Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 4 juin 2025
Fonction publique territoriale

De nouvelles mesures obligatoires pour protéger les salariés et agents contre les épisodes de chaleur

Le gouvernement a publié dimanche, au Journal officiel, un décret imposant aux employeurs de prendre des mesures sérieuses pour protéger les travailleurs contre les chaleurs intenses. Ces mesures sont plus que bienvenues dans la perspective de la multiplication des épisodes de chaleur.

Par Franck Lemarc

Ce sont un décret et un arrêté qui ont été publiés au Journal officiel du 1er juin, avec un délai de mise en œuvre d’un mois. Ces mesures prendront effet le 1er juillet. Attention, s’il s’agit d’une modification du Code du travail – en général réservé aux employeurs privés –, il faut rappeler que les mesures de ce Code concernant l’hygiène et la sécurité s’appliquent également dans la fonction publique : comme il est précisé dans un décret du 10 juin 1985, « dans les collectivités, (…) les règles applicables en matière de santé et de sécurité sont (…) celles définies aux livres I à IV de la quatrième partie du Code du travail ».

Le décret publié avant-hier modifie le livre II de cette quatrième partie du Code du travail. Il s’agit donc bien de règles qui s’appliquent de la même façon pour les employeurs privés et publics.

Conditions d’application

C’était – et dans une certaine mesure cela reste, même après publication de ces textes – une lacune essentielle du droit du travail en France : il n’existe que très peu de règles concernant la protection des travailleurs contre la chaleur et le froid. En particulier, il n’existe pas de température au-delà ou en-deçà de laquelle il est interdit de faire travailler des personnes. Et le décret paru dimanche n’en instaure toujours pas.

En revanche, il prévoit des règles de prévention un peu plus strictes qu’auparavant pour assurer un minimum de sécurité en cas de canicule. L’arrêté publié dimanche définit ces termes de « canicule »  et « d’épisode de chaleur intense »  : l’employeur devra prendre les mesures définies dans le décret en s’appuyant sur les niveaux de vigilance de Météo France. Un « épisode de chaleur intense »  correspond à l’atteinte des niveaux de vigilance jaune, orange ou rouge de Météo France ; une « période de canicule »  correspond uniquement aux niveaux orange et rouge.

Régulation de la température des locaux

Les premières dispositions du décret ne s’appliquent pas spécialement aux périodes de canicule mais sont plus générales : alors que le Code du travail disposait jusqu’à présent que « les locaux fermés affectés au travail sont chauffés pendant la saison froide », cet article a été récrit ainsi : « Les locaux fermés affectés au travail sont, en toute saison, maintenus à une température adaptée compte tenu de l'activité des travailleurs et de l'environnement dans lequel ils évoluent. »  Ce qui suppose donc l’obligation non plus seulement de chauffer l’hiver, mais de réguler la température l’été. On notera cependant que la notion de « température adaptée »  reste relativement subjective.

Autre modification importante : jusqu’à présent, le Code du travail disposait que sur les postes de travail extérieurs, les travailleurs devaient être « protégés contre les effets des conditions atmosphériques dans la mesure du possible ». Le nouveau décret supprime ces cinq derniers mois, ce qui interdit donc aux employeurs de s’appuyer sur des difficultés opérationnelles pour prendre les mesures adéquates.

De nouvelles dispositions sont également définies pour le port des EPI (équipements de protection individuels) : pour déterminer notamment « la durée du port de ces équipements » , l’employeur doit désormais tenir compte « des conditions atmosphériques ».

Plan de prévention

L’article 3 du décret crée un nouveau chapitre dans le Code du travail intitulé « Prévention des risques liés aux épisodes chaleur intense » , soit comme on l’a vu en cas d’atteinte des niveaux de vigilance jaune, orange ou rouge. L’employeur doit alors « évaluer les risques liés à l’exposition des travailleurs, (…) en intérieur et en extérieur » . En cas d’identification de « risque pour la santé » , il devra mettre en œuvre un certain nombre de mesures allant de la modification de l’agencement des lieux et postes de travail jusqu’à « des moyens technique pour réduire le rayonnement solaire sur les surfaces », en passant par une modification des EPI et la mise à disposition de davantage d’eau. Ces mesures sont susceptibles d’être « adaptées »  pour les travailleurs « particulièrement vulnérables ».

L’employeur doit également désormais prévoir, notamment pour les postes de travail extérieur et/ou isolés, « un moyen pour maintenir au frais tout au long de la journée de travail l’eau destinée à la boisson »  – via des sacs isothermes, par exemple. Sur les postes de travail ne bénéficiant pas d’une alimentation en eau courante, l’employeur doit prévoir – en cas de chaleur intense toujours – une quantité « d’au moins trois litres d’eau par travailleur ».

Indemnité en cas d’arrêt de travail

Signalons enfin que ces textes précisent dans quelles conditions la canicule ouvre droit à une indemnité en cas d’arrêt de travail, dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics.

Explication : le Code du travail prévoit que lorsque des travailleurs sont momentanément « privés d’emploi »  à cause d’intempéries rendant « dangereux ou impossible l'accomplissement du travail » , ces travailleurs ont droit à une indemnisation, appelée « indemnité journalière d’intempérie » . Il était déjà mentionné dans le Code du travail que les intempéries ouvrant droit à ces dispositions sont « la canicule, la neige, le gel, le verglas, la pluie et le vent fort ». Mais il n’était en revanche pas précisé ce qu’est une « canicule ». Conformément aux dispositions expliquées plus haut, il est maintenant clairement précisé que cela correspond, exclusivement, aux vigilances orange ou rouge de Météo France.

Il est à noter que ce décret n'a pas été présenté devant le Conseil national d'évaluation des normes – alors que de facto, il crée un certain nombre de contraintes pour les employeurs publics – et n'a fait l'objet d'aucune concertation avec l'AMF. Au sein de celle-ci, on juge d'ailleurs, ce matin, que le délai d'un mois donné aux employeurs pour se mettre en conformité est parfaitement « irréaliste ». On peut également relever qu'une fois encore, le gouvernement créé des normes qui auront un coût certain pour les collectivités, au moment où non seulement il affirme vouloir diminuer le nombre de normes mais demande, en plus, aux collectivités de freiner leurs dépenses de fonctionnement. 

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