Entrée en vigueur de la réforme des commissions administratives paritaires, contre l'avis des élus et des syndicats
C’est la raison pour laquelle on appelle cela des commissions « consultatives » : les avis rendus tant par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) que par le Conseil national d’évaluation des normes (Cnen) n’engagent aucunement l’État, qui n’a pas d’obligation de s’y conformer. La démonstration en est encore faite avec le décret publié ce matin, qui avait reçu coup sur coup deux avis défavorables des deux instances. Le gouvernement est passé outre.
En quoi consiste la réforme ?
Il s’agit d’un décret d’application de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019. Comme l’expliquaient les représentants de l’État devant le Cnen, le 8 octobre dernier, la loi a « réformé le rôle des commissions administratives paritaires (CAP) en recentrant leur champ de compétences sur les décisions défavorables les plus importantes pour les agents publics, en particulier les refus de titularisation ou encore les licenciements en cours de stage pour insuffisance professionnelle ou disciplinaire ». Le décret a donc pour objet de « mettre en cohérence les dispositions réglementaires relatives aux CAP et aux conseils de discipline dans la fonction publique territoriale », à des échéances différentes.
Certaines modifications sont d’application immédiate : c’est notamment le cas de l’article 14 du décret, qui permet la tenue des réunions des CAP pour visio ou audioconférence.
Une autre série de mesures prendra effet le 1er janvier prochain. C’est en particulier le cas de l’article 19, qui traite de compétences des CAP, en les resserrant fortement. Les CAP, comme l’a défini la loi du 6 août 2019, ne seront plus que des instances de recours en cas de licenciement ou de non-renouvellement de contrat. Elles ne seront notamment plus compétentes en matière d’établissement des tableaux d’avancement et des listes d’aptitude.
Par ailleurs, à partir du prochain renouvellement des instances de dialogue social dans la fonction publique (2022), ces instances ne seront plus organisées par groupes hiérarchiques. Les articles 2 et 3 du décret modifient les règles de composition des CAP en gommant toute notion de groupe hiérarchique. C’est notamment ce qu’avaient dénoncé les syndicats lors de la réunion du CSFPT : « Les fonctionnaires territoriaux d’une même catégorie pourront ainsi, sans distinction de cadres d’emplois, d’emploi et de grade, se prononcer sur la situation individuelle des fonctionnaires relevant de la même catégorie. »
Si une CAP sera créée pour chaque catégorie de fonctionnaires (A, B ou C), il sera toujours possible de regrouper plusieurs catégories dans une même CAP si « l’effectif relevant de cette commission est inférieur à 40 ».
Enfin, concernant les conseils de discipline, « le projet de décret prend acte de la suppression par la loi du 6 août 2019 des groupes hiérarchiques et des conseils de disciplines de recours », ont détaillé les représentants du ministère lors du Cnen.
L’avis des représentants des élus
Par deux fois, lors des réunions du Cnen des 8 et 29 octobre, les représentants des élus se sont quasi-unanimement opposés à ce projet de décret. Au CSFPT, les employeurs territoriaux avaient, là encore, majoritairement voté contre (6 contre, 4 pour), alors que les 19 représentants des organisations syndicales avaient voté contre.
Une fois encore, les représentants des élus au Cnen ont demandé au gouvernement de mettre fin à « l’alignement quasi-automatique des dispositions applicables aux agents relevant de la fonction publique de l’État à ceux relevant de la fonction publique territoriale ». Comme ils le soulignent régulièrement, « une évolution de la méthode d’élaboration de ces projets de texte [permettrait] de laisser davantage de marges de manœuvre aux employeurs publics territoriaux dans l’esprit du principe de libre administration des collectivités territoriales. »
En l’espèce, les représentants des élus estiment que les mesures contenues dans cette réforme « visent surtout à répondre aux besoins exprimés par la fonction publique de l’État ». S’ils ne nient pas la « simplification » des procédures induite par cette réforme, ils regrettent que les CAP soient maintenant « cantonnées à des instances de recours », ce qui risque de « restreindre substantiellement le dialogue social ». Les élus jugent que « la CAP aurait pu opportunément continuer à examiner les dossiers relatifs à l’avancement de grade ou encore aux transferts d’agents. »
Urgence sur les lignes directrices de gestion !
Dernier élément à noter : « Compte tenu des compétences désormais dévolues aux commissions administratives paritaires, il appartient aux collectivités et à leurs établissements publics de soumettre, pour avis, au comité technique leurs lignes directrices de gestion d’ici à la fin de l’année 2020 », est-il rappelé dans une récente note de la DGCL. « Les lignes directrices de gestion s’insèrent dans une nouvelle architecture des instances de dialogue social, caractérisée notamment par la suppression, à compter du 1er janvier 2021, de la compétence des commissions administratives paritaires pour l’avancement de grade et la promotion interne des agents au profit de règles définies par ces LDG. Par conséquent, la sécurisation des avancements et promotions pour l’année 2021 impose l’adoption des LDG en temps utile. En l’absence de LDG, il ne serait juridiquement pas possible de procéder aux promotions. »
Les lignes directrices de gestion concernant l’avancement de grade et la promotion interne doivent donc être impérativement prises avant le 31 décembre 2020. « S’agissant des collectivités affiliées, il incombe au centre de gestion auquel elles sont rattachées, de définir les LDG et de les transmettre, après avis de son propre comité social territorial, aux collectivités concernées pour consultation de leur comité social dans le délai fixé par voie réglementaire », rappelle la DGCL.
F.L.
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