Tendances RH des collectivités 2022 : difficultés de recrutement et manque d'attractivité
Par Bénédicte Rallu
« Nous avons besoin de nouvelles perspectives salariales pour revaloriser nos agents, mais comment pouvoir agir dans un contexte inflationniste ? », a posé la secrétaire générale de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, Murielle Fabre, maire de Lampertheim (67), lors de la présentation de la 7e édition du Baromètre HoRHizons RH 2022 (voir méthodologie ci-dessous), mercredi 21 septembre. «Nous avons besoin de pouvoir agir dans le domaine des nos ressources humaines », a-t-elle insisté !
Le Baromètre HoRHizons 2022, réalisé pour l’AMF, les Départements de France, Régions de France, le CNFPT et la FNCDG, révèle que les collectivités gèrent principalement leurs ressources humaines «en réponse à la raréfaction des ressources financières et des moyens (pour 69,4 % des répondants) et aux contraintes normatives (pour 50,6 % des répondants) ». L’inflation, l’explosion des dépenses d’énergie, mais aussi toutes les revalorisations salariales nationales de ces derniers mois «pèsent sur le chapitre 12 de nos dépenses, à savoir les charges de personnel », a expliqué Murielle Fabre. Le seul point d’indice va coûter aux collectivités 1,13 milliard d’euros cette année et 2,3 milliards par an... 55 % des répondants indiquent que leur masse salariale est en augmentation (+ 24 % par rapport à la précédente édition du baromètre)... Certains postes de dépenses varient à la hausse automatiquement comme, par exemple, le glissement-vieillesse technicité (GVT) qui reflète à effectif constant la hausse des rémunérations liée à l’ancienneté des agents et à leur promotion.
Besoin de recruter
« Or, nous avons besoin de développer l’attractivité de la fonction publique territoriale : les collectivités ont besoin de recruter, assure Murielle Fabre. Pourtant elles n’y arrivent pas. » Pourquoi recruter ? En raison essentiellement des départs (pour 48,8 % des répondants). C’est pourtant 5,9 % de moins qu’en 2022. L’autre raison avancée est la création de poste (15,6%) ou les deux (remplacement et création de poste) pour 35,7 % des répondants. «Nous avons les départs à la retraite, mais aussi de nouvelles demandes de services publics de la part de la population (qui augmente) auxquelles il faut répondre, et les métiers en tension beaucoup plus nombreux qu’il y a quelques années », précise Murielle Fabre. 49,2 % des répondants envisagent donc de recruter prochainement. C’est 5 points de plus par rapport à 2020 et + 11 % par rapport à 2019.
Gérer le quotidien
Il y a nécessité de recruter pour gérer en premier lieu le quotidien. Les collectivités vont créer des postes dans les services techniques (48 %), dans les domaines de l’enfance, l'éducation, la jeunesse (31 %), de l’aménagement et du développement (19,2 %). Le développement durable n’apparaît qu’en sixième position (13,3 %). Les transitions écologiques, énergétiques, digitales avec une adaptation à venir des services publics locaux n’influencent la gestion des RH des collectivités que pour 26,1 % des répondants (- 5,5 % par rapport à 2020). À l’heure du changement climatique, les collectivités jugent donc qu’il y a plus urgent pour répondre aux besoins de leur population ! Un indicateur sur l’état du pays qui mériterait peut-être d’être analysé plus en profondeur…
Peu de marges de manœuvre pour développer l’attractivité
Les marges de manœuvre des collectivités pour développer l’attractivité de la fonction publique territoriale restent minces. Olivier Richefou, président du département de la Mayenne, vice-président de l'Assemblée des départements de France et président de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours, constate un recours de plus en plus fréquent "à l'intérim pour faire venir des professionnels dans le champ social comme par exemple dans les maisons de l'enfance, et aux cabinets de recrutement. Ce n'est pas forcément une bonne nouvelle. Cela signifie que notre système ne pourvoit plus suffisamment [de postes]". Le régime indemnitaire, c'est important, mais il est temps de passer à autre chose. Le protection sociale complémentaire constitue un élément d'attractivité".
De l’aveu de François Deluga, trésorier de l’AMF, maire du Teich (33) et président du CNFPT, «nous sommes au taquet de ce qu’il est possible de faire. Notre inflation est beaucoup plus forte que celle impactant les citoyens car nous achetons beaucoup de choses comme, par exemple, le bois : elle atteint 10 % ! Dans ce contexte, il ne nous reste plus beaucoup de leviers, sachant que ce qui fonctionne pour attirer des candidats, c’est la rémunération, la protection sociale complémentaire (PSC), la promotion et l’image. En matière de régime indemnitaire et de promotion, on ne peut plus faire davantage. Il nous reste la formation et l’accompagnement des agents dans leurs parcours et transitions professionnelles ». Les collectivités semblent l’avoir compris, puisque 88 % des répondants font du développement de la formation et des compétences des agents un des axes prioritaires de leur stratégie RH.
Outre les salaires et les parcours professionnels, Michel Hiriart, président de la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG), voit aussi dans « le logement, un autre sujet sur lequel les collectivités doivent travailler pour développer l'attractivité de la FPT. Le secteur privé rencontre également des difficultés de recrutement », a-t-il souligné, ce qui accentue la concurrence. "Nous devons aussi revoir le système des promotions. La FPT promeut un agent quand elle en recrute trois. Nous devrions au moins être sur du deux recrutements pour un promu. Les contractuels devraient aussi pourvoir en bénéficier. La promotion fait partie de l'attractivité ! "
L’apprentissage est un autre axe qui fonctionne bien pour faire entrer des jeunes dans la FPT. Le nombre de contrats est estimé à 22 500 dans la FPT en 2022. Les premières estimations tablent sur 24 000 pour 2023. Or, son financement (cotisation de 0,1 % de la masse salariale versée au CNFPT par chaque collectivité) ne couvre pas les frais pour les années à venir, «le dispositif ayant été prévu pour 16 000 apprentis », rappelle François Deluga.
En revanche, le télétravail ou le temps de travail ne constituent pas des arguments. Seulement 34,5% des répondants ont établi un protocole de télétravail et 5,3 % ont engagé une démarche pour en élaborer un. Il s’agit surtout des plus grandes collectivités. « Mais elles n’iront pas beaucoup plus loin que deux jours par semaine », prévient François Deluga. Concernant le temps de travail, la question des 1 607 heures semble bel et bien réglée. 83,4 % affirment que leur collectivité répond à cette obligation.
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