Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 12 décembre 2024
Fonction publique territoriale

Attractivité : le président du CSFPT réclame un plan d'urgence

Rappelant qu'il avait déjà tiré la sonnette d'alarme dans un précédent rapport sur le déficit d'attractivité de la fonction publique territoriale, Philippe Laurent appelle à un plan d'actions concerté visant à sauver le service public.

Par Emmanuelle Quémard

« Trois ans de perdu. »  Tel est le constat amer de Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) et maire de Sceaux (Hauts-de-Seine) après la publication du rapport de France Stratégie consacré à la « crise d’attractivité »  qui frappe actuellement la fonction publique (Maire-Info du 11 décembre). Réalisé par l’organisme en charge de la stratégie et de la prospective auprès du Premier ministre, le document analyse les causes de la désaffection des Français vis-à-vis des carrières publiques et propose des pistes pour « relever le défi de l’attractivité ».

Un « message d’alerte »  dont le chef de file des employeurs territoriaux ne conteste pas les conclusions, mais qui, selon lui, arrive bien tard. Dans un communiqué diffusé le 10 décembre, Philippe Laurent rappelle, en effet, qu’il avait remis au gouvernement en février 2022 un précédent rapport, réalisé en collaboration avec Mathilde Icard, présidente de l’Association des DRH des grandes collectivités et Corinne Desforges, inspectrice générale de l’administration, sur la dégradation de l’attractivité de la fonction publique territoriale. Un rapport assorti de nombreuses propositions.

Pénurie de candidats aux concours et hausse des départs à la retraite

Dans ce mémorandum dont l’ancienne ministre Amélie de Montchalin avait pris acte, le président du CSFPT soulignait notamment les difficultés des collectivités à attirer de nouveaux talents pour compenser le vieillissement de la pyramide des âges au sein de la territoriale et l’augmentation régulière et massive du nombre de départs à la retraite. Sur ce sujet, les employeurs publics alertent le gouvernement depuis plusieurs années au moyen d’ indicateurs RH qui prennent de plus en plus d’ampleur, notamment la hausse des démissions chez les agents et la pénurie de candidats aux concours. En cause, selon eux, l’image dégradée des métiers du service public, la méconnaissance des carrières publiques, les conditions de travail difficiles dans de nombreuses filières professionnelles...

Trois ans plus tard, France Stratégie ne fait que confirmer ce constat, en observant que « 64 % des collectivités territoriales indiquent au moins un champ professionnel en tension en 2023 ». Une tendance qui s’applique également à de nombreux métiers de la fonction publique d’Etat et de la fonction publique hospitalière et qui n’est pas sans conséquence sur la qualité des services publics rendus aux usagers à travers tout le territoire.

Dans le rapport de 2022, Philippe Laurent insistait notamment sur la question de la rémunération et du pouvoir d’achat des agents territoriaux. Une question que le président du CSFPT juge aujourd’hui « centrale »  et « encore plus prégnante », compte-tenu de la très forte proportion d’agents de catégorie C exerçant dans les collectivités. « Il s’agit de réfléchir à une politique de rémunération plus globale et non pas au coup par coup, confie-t-il à Maire-Info. On a beaucoup bricolé ces dernières années pour éviter une augmentation à caractère général. Il faudrait surtout relever les indices des plus bas salaires et donner de véritables perspectives de carrière aux agents de catégorie C ». « Mais, du côté des employeurs territoriaux, ajoute Philippe Laurent, la maturité collective est insuffisante pour qu’il y ait de réelles avancées en matière de gestion partagée avec les organisations syndicales ».

Le maire de Sceaux pointe, en outre, dans son dernier communiqué, les autres paramètres de la perte d’attractivité des emplois publics, citant en particulier « le manque de considération des agents publics, les évolutions de carrière, le maintien dans l’emploi dans certains métiers, l’action sociale, la protection sociale complémentaire, le logement des agents publics, le dialogue social insuffisant... ». Autant d’objectifs sur lesquels un grand nombre de collectivités travaillent d’arrache-pied, mettant souvent en œuvre des bonnes pratiques, telles que l’élaboration de « marques employeurs »  ou encore des « initiatives en matière de protection sociale ».

Vague de « fonctionnaire bashing » 

Malgré les efforts réalisés sur le terrain, Philippe Laurent déplore le faible soutien manifesté par les gouvernements qui se sont succédé depuis 2022. « Il faut bien admettre que, depuis trois ans, presque rien n’a été fait malgré les chantiers annoncés par le précédent ministre de la Fonction publique, Stanislas Guérini, qui avait manifesté une vraie volonté de traiter le sujet et initié quelques réflexions », affirme l’élu francilien.

Ce dernier s’insurge, par ailleurs, contre la vague de « fonctionnaire bashing »  qui semble déferler sur le pays. « Les récentes critiques et attaques contre les agents publics provenant de personnalités haut placées de l’État et de certains dirigeants politiques du pays, et les rapports à charge de quelques institutions, ont encore davantage abîmé l’image de la fonction publique, du service public et des agents publics qui le servent, créant chez ces derniers un fort sentiment d’abandon et de relégation », déplore Philippe Laurent en dénonçant « les faits et chiffres erronés, les analyses fallacieuses et les jugements hâtifs »  qui permettent à ceux qui les présentent « au plus haut niveau de l’Etat (…) de se dédouaner de leurs propres responsabilités », contribuant ainsi « à la destruction du ciment national qu’est le service public, et à l’affaiblissement tout entier du pays ».

Face à cette situation qualifiée « d’inquiétante »  et de « mortifère », le président du CSFPT rappelle que les employeurs publics ont sous le coude de nombreuses propositions, qui, « ne peuvent pas être mises en œuvre sans textes nationaux législatifs ou réglementaires ». Ce qui conduit les acteurs des services publics locaux à demander au gouvernement « quel qu’il soit », la mise en œuvre d’un « véritable plan d’actions »  destiné à relancer l’attractivité de la fonction publique. « Il y a véritablement urgence pour sauver le service public », conclut Philippe Laurent.

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