Secrétaires généraux de mairie : une nouvelle séance du Conseil sup' prévue pour sortir de la situation de blocage
Par Emmanuelle Quémard
Consacrée à la revalorisation du métier de secrétaire de mairie, la séance plénière du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), qui s’est tenue le 29 mai sous la présidence de Philippe Laurent, maire de Sceaux (Hauts-de-Seine), a déjoué les pronostics. Alors qu’un consensus semblait devoir se dessiner entre les employeurs territoriaux et les organisations syndicales représentatives des agents, les quatre projets de décrets d’application de la loi du 30 décembre 2023 ont reçu un avis défavorable des membres du Conseil sup’. Ces textes visant à redynamiser une profession en proie à d’importantes difficultés de recrutement, notamment dans les petites communes, avaient été, en effet, favorablement accueillis en fin d’année dernière. L’Association des maires de France (AMF), qui s’était fortement mobilisée en faveur d’une meilleure reconnaissance des secrétaires de mairie, avait notamment qualifié la nouvelle loi de « réelle avancée pour ce métier unique » (lire Maire info du 21 décembre).
Si lors de l’examen par le CSFPT des quatre projets de décrets, les employeurs territoriaux ont confirmé par un vote unanime leur adhésion aux mesures présentées par la Direction générale des collectivités locales (DGCL), les syndicats (CFDT, CGT, FA-FPT, FO, FSU, UNSA) ont exprimé de façon tout aussi unanime des votes défavorables sur chacun des textes présentés.
Formation et promotion interne : pour les syndicats, « trop d’agents laissés sur le bord de la route »
Le premier projet de décret soumis à l’avis du CSFPT concernait le recrutement, la formation et la promotion interne des secrétaires de mairie, désormais rebaptisés secrétaires généraux de mairie (SGM) par la nouvelle loi. Ce texte prévoit notamment la mise en place de deux dispositifs destinés à permettre aux SGM de catégorie C de déroger aux voies de promotion interne traditionnelles.
Le premier de ces dispositifs, dénommé « plan de requalification », est transitoire puisqu’il prendrait fin au 31 décembre 2027. Cette mesure vise à favoriser le passage en catégorie B des secrétaires généraux de mairie de catégorie C déjà en fonction en dérogeant au contingentement des postes réservés à la promotion interne tel que le prévoit le Code général de la fonction publique. A noter cependant que des limites sont fixées par le projet de décret, notamment à travers le profil des agents éligibles au « plan de requalification » , puisque seuls sont visés les adjoints administratifs principaux de 1ère et 2e classes, excluant de fait les adjoints administratifs relevant du premier grade (échelle de rémunération C1). « En réalité, seulement un tiers ou un quart des secrétaires de mairie seront concernés par le plan en question, estime la Fédération des services publics CGT dans un communiqué. Des milliers de secrétaires de mairie de catégorie C seront écartés du dispositif. Quant aux secrétaires de mairie de catégories B et A, aucune requalification n’est prévue. »
Il faut rappeler cependant que ces dispositifs sont explicitement prévus par la loi : les décrets d'application ne prennent pas en compte les premiers grades parce que la loi ne le prévoit pas. Les décrets ne pouvant aller au-delà de la loi, il faudrait, pour aller plus loin, modifier celle-ci.
Un deuxième dispositif intitulé « promotion-formation » est, en outre, créé et se veut pérenne. Il autorise les agents de catégorie C souhaitant devenir SGM à passer en catégorie B, après avoir suivi une formation qualifiante sanctionnée par un examen professionnel. Toutefois, concernant les communes de moins de 2000 habitants, la loi prévoit qu’à compter du 1er janvier 2028 seuls des agents de catégorie B pourront être nommés aux fonctions de secrétaire général de mairie, les agents de catégorie C étant de facto privés de cette possibilité de promotion. Une disposition qui ne passe pas chez les représentants des personnels territoriaux, la CFDT estimant, par exemple, que le projet de décret « laisse trop d’agents sur le bord de la route ».
Avancement obligatoire et avancement au mérite
Des critiques que les organisations syndicales ont réitéré à l’occasion des autres textes soumis au vote du Conseil sup’. Notamment à l’occasion de l’examen du second projet de décret qui fixe les modalités permettant aux secrétaires de mairie de bénéficier de « l’accélérateur de carrière » matérialisé par un avantage spécifique d’ancienneté. Il s’agit notamment de la mise en place d’un avancement spécifique d’ancienneté de six mois pour tous les secrétaires généraux de mairie ; un avancement « obligatoire » qui serait octroyé toutes les huit années d’ancienneté dans les fonctions de SGM. Par ailleurs, un deuxième avancement spécifique d’ancienneté serait créé. Celui-ci serait facultatif et porterait sur une durée d’un à trois mois. Le projet indique que cet avancement « pourra être octroyé aux secrétaires généraux de mairie selon leur valeur professionnelle, appréciée par l’autorité territoriale, par période d’au moins trois ans » . « Les dispositifs d’accélérateur de carrière prévus dérogent largement aux règles collectives d’avancement des autres agents de même niveau de mission, dénonce la CGT, en particulier, l’avancement spécifique facultatif lié à la manière de servir, c’est l’avancement à la tête du client. »
Le troisième texte étudié par les membres du CSFPT concerne les modalités d’organisation de l’examen professionnel permettant l’accès à l’emploi de secrétaire de mairie. Il prévoit notamment l’instauration d’un dispositif pérenne de « promotion-formation ».
Enfin, le quatrième projet de décret détaille le contenu de « la formation qualifiante » permettant aux agents de catégorie C d’accéder au métier de secrétaire général de mairie. Il précise que cette formation se déroule sur 56 journées réparties en plusieurs modules et qu’elle ne peut excéder une durée de deux ans. En amont de cette formation, un bilan de compétence individualisé de chaque candidat sera effectué par le CNFPT alors qu’une commission de qualification sera chargée d’évaluer le suivi de la formation de l’agent.
Les employeurs territoriaux « surpris » par le veto syndical
« Les employeurs territoriaux ont été très surpris du rejet unanime des textes par les organisations syndicales car ces décrets étaient très attendus à la fois par les employeurs et les secrétaires de mairie, indique Murielle Fabre, secrétaire générale de l’AMF et co-présidente de la Commission FPT et RH. Même si nous partageons leurs interrogations sur certains des points soulevés, nous pensions qu’une avancée était possible. Or, les échanges n’étaient pas constructifs et c’est dommage car le besoin de revalorisation de ce métier est important pour la territoriale. » « Le dialogue social est très tendu depuis plusieurs mois, notamment depuis les dernières annonces de Stanislas Guérini sur la future réforme de la fonction publique, ajoute Murielle Fabre. Ce qui ne favorise pas la sérénité des débats. Les employeurs territoriaux, qui ne veulent pas de situation de blocage, ont voté pour ces textes et nous verrons comment avancer d’ici au prochain conseil ». Pour cette séance fixée au 19 juin, la DGCL devra ainsi revoir sa copie.
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