Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 20 février 2025
Fonction publique territoriale

Diminution des indemnités maladie des agents : les employeurs territoriaux pourront-ils ne pas l'appliquer ?

À partir du 1er mars, l'indemnisation des agents en arrêt maladie va passer de 100 % à 90 %, comme en dispose la loi de finances pour 2025, désormais promulguée. Reste à savoir si les employeurs territoriaux pourront, ou non, maintenir la rémunération à 100 % s'ils le souhaitent. 

Par Franck Lemarc

C’est désormais acté par la parution de la loi de finances au Journal officiel, samedi dernier : l’indemnisation des trois premiers mois de congé maladie dans la fonction publique diminue de 10 %. Cette mesure entrera en vigueur le premier jour du mois suivant la parution de la loi, soit le samedi 1er mars. 

Moins 10 % sur le traitement indiciaire brut

Le gouvernement, on s’en souvient, a fini par renoncer à instaurer trois jours de carence obligatoires dans la fonction publique, mais pas à diminuer le montant des indemnités en cas d’arrêt maladie. L’article 189 de la loi de finances pour 2025 modifie l’article L822-3 du Code général de la fonction publique qui disposait jusqu’à présent qu’en cas d’arrêt maladie, pendant trois mois, le fonctionnaire perçoit « l’intégralité de son traitement ». Les mots « l’intégralité »  ont été remplacés par « 90 % ». 

Pour mémoire, cette disposition ne s’applique pas en cas d’accident de travail ou de maladie professionnelle. La déduction de 10 % s’applique au traitement indiciaire brut sans impact donc sur les primes et indemnités. Selon les premières estimations des organisations syndicales, un agent de catégorie C pourrait perdre plus de 200 euros pour 20 jours d’arrêt, en cumulant le jour des carence et la baisse de 10 % de l’indemnisation. 

Syndicats et employeurs territoriaux sur la même ligne

Ces dispositions devront faire l’objet d’un décret, dont un projet a été présenté devant le Conseil commun de la fonction publique (CCFP) le 11 février. Fait notable : non seulement les organisations syndicales, mais aussi les employeurs territoriaux, se sont prononcés contre ce projet de décret – les employeurs de la fonction publique hospitalière s’abstenant. Seuls les employeurs de la fonction publique de l’État ont voté pour. 

Les organisations syndicales ont toutes eu les mots les plus durs contre cette disposition : « Vous porterez la responsabilité de la dégradation des conditions de travail et de vie des agents publics », ont lancé les représentants de FO au ministre Laurent Marcangeli, qui se targue pourtant « d’aimer »  les fonctionnaires. Pour la CFDT, « l’application de la baisse de l’indemnisation des arrêts maladie (…) est inadmissible, d’autant plus inadmissible qu’elle vient quelques mois à peine après la signature d’un accord Prévoyance qui engage les signataires à améliorer la couverture existante ! », et le gouvernement veut « faire des économies sur le dos des collègues qu’un médecin aura jugé nécessaire de mettre en arrêt maladie ». Quant à la CGT, elle a parlé de « régression majeure des conditions de vie et de travail des personnels ». 

Le projet de décret a été présenté une seconde fois devant le CCFP hier, et rejeté de la même façon. Il sera donc publié contre l’avis des organisations syndicales et des employeurs territoriaux. 

Libre administration

Mais ceux-ci auront-ils le loisir de ne pas appliquer cette réforme ? Autrement dit, de maintenir une indemnisation intégrale pour les agents en arrêt maladie ?

Après tout, la question se pose d’autant plus que le gouvernement a pris prétexte, pour décider de cette baisse de 10 % des indemnités, de « l’égalité entre secteurs public et privé ». Mais précisément, dans le secteur privé, de très nombreux accords de branche ou accords d’entreprise permettent une rémunération à 100 % pendant les arrêts maladie (de tels accords concerneraient, selon les syndicats, 70 % des salariés du privé). 

Tant qu’à prôner l’égalité, donc, il serait logique que les employeurs territoriaux, ne serait-ce qu’en vertu du principe de libre administration, puissent décider, s’ils le souhaitent, de maintenir localement la rémunération à 100 %. 

C’est la position que défend en particulier Philippe Laurent, maire de Sceaux et porte-parole de la Coordination des employeurs territoriaux, dans une interview qu’il a accordée hier à nos confrères de Localtis. « Les collectivités veulent avoir la liberté d'action sur ce plan, explique le maire de Sceaux. Si les projets de textes avaient prévu que les collectivités délibèrent pour appliquer les taux de remplacement de la rémunération des congés de maladie ordinaire, nous n’aurions pas voté contre. » 

En réalité, il y a un flou sur le fait de savoir si cette mesure est obligatoire ou non. En tout cas, explique Philippe Laurent, Bercy affirme que oui. Mais cela n’empêchera pas, selon lui, « un  certain nombre de collectivités (de) délibérer pour affirmer qu'elles continueront à indemniser leurs agents à 100% en cas d'arrêt maladie ». Il faudra voir alors si les préfets décident d’attaquer ces délibérations ou non. 

On se rappelle que dernièrement, plusieurs décisions de collectivités en matière de gestion des ressources humaines ont été déférées par les préfets, l’État souhaitant visiblement garder la main en la matière. Cela a été le cas ces dernières années sur le temps de travail, par exemple, les préfets attaquant systématiquement les collectivités ayant instauré localement un temps de travail inférieur à 1607 heures. Ou encore, plus récemment, sur la question des autorisations spéciales d’absence (Asa) accordées par des maires à des agentes pour cause de règles douloureuses : le tribunal administratif de la Haute-Garonne, saisi par le préfet, a interdit cette pratique (lire Maire info du 27 novembre). Fort de cette décision, le préfet de l’Isère vient d’attaquer à son tour plusieurs collectivités qui avaient elles aussi instauré un congé menstruel, et le tribunal administratif de Grenoble l'a suivi, hier (lire article ci-contre).

Rappelons que sur le temps de travail et les 1607 heures, le débat est remonté jusqu’au Conseil constitutionnel, un certain nombre de maires ayant tenté de faire reconnaître que le fait d’imposer un temps de travail uniforme à toutes les collectivités est contraire au principe constitutionnel de libre administration de celles-ci (lire Maire info du 5 septembre 2022). Mais les Sages avaient rejeté leur demande, en estimant que la décision du gouvernement d’imposer les 1607 heures dans toutes les collectivités répondait à un objectif « d’intérêt général », et ne méconnaît donc pas la Constitution. 

Lourdeurs administratives

Que feront les préfets si des maires décident de maintenir les 100 % d’indemnisation pour leurs agents ? On va sans doute très vite le savoir. Il est en effet évident que des élus seront tentés de prendre cette décision, d’abord pour ne pas voir leurs agents – notamment de catégorie C – trop lourdement pénalisés, mais également, comme le rappelle Philippe Laurent, parce que cette mesure « a aussi pour inconvénient d'alourdir la gestion administrative, avec l'obligation d'ouvrir un dossier à chaque fois qu'un agent est en arrêt maladie ». 

Le maire de Sceaux rappelle à cette occasion que le maintien de la rémunération à 100 % ne constituerait pas « une dépense supplémentaire », puisqu’elle est déjà en vigueur, mais « une économie en moins ». Il appelle donc l’État à laisser les employeurs territoriaux décider eux-mêmes de la façon dont ils souhaitent faire des économies : « Si l’État veut faire passer la rémunération à 90 % pour les arrêts maladie de ses agents – dont une majorité relève de la catégorie A –, qu'il le fasse. Mais qu'il le fasse seulement pour ses agents ». 

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