Semaine en quatre jours : un outil d'attractivité précieux pour les collectivités, mais des « points de vigilance »
Par Franck Lemarc
L’étude du SNDGCT porte bien sur la semaine en quatre jours et non la semaine de quatre jours. À deux lettres près, la différence n’est pas anodine : on ne parle pas ici de réduction du temps de travail – puisque celle-ci est interdite dans la fonction publique territoriale, où le contingent annuel de 1607 heures de travail est « incompressible » – mais de réorganisation de la semaine de travail pour effectuer les 35 heures hebdomadaires sur quatre journées au lieu de cinq. Le principe est donc un allongement de la journée de travail avec, en contrepartie, un troisième jour non travaillé dans la semaine.
Les agents très demandeurs
Un nombre non négligeable de collectivités a lancé une expérimentation sur ce sujet (12 % en 2023 selon le baromètre RH des collectivités locales). Mais ces expérimentations peuvent recouvrir des réalités très différentes, selon par exemple que les collectivités expérimentent le dispositif dans un seul service ou plusieurs, etc.
Il reste que cette solution est très prisée par les salariés, dans le privé comme dans le public : selon des enquêtes citées par le syndicat, 77 % des actifs, dans leur ensemble, y seraient favorables, et 72,6 % chez les agents publics. Majoritairement, les personnes voient dans une telle organisation une possibilité de « pouvoir dégager du temps » pour la vie personnelle – les autres items (avoir une meilleure santé, passer moins de temps dans les transports, être plus efficace au travail) apparaissant moins fréquemment.
Un autre avantage majeur de cette organisation, auquel on ne pense pas forcément au premier abord, est qu’il permet de remplacer avantageusement le temps partiel : dans une organisation classique, les agents qui passent aux 4/5e (des femmes, dans une écrasante majorité) pour avoir une journée de libre à consacrer à leurs enfants, perdent un cinquième de leur salaire, ce qui a des conséquences tant sur le niveau de vie immédiat que sur leur pension de retraite. La semaine en quatre jours permet de conserver une journée libre tout en repassant à temps plein.
Continuité du service public
Par rapport à d’autres secteurs d’activité, les collectivités doivent faire face à des difficultés spécifiques pour mettre en place un tel dispositif, au premier rang desquelles la continuité du service public. Si un cabinet de conseil ou une agence de publicité peuvent (à leurs risques et périls) décider d’être entièrement fermés tous les vendredis, il ne peut évidemment en aller de même pour une administration, ni a fortiori un service périscolaire, une crèche ou une cantine scolaire. Dès lors, la seule solution pour permettre la semaine en quatre jours tout en maintenant les services ouverts cinq jours par semaine est d’avoir un nombre suffisant d’agents pour pouvoir faire des roulements, ce qui, là aussi, n’est pas à la portée de tous.
L’étude relève que ce mode d’organisation – comme cela a été le cas pour le télétravail – amène des difficultés nouvelles pour les chefs de service, et pose de nombreuses questions notamment sur l’équité entre agents, dans la mesure où certains services peuvent assez facilement être organisés sur quatre jours tandis que d’autres ne le peuvent pas. Les différentes expérimentations menées permettent de disposer aujourd’hui d’un panel important de solutions mises en œuvre ici et là, selon les cas et les difficultés spécifiques. Par exemple, certaines communes ont décidé de réserver la semaine en quatre jours aux seuls agents dont les postes sont non télétravaillables, ce qui permet justement de rétablir une forme d’équité.
Quels inconvénients ?
Il ressort également de ces expérimentations que cette organisation n’a pas que des avantages pour les agents concernés : car le pendant de la semaine en quatre jours est une augmentation notable de la durée de la journée de travail, ce qui génère, d’une part, de la fatigue supplémentaire, et, d’autre part, peut-être un risque accru de maladies ou d’accidents de travail – ce risque n’a pas encore été mesuré par des études scientifiques étayées, selon le SNDGCT.
De plus, le syndicat estime qu’il n’est « pas certain » que ce dispositif soit un « levier » pour plus d’égalité entre les hommes et les femmes. Peut-être, au contraire, pourrait-il « aggraver les inégalités » : une mère de famille pourrait bien subir une forme de double peine si elle passe à la semaine en quatre jours et qu’elle consacre toute sa journée « libre » à s’occuper des enfants et des tâches ménagères et doit, en plus, subir la fatigue de journées plus longues les quatre autres jours. Sans compter que l’allongement de la durée de travail pendant ces quatre jours peut poser des problèmes organisationnels dans la vie personnelle, par exemple pour récupérer les enfants à l’école, etc.
« Semaine modulée »
Il reste que le principal avantage de ce mode d’organisation, pour les employeurs territoriaux, est d’augmenter l’attractivité des postes qu’ils proposent, dans la mesure ce dispositif est attendu par les trois quarts des salariés. Comme l’explique un responsable RH citée dans l’étude : « À défaut de pouvoir proposer de meilleurs salaires, nous nous démarquons en proposant une plus grande flexibilité et qualité de vie au travail. (…) en offrant trois journées de déconnexion, nous fidélisons nos agents et facilitons nos recrutements. »
L’augmentation de l’attractivité des collectivités est, d’ailleurs, la première raison évoquée par celles-ci (à 76 %) pour la mise en place d’une expérimentation de la semaine en quatre jours. Cette possibilité – car il est indispensable, note le syndicat, de proposer une telle organisation au volontariat et non de l’imposer – est particulièrement attractive pour recruter de jeunes agents, puisque le taux de salariés favorables à la semaine en quatre jours grimpe à 83 % chez les 25-34 ans.
Le SNDGCT note en conclusion qu’il vaudrait mieux parler de « semaine modulée » plutôt que de semaine en quatre jours, tant les modalités adoptées par les différentes collectivités sont variées : certaines ont opté pour la semaine en 4,5 jours, d’autres pour 4 jours mais seulement une semaine sur deux… Mais le dispositif reste un atout intéressant en matière d’attractivité, sous réserve de respecter un certain nombre de préalables indispensables, selon le syndicat : l’adhésion des élus à la démarche et l’association des agents, l’accompagnement des managers, le dialogue social… Dans ces conditions, il est probable, conclut le syndicat, que la semaine modulée va « se diffuser dans les collectivités territoriales », comme l’a fait le télétravail, « avec un cadre bien posé tenant compte des objectifs de service public, des adaptations en fonction du contexte de chacune et une vigilance sur les effets potentiellement négatifs qu’une telle organisation peut générer. »
Rappelons que toute décision sur l'organisation du temps de travail dans une commune doit faire l'objet d'une saisine du comité social territorial et d'une délibération du conseil municipal.
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