Maire-info
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Édition du mardi 18 juin 2024
Fiscalité locale

Taxe foncière : la détection des piscines non déclarées a rapporté 40 millions d'euros au bloc communal 

Si la DGFiP se félicite de la détection de nombreuses piscines grâce à l'intelligence artificielle, la CGT déplore un taux d'erreurs particulièrement important en 2023. Une année qui a connu également une hausse conséquente des contestations de la TH sur les résidences secondaires.

Par A.W.

Alors que le Premier ministre, Gabriel Attal, assurait, fin avril, que la généralisation de l'intelligence artificielle allait « simplifier »  les démarches administratives, la DGFiP suit le chef du gouvernement dans son dernier rapport, qu’elle vient de publier, et dans lequel elle met en avant, à plusieurs reprises, l’utilisation de l’IA par ses services. Pourtant, tout n’est pas parfait.

Si l’intelligence artificielle a été confiée à « une petite équipe »  au sein de la DGFiP, la nouvelle directrice générale des finances publiques (DGFiP), Amélie Verdier, a voulu rassurer, dans une vidéo récente, en insistant sur le fait qu’il y a « toujours un humain qui relit, qui valide. C’est une aide, mais ça ne remplace pas l’humain ».

140 000 piscines détectées et des « erreurs » 

Résultat, en 2023, la part des contrôles ciblés par l’intelligence artificielle s’est, par exemple, élevée à 56 %, (soit une hausse de 7 % par rapport à 2022) rapportant 15,2 milliards d’euros de droits et pénalités.

En exploitant des photos aériennes réalisées par l’Institut géographique national (IGN), elle a aussi permis de « multiplier par quatre »  le nombre de piscines détectées en 2023 et de détecter 140 000 piscines non déclarées (ou un peu « plus de 120 000 piscines », deux chiffres différents apparaissant dans le rapport), rapportant cette fois 40 millions d'euros de taxe foncière supplémentaires pour les communes et intercommunalités.

« Les photos sont comparées avec le cadastre par une intelligence artificielle capable de distinguer des formes. Chaque détection est systématiquement validée par un agent », indique la DGFiP, qui se félicite que, « face au succès de l’expérimentation », le dispositif ait été généralisé en 2023 à l’ensemble du territoire et ait « vocation à s’étendre aux autres constructions non déclarées ». 

Un « succès »  pourtant critiqué par la CGT Finances publiques des Bouches-du-Rhône qui affirme, dans La Provence, que le taux d’erreurs de l’IA s’élève à « au moins 30 % ».

Son secrétaire départemental, Philippe Laget, relate que « si la couleur de l’eau d’une piscine ne correspond pas au bon bleu, le robot ne la détecte pas », celui-ci ne sachant pas également distinguer un bassin démontable, généralement non imposable, d’une piscine construite en dur.

Et ce n’est pas le seul à rester prudent quant à cette technologie. La généralisation de l'IA dans les services publics a ainsi été jugée « fortement prématurée »  par Intercommunalités de France et France urbaine (ainsi que les Interconnectés, association de diffusion des usages numériques pour les collectivités), après la série d’annonces faite par Gabriel Attal. 

Dans son rapport annuel publié en avril 2023, la Défenseure des droits Claire Hédon avait également alerté sur une détérioration de l'accès aux services publics et pointé une « dématérialisation excessive ».

Résidences secondaires : explosion des contestations 

Autre problème rapidement évoqué dans le rapport : l’explosion des contestations de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS) en 2023, avec plus de 600 000 demandes de dégrèvement reçues par le fisc, contre une moyenne de 400 000 habituellement, comme l’a reconnu, la semaine passée, Amélie Verdier, lors de la présentation du rapport.

Sur les quatre millions de contribuables adultes visés par l’un de ces avis d’imposition… 16 500 ont même été envoyés à des enfants mineurs, selon une note interne révélée par Ouest France. Un syndicaliste expliquant que « le fond du problème, c’est qu’on demande à des contribuables de faire des tâches qui étaient auparavant effectuées par les agents des finances publiques ».

En cause, la nouvelle fonctionnalité relative à la déclaration d’occupation des biens. Une nouvelle obligation déclarative pour les propriétaires – à laquelle sont aussi contraintes les collectivités d’ici le 30 juin (en cas de changement de situtation l'an passé) – introduite à la suite de la suppression de la taxe d’habitation (TH) et le maintien d’une imposition à la TH des résidences secondaires et des locaux vacants. Une démarche qui apporte au fisc des données sur les locaux à usage d'habitation et permet de maintenir correctement le ciblage de la taxe. Cette année, un correspondant départemental assure le soutien des collectivités lors de cette obligation déclarative.

Si « plus de 82 % de propriétaires »  ont effectué cette déclaration l’an passé (les informations étant donc en partie erronées pour les 18 % restants), « ce résultat a été obtenu après une campagne marquée par de trop nombreuses difficultés […] : difficultés pour les usagers à comprendre l’objectif de la déclaration [et une] communication sans doute insuffisante », reconnaît la DGFiP dans son rapport, soulignant que ses « canaux de contacts ont été saturés […] et la qualité de service s’en est fortement ressentie ».

Le fisc a, toutefois, régularisé tous les avis de taxe d'habitation reçus par erreur cette année, la DGFiP assurant avoir « bâti un plan d’actions conséquent »  pour l’année 2024 afin « d’améliorer la qualité [des] bases fiscales et de pouvoir taxer correctement ».

Maillage territorial

Dans le cadre du nouveau réseau de proximité (NRP) des finances publiques, la DGFiP indique avoir renforcé son maillage territorial en permettant désormais à 3 020 communes de disposer d’un accueil des Finances publiques sur leur territoire, ce qui représente « 50 % de communes en plus par rapport à 2019 ». Elle dénombre aussi 917 conseillers aux décideurs locaux et 529 services de gestion comptable.

Elle compte également 2 692 France services labellisés. Lancé en 2019, ce réseau a poursuivi son élargissement en 2023 avec la labellisation de « 96 nouveaux espaces », parmi lesquels « 54 en zone rurale, 21 dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), 7 sous la forme itinérante de bus, 6 au sein d’une sous-préfecture ». Ainsi, « plus de neuf Français sur dix se trouvaient à moins de 20 minutes d’un point d’accueil France Services au 31 décembre 2023 », indique le rapport.

Par ailleurs, ce sont 15 000 buralistes agréés qui sont désormais présents dans 7 600 communes, permettant aux usagers de régler dans les bureaux de tabac les factures relevant du secteur public local (cantine, crèche, hôpitaux, amendes) ainsi que leurs impôts.

Alors que le compte financier unique (CFU) – qui se substitue aux traditionnels compte administratif de l’ordonnateur et compte de gestion du comptable public - doit être généralisé au plus tard en 2027, la nouvelle période de recensement de candidats à l’expérimentation a permis d’établir « une liste consolidée de 4 878 collectivités expérimentatrices », selon la DGFiP qui assure que 90,64 % des élus étaient satisfaits de son action en 2023.

Consulter le rapport.
 

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