Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 9 septembre 2022
Fonction publique territoriale

Transitions et gestion des ressources humaines, fil rouge du Congrès de la FNCDG

À Marseille, spécialistes de l'emploi territorial et représentants des centres de gestion ont souligné les difficultés d'attractivité et de recrutement des collectivités dans un contexte de transitions, tout en proposant certaines pistes pour y remédier.

Par Emmanuelle Quémard

La Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG) a tenu cette semaine son congrès durant trois jours, à Marseille, sur le thème « Appréhender la gestion des ressources humaines dans les collectivités territoriales dans un contexte de transitions et de réformes ». Une thématique rencontrant un fort écho avec la ville de Marseille, qui a entrepris depuis deux ans un vaste plan de modernisation et de réorganisation de ses services. « Il faut rendre aux agents leurs  capacités d’agir pour appliquer au mieux les politiques publiques », a affirmé en substance Olivia Fortin, adjointe au maire en charge de la modernisation, du fonctionnement, de la transparence et de la coproduction de l’action publique. 

Absents pour des raisons d’agenda, Stanislas Guérini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Caroline Cayeux, ministre déléguée en charge des Collectivités locales et Gérard Larcher, président du Sénat, avaient toutefois tenu à s’adresser par vidéo aux quelque 500 congressistes. Des messages confortant la spécificité des services publics locaux et l’expertise des centres de gestion, tout en insistant sur les problèmes d’attractivité et de recrutement rencontrées par les collectivités.

Le premier jour du congrès a ainsi été l’occasion pour les représentants des 98 centres de gestion (CDG) de se pencher sur l’impact des transitions – qu’elles soient normatives, ecologiques, numeriques, professionnelles ou demographiques – sur la gestion des ressources humaines. « Le rapport De Belenet/Savatier publié en février 2019 a mis en évidence les enjeux auxquels sont confrontés les collectivités territoriales  et les transitions qu’elles sont amenées  à appréhender pour ce mandat 2020-2026 », a rappelé Michel Hiriart, président de la FNCDG. 

Besoin de montée en compétences

Selon Fabien Bottini, professeur de droit public à l’Université du Mans, la transition écologique, qui nécessitera des investissements importants de la part des collectivités pour atteindre les objectifs de l’Agenda 2030 ou de la stratégie nationale bas carbone, doit s’appuyer sur une ingénierie humaine qui fait aujourd’hui souvent défaut dans les collectivités, notamment les plus petites. « Il s’agit d’anticiper les impacts de la transition écologique et énergétique  sur les métiers, les besoins en recrutement et les formations initiales et tout au long de la vie, a remarqué l’universitaire. Cette transition va entraîner la création de nouvelles fonctions mais également contribuer à faire évoluer les métiers existants, souvent qualifiés de verts ou verdissants ». S’appuyant sur l’étude du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), Les impacts de la transition numérique sur les métiers de la fonction publique territoriale, parue en octobre 2021, Fanélie Sanjuan, cheffe de projet Territoir’Prod-Les Interconnectés, a expliqué que près d’un tiers des métiers territoriaux sera fortement impacté par la transition numérique dans les 10-15 ans à venir. Parmi eux,  42 métiers « sensibles »   (chargé d’accueil, secrétaire de mairie, assistant de gestion administrative, …) auront un fort besoin de montée en compétences. Or, selon une enquête Pix-Les Interconnectés-Syntec Numérique sur les compétences numériques des agents territoriaux publiée en mars 2021, « deux tiers des agents interrogés estiment ne pas avoir le bagage suffisant pour faire face aux nouvelles transitions. »  À cela s’ajoutent, selon la cheffe de projet, « les difficultés des collectivités à recruter des profils techniques face à la concurrence du secteur privé ». 

Manque d’attractivité

De son côté, Françoise Gatel, sénatrice d’Ille-et-Vilaine et présidente de la Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, a souligné la dimension sociétale des transitions et la nécessité d’accompagner les agents territoriaux. « Les métiers ‘’essentiels’’, c’est-à-dire tous les métiers territoriaux, sont parfois trop peu visibles, a-t-elle déclaré. Pour accompagner les agents dans les changements, il faut s’appuyer sur l’expertise des CDG. Les élus, qui n’ont pas toujours de culture managériale, sont, eux, démunis. Le défi à relever n’est pas seulement technique, il faut qu’élus et agents conduisent ensemble les projets. D’autant que les exigences des citoyens sont fortes. Il faut aussi faire œuvre de pédagogie auprès des jeunes, au travers  notamment des conseils municipaux ».

Selon le rapport Métiers 2030, quelles perspectives de recrutement ?, co-réalisé par France Stratégie et la Dares, certains des métiers de la territoriale vont, en outre, connaître des déséquilibres entre offres et demandes d’emploi d’ici à 2030. « Ouvrir des places de formation ne suffira pas, a indiqué Jean Flamand, responsable de projet au  Département Travail-emploi-compétences de France Stratégie. Il faut tenir compte de la baisse du nombre des candidats aux concours et répondre aux attentes des jeunes générations en demande de sens et d’utilité au travail ».

Un manque d’attractivité de l’emploi territorial déjà pointé dans le rapport remis en janvier dernier par Corinne Desforges, Mathilde Icard et Philippe Laurent à l’ex-ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. « Les métiers concernés par les transitions numériques et écologiques sont les métiers en tension les plus souvent cités, a affirmé Mathilde Icard, présidente de l’Association des DRH des grandes collectivités. Aujourd’hui, les employeurs locaux ont publié 2 400 offres d’emploi sur les 24 000 au total, soit 10 % dans ces secteurs. Combien seront pourvues ? Pas suffisamment. » 

« Où sont les jeunes ? » 

« Où sont les jeunes ?, s’est alors interrogée Mathilde Icard. D’abord, ils sont rares à répondre aux offres d’emploi. Sur les 251 métiers proposés, ils n’en connaissent que très peu. L’enquête conduite par la Direction interministérielle de la transformation publique pour la mission attractivité  en  témoigne : si 30 à 40 % des jeunes répondants connaissent les métiers territoriaux d’animateur, de jardinier, d’urbaniste et de responsables RH, les autres métiers sont totalement méconnus. »  Ainsi, parmi les 27 recommandations formulées dans le rapport, plusieurs d’entre elles portent sur une meilleure connaissance des métiers territoriaux  au moyen de campagnes de communication portées par les employeurs territoriaux et une amélioration de la fonction d’observation et de prospective.

S’interrogeant sur la dimension employeur des élus locaux, Vincent Le Meaux, premier vice-président de la FNCDG et président de Guingamp-Paimpol Agglomération (Côtes-d’Armor), a martelé que « les élus font de l’action publique et sont là pour concrétiser des engagements pris devant les électeurs ». « Il leur faut apprendre à manager des équipes, notamment de cadres, dans ces périodes de transitions qui sont aussi des crises, a-t-il noté. Cela nous oblige à anticiper. » 

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