengagement de l'État, celui de France compétences
Par Franck Lemarc
La Première ministre veut fixer « des objectifs ambitieux et renforcés d'accueil d'apprentis dans les trois versants de la fonction publique » . C’est ce qu’elle explique dans une circulaire signée le 10 mars et rendue publique hier. Il s’agit, dans un but « d’exemplarité des employeurs publics » , de participer au recrutement du « million d’apprentis » voulu par le président de la République d’ici 2027.
Objectifs chiffrés
C’est naturellement dans la fonction publique de l’État que la cheffe du gouvernement peut fixer les objectifs les plus précis. Tous les grands ministères se voient fixés des objectifs chiffrés, avec environ 20 000 apprentis à recruter chaque année jusqu’en 2027. Élisabeth Borne exige qu’au moins 10 % de ces apprentis fassent partie de la « filière numérique ».
Des objectifs chiffrés sont également donnés dans la fonction publique hospitalière, allant de 3 000 à 4 000 recrutements par an selon les années.
Il est demandé aux employeurs publics de publier toutes leurs offres sur le site unique pass.fonction-publique.gouv.fr, destiné à centraliser les offres pour les trois versants. Il est également demandé de veiller au maximum à ce que les apprentis accèdent à un emploi pérenne : « L'exemplarité des employeurs publics doit vous conduire à assurer l'accompagnement des apprentis vers l'emploi titulaire ou contractuel. Dans ce cadre, vous veillerez à donner des perspectives d'insertion professionnelle aux apprentis après l'obtention de leur diplôme. Les maitres d'apprentissage devront informer leurs apprentis des différentes modalités d'accès à la fonction publique et leur proposer de suivre des modules de préparation aux concours pour faciliter leur accès à l'emploi titulaire. »
FPT : double mauvaise nouvelle
Reste la fonction publique territoriale. La Première ministre ne peut donner de directives chiffrées, principe de libre administration oblige. Elle mentionne le chiffre de 12 000 recrutements d’apprentis constaté en 2022 et « incite les employeurs territoriaux à augmenter leurs objectifs ». La Première ministre indique toutefois que « dans le cadre de la convention triennale qui sera signée entre l'État, le CNFPT et France Compétences en 2023 en application de la loi de finances pour 2023, des objectifs de recrutement seront fixés ».
Elle rappelle également que dans le cadre de ce dispositif, l’État « poursuivra sur 2023-2025 sa contribution à hauteur de 15 millions d’euros pour le financement de la formation des apprentis » . Elle donne en outre, pour la première fois officiellement, les chiffres à venir de la participation de France compétences à ce dispositif – et les nouvelles ne sont pas bonnes : la participation de France compétence va diminuer régulièrement, avec 15 millions d’euros en 2023, 10 millions en 2024 et 5 millions en 2025.
C’est même une double mauvaise nouvelle : l’État confirme que sa participation au dispositif risque de s’arrêter en 2025, d’une part ; et l’on apprend que la participation de France compétences va même, elle, se tarir avant cette date. Ce qui signifie que la charge de la formation des apprentis va retomber de plus en plus sur les épaules des employeurs territoriaux et du CNFPT.
« Scandale »
Il faut rappeler qu’il s’agit d’un retour sur la parole donnée. Lors de la conclusion de l’accord entre l’État, le CNFPT et les employeurs territoriaux, en octobre 2021, après de longues négociations, il avait été convenu d’un dispositif de financement qualifié par le gouvernement de « pérenne », c’est-à-dire, si les mots ont un sens, destiné à s’inscrire dans la durée. Pour financer un budget de formation de 80 millions d’euros par an, 40 millions étaient mis à la charge des employeurs, sous forme d’une nouvelle cotisation de 0,1 % de la masse salariale. L’État et France compétences apportaient 15 millions chacun, et le CNFPT les 10 millions restants.
Ce bel édifice s’est effondré à l’automne dernier (lire Maire info du 18 novembre), lorsque le gouvernement a introduit un amendement au projet de loi de finances pour 2023 rendant facultatif et non plus obligatoire la contribution annuelle de l’État et de France compétences ; et annonçant que le financement de l’État avait vocation « à s’éteindre progressivement d’ici fin 2025 au plus tard ».
Malgré la colère des associations d’élus et du président du CNFPT, François Deluga, qui avait alors dénoncé un « scandale absolu » dans ce retour sur la parole donnée, le gouvernement a tenu bon.
Et l’on apprend donc, au détour d’une circulaire, que dès l’an prochain la contribution de France compétences baissera de 5 millions d’euros.
Réponse ministérielle
Cette question vient également de faire l’objet d’une réponse du gouvernement à la question écrite de la sénatrice LR de la Haute-Savoie Sylviane Noël. Celle-ci, en décembre dernier, dénonçait une décision « prise de manière unilatérale et totalement arbitraire, [qui] donne une belle image de la manière dont l'État tient ses engagements. » Elle demandait si la fin « de cet accord donnant-donnant » signifie que les collectivités vont devoir « payer intégralement les 80 millions d’euros » ou si le gouvernement entend « supprimer la cotisation de 0,1 % versée par les collectivités territoriales ».
Le ministère de la Transformation et de la Fonction publique a répondu le 16 mars, soit après la signature de la circulaire de Matignon. De façon parfaitement contradictoire, il confirme que l’État se retirera du dispositif en 2025 et se félicite, en même temps, de « poursuivre son engagement et soutien financier aux collectivités qui recrutent des apprentis ». La même réponse ministérielle confirme également le nouveau caractère « dégressif » de la contribution de France compétence. Alors que pour les entreprises privées, le gouvernement est nettement plus généreux, puisqu'il continue à subventionner toute embauche d'apprentis à hauteur de 6 000 euros.
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