Maire-info
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Édition du jeudi 2 octobre 2025
Fonction publique territoriale

Un agent en ASA ne fait pas forcément ce qu'il veut, même dans un cadre privé, tranche la justice

Le tribunal administratif de Toulon a rendu, mi-septembre, une décision intéressante sur un sujet assez spécifique : un maire peut-il sanctionner un agent sur ses activités personnelles pendant une autorisation spéciale d'absence (ASA) ? Réponse : dans certains cas, oui.

Par Franck Lemarc

Début décembre 2022, le maire de la Seyne-sur-Mer prend par arrêté une sanction disciplinaire contre une agente de la commune – trois jours d’exclusion temporaire de ses fonctions. Motif de cette sanction : en octobre 2021, alors que l’agente était en ASA (autorisation spéciale d’absence) pour la protéger du covid-19, elle a participé, « sans masque ni respect des gestes barrières » , à un festival de musique, en tant que DJ. 

L’agente a attaqué cet arrêté devant le tribunal administratif, plaidant notamment qu’il ne peut pas lui être reprochée une activité effectuée sur son temps personnel et dans le cadre de sa vie privée alors qu’elle était en ASA. 

Les ASA « covid » 

Pour comprendre cette affaire, il faut se souvenir des dispositions exceptionnelles prises pendant l’épidémie de covid-19 : le gouvernement et le législateur avaient alors décidé de permettre aux travailleurs atteints de graves problèmes de santé (affection longue durée, immunodépression, etc.) de ne pas travailler au contact de leurs collègues ou du public. Le télétravail devait être privilégié, mais lorsque celui-ci était impossible, les salariés pouvaient être placés en chômage partiel, dans le privé, ou en ASA, dans le secteur public. Plusieurs circulaires avaient alors été publiées détaillant les pathologies ouvrant droit à ces ASA spécifiques – de droit, pour les agents, sous réserve de la présentation d’un certificat médical attestant qu’ils étaient atteints de l’une ou l’autre de ces pathologies. 

L’agente incriminée dans cette affaire entrait dans ce cadre, et avait donc bénéficié d’une ASA lors d’une énième résurgence du virus, à l’automne 2021. 

C’est pendant cette période que l’agente a participé à un festival de musique, sans masque, l’affichant de surcroît sur sa page Facebook – ce que le maire a fait constater par huissier. 

« Manquement professionnel » 

Le tribunal a reconnu que « aucun texte n'interdit à un agent public de participer à des activités sur son temps personnel dans le cadre de sa vie privée lorsqu'il est en autorisation spéciale d'absence ». Mais dans ce cas d’espèce, le juge estime qu’il y a bien eu de la part de l’agente « un manquement professionnel »  et « une méconnaissance du devoir de loyauté »  des fonctionnaires. En effet, l’ASA a été délivrée du fait de « la prise en compte de l’état de vulnérabilité [de l’agente] face au virus » , et les précautions qu’elle devait prendre pour se prémunir de la contagion n’étaient pas valables seulement sur son lieu de travail mais « en tout lieu et en toute circonstance ». L’agente, poursuit le juge administratif, en participant à ce festival sans masque et sans respecter les gestes barrières, a pris « volontairement un risque de contracter le virus »  du covid-19, alors qu’elle était placée en ASA « précisément pour ne pas être exposée à ce risque et était dispensée de travailler tout en conservant son traitement » . Dit plus familièrement, le juge a donc expliqué que l’on ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre. 

D’autant plus que le placement en ASA de l’agente a eu un « retentissement »  sur les autres agents de la collectivité, dans la mesure où la charge de travail de l’agente en ASA leur est échue. Le maire de la commune était donc en droit de prendre une sanction, au motif « de la méconnaissance de l’obligation de loyauté » . Cette sanction a par ailleurs été jugée « modeste »  par le tribunal, qui a donc écarté l’argument de « disproportion »  plaidé par l’agente. 

Moins modeste est d’ailleurs la sanction infligée par le tribunal à la plaignante, qui a été condamnée aux dépens à verser 2 000 euros à la commune de la Seyne-sur-Mer. 

Conclusion : être placé en ASA n’est pas, aux yeux de la justice, la même chose qu’être en congés payés. L’employeur peut, dans certaines circonstances précises, avoir un droit de regard sur les activités de l’agent en ASA, même si elles relèvent de la vie privée, et juger qu’elles sont incompatibles avec sa situation. 

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